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Que va quémander Habib Essid au Qatar ?

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Habib Essid est-il allé au Qatar pour s’inspirer de la précieuse expérience de cet émirat dans le soutien logistique aux terroristes islamistes ?

Par Tarak Arfaoui*

Le chef du gouvernement Habib Essid vient d’effectuer un voyage au Moyen-Orient, qui l’a amené au royaume hachémite de Jordanie, pièce maitresse de l’échiquier régional, et le très riche émirat du Qatar, presqu’île du Golfe, où il a discuté des relations étroites unissant les deux pays et des moyens de relancer leurs coopération et échanges et espérer d’éventuels aides et crédits qu’on ne voit pas vraiment venir.

La politique sournoise des wahhabites

Il est certes dans l’intérêt de la Tunisie d’établir des relations amicales avec nos «frères» arabes, mais la réciprocité doit être une condition sine qua non pour la pérennité de ces relations. C’est une évidence pour les relations exemplaires que nous  entretenons avec la Jordanie et une grande aventure sur fond hypocrisie diplomatique concernant nos relations avec le «vilain petit Qatar» pour emprunter le titre d’un essai de Nicolas Beau.

Les graves soubresauts qui ont frappé de plein fouet notre pays depuis la révolution ont révélé au grand jour les grandes manoeuvres de déstabilisation de l’échiquier régional orchestrées par des forces arabes réactionnaires.

Tous les observateurs sont d’accord sur le fait que les événements de ces dernières années qui ont abouti à la désintégration de l’Irak, de la Syrie et de la Libye, puis l’explosion de l’extrémisme religieux et du terrorisme jihadiste sont le résultat de la politique sournoise et hypocrite des wahhabites en général et, il faut bien le clamer haut et fort, du Qatar en particulier.

Que va chercher le chef du gouvernement tunisien au Qatar, un petit pays très loin de nos rivages, dont le pouvoir de nuisance est malheureusement inversement proportionnel à sa taille, et qui n’avait aucune existence digne de ce nom avant 1971, date de sa création?

Il y va, avant tout, en tant que Tunisien, représentant un pays aux racines  millénaires, au passé immensément riche qui a marqué d’un sceau indélébile l’histoire de  l’humanité, un pays vaillant façonné par des hommes et des femmes exceptionnels toujours à l’avant-garde des événements historiques, qui a enfanté Hannibal, Massinissa, Saint Augustin, la Kahena, Ibn Khaldoun, Kheireddine et autres Bourguiba. Dans l’espoir de séduire quelques improbables investisseurs, M. Essid est allé rendre visite à un pays qui inonde l’Occident par des centaines de milliards de dollars, en achetant à tour de bras holdings, sociétés, musées, résidences de luxe, équipes de foot, et j’en passe, sans se soucier de l’extrême misère de ses voisins musulmans.

Une république bananière chez Cheikha Moza

M. Essid est un homme pressé; dès qu’il a mis les pieds à Doha, il s’est empressé de rendre visite à la régente de l’émirat, Cheikha Mozah, qui l’a reçu dans son fief de la Fondation Qatarie pour l’Education, fondation richissime gérée d’une manière implacable par des prédicateurs wahhabites dont la charia est le seul credo, qui n’admettent pas les droits élémentaires de la femme, et qui préconisent encore au 21e siècle la ségrégation des sexes à l’école et à l’université.

Que va quémander M. Essid dans ce petit îlot du golfe persique à peine deux fois plus grand que le Cap Bon tunisien et dont les autochtones – qui ne font pas plus de 500.000 habitants – sont servis par plus d’un million d’immigrés, parqués dans de véritables ghettos et parfois traités comme des esclaves ?

M. Essid est allé respirer l’air pur et vivifiant du premier pollueur de l’humanité classé largement en pole position (plus grand producteur de CO2 par tête  d’habitants dans le monde) devant les Etats Unis et la Chine.

Peut-être que notre chef de gouvernement est allé s’inspirer de l’expérience démocratique de cet émirat dont le souverain a été destitué par son cousin, lui même destitué par son propre fils, dans un pays où le mot démocratie est une injure, où n’existe aucun parti politique ni parlement digne de ce nom. Très inquiet pour notre sécurité, M. Essid est allé signer des protocoles sécuritaires (sic !) pour profiter de la précieuse expérience du Qatar dans ce  domaine, un pays expert dans le soutien logistique aux terroristes islamistes.

L’art de brasser du vent

Le voyage de M. Essid a été très mal perçu en Tunisie par une grande partie de l’opinion publique, et pour cause. La seule explication plausible de ce simulacre de voyage diplomatique n’est à chercher que dans les manigances et les basses manoeuvres politiciennes, sous l’impulsion des protecteurs américains et des islamistes d’Ennahdha. Ces derniers ne font rien sans la bénédiction de leur sponsor qatari et notre chef de gouvernement ne fait rien sans l’aval bienveillant d’Ennahdha.

A la vue des échéances angoissantes qui attendent la Tunisie, M. Essid, en homme apolitique qui peine à faire de la politique, a comme toujours malheureusement l’air de brasser du vent pour faire avancer notre  navire en nageant à  contre-courant. Toujours à la quête inlassable d’éventuels investisseurs, son prochain voyage est parait-il programmé aux Iles Comores, avec tout le respect que l’on doit à nos frères Comoriens.

* Médecin.

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