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Le général Rachid Ammar ou la haine des héros

Rachid-Ammar

A propos de la plainte de Sami Sik Salem, l’ancien directeur général de la sécurité présidentielle, contre le général Rachid Ammar pour enlèvement et séquestration.

Par Mohamed Nafti *

Encore une affaire liée au général Rachid Ammar. Elle n’est pas la première et ne sera pas la dernière. Les premières accusations commencèrent à fuser peu avant le 2 mars 2011, sous forme de tracts clandestins et anonymes l’accusant de trahison. Des blogs agressifs animèrent les colonnes de certains journaux électroniques après les élections législatives de 2011 et durant la longue période de tractations pour la formation du nouveau gouvernement provisoire. Des critiques acerbes et des attaques virulentes fusèrent de toutes parts contre la personne de l’ex-chef d’état major interarmes à partir du mois d’avril 2013, date des premières attaques terroristes au Jebel Chaambi. A chaque fois, sa défense a été assurée par son chef politique, le ministre  de la Défense, l’honorable Abdelkerim Zbidi. Après la démission de ce dernier au mois de mai 2013, le général a été livré à son sort. Il a dû annoncer sa démission à la télévision. Il était certainement déçu.

Voilà aujourd’hui une autre affaire qui lui est liée. Une autre histoire qui refait surface peu avant un remaniement ministériel annoncé, alors que des rumeurs évoquent une possibilité de désigner une grande figure militaire retraitée pour le portefeuille de la Défense.

C’est peut-être le fruit du hasard qui parfois fait bien les choses. Personnellement, je ne donne pas foi à cette rumeur. La raison est que, dans nos traditions arabo-musulmanes, nous cultivons une contradiction absurde : nous haïssons les héros vivants et nous adorons les morts qu’on qualifie de martyrs.

Khalid Ibn El-Walid (Saifallah Al-Masloul), héros de la célèbre bataille d’Uhud, de la guerre de «ridda» (apostasie), de la conquête de l’Irak et de la prestigieuse bataille de Yarmouk… Ce héros légendaire a défait l’empire romain de l’est. Comment a-t-il été récompensé par le calife le plus juste de notre histoire? Lorsqu’il lui a livré la clef de la ville sainte Al-Qods, le calife a pris une poignée de terre et l’a jetée sur la face de Khalid pour l’humilier, prétextant de l’orgueil effronté du général Khalid et de l’élégance de sa tenue. Le calife ne s’arrêta pas en si bon chemin et devait destituer Khalid du commandement général de l’armée musulmane. La récompense du général Ammar ne devait pas s’arrêter là, générosité arabe oblige, il devait être exilé jusqu’à sa mort par la peste loin de sa terre natale à Homs.

Tarik ibn Zied, l’enfant prodige du Djérid Tunisien. Un général pur sang, Tunisien hissé au rang des grands chefs militaires de tous les temps. Après avoir conquis une grande partie de l’Ibérie, il a été rejoint par son chef politique Moussa ibn Nosair. Imaginez leur premier contact. Vous allez dire une accolade très chaleureuse et une décoration. Non ! Moussa, jaloux des succès de son esclave, a choisi d’humilier Tarik en le fouettant devant ses soldats. Tarik devait périr dans les geôles de Damas après avoir livré le tribut de la conquête au Calife.

Abou Moslim Al Khorassani était un général abbasside, planificateur et maître d’œuvre de la conquête du pouvoir abbasside. Durant des années, il a combattu les Omeyades et éliminé les opposants dangereux pour offrir le pouvoir suprême, sur un plateau, aux Abbassides. En récompense il a été assassiné tout court.

La liste est longue et il est inutile d’ennuyer le lecteur. Ce qui se passe pour le Général Ammar n’est pas une fatalité. Je connais l’homme. Je dirais simplement : «Une grande intelligence devait liguer contre elle toutes les médiocrités».

* Général à la retraite.

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