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Nidaa Tounes, les Tunisiens et le piège du vote utile

Hafedh-et-Beji-Caid-Essebsi

Béji Caïd Essebsi intronise son fils Hafedh et affirme qu’il n’a pas d’héritier politique!

En portant au pouvoir Béji Caïd Essebsi et Nidaa Tounes, les Tunisiens payent aujourd’hui au prix fort leur naïveté politique.

Par Mohamed Ridha Bouguerra*

Le rideau est, finalement, tombé sur la piètre mise en scène du prétendu congrès consensuel du parti Nidaa Tounes qui s’est déroulé à Sousse les 9 et 10 janvier 2016 avec pour slogan «Le Congrès de la Fidélité» (?!).

A entendre certains congressistes, dont le ministre de l’Éducation nationale, Néji Jalloul, c’est là un événement historique majeur dans le processus démocratique que nous traversons et le 10 janvier 2016 est une date que l’histoire de la Tunisie retiendra !

Sans doute ! Mais, certainement pas pour les raisons auxquelles pensait un des parrains de ce coup d’État à l’intérieur du parti qui a emporté les élections de 2014.

Au mépris du jeu démocratique

Historique, ce rassemblement des Nidaistes l’est, certes, par son mépris affiché même pour les formes extérieures du jeu démocratique dans la mesure où la nouvelle direction vient de mettre la main sur le parti sans passer par la case obligée dans toute formation politique qui se respecte, à savoir celle des élections!

Historique, ce congrès l’est sûrement dans la mesure où le président de la république, Béji Caïd Essebsi, est venu en personne assister au sacre de son fils, Hafedh, élevé au rang de vrai et seul maître de Nidaa, et cela au mépris, souligné par la plupart des observateurs, des devoirs de sa charge comme président de tous les Tunisiens et donc au-dessus des partis.

Historique, ce raout l’est, sans aucun doute, dans la mesure où les Nidaistes ont convié à leur fête leurs adversaires politiques d’hier et, entre autres, les défenseurs des assassins de feu Lotfi Nagdh, le représentant de Nidaa à Tataouine publiquement lynché, en plein jour, en octobre 2012, par les sinistres Ligues de protection de la révolution (LPR), milices fascisantes protégées par la Troïka, la coalition gouvernementale dominée par Ennahdha alors au pouvoir.

Historique, cette journée du 10 janvier 2016 l’est sans conteste puisqu’elle a enregistré la scission de fait de feu Nidaa Tounès et la naissance d’un probable Néo-Nidaa Tounès, rival du premier mais faisant également appel au vétuste héritage moisi, ranci et obsolète du bourguibisme ! Comme si nous n’étions pas encore sortis des années 1950-1960 ! Comme si les problèmes dans lesquels nous nous débattons aujourd’hui étaient ceux-là mêmes que nos parents avaient hérités à la fin de l’ère coloniale ! Comme si nous étions incapables de concevoir une stratégie, un projet de société et un modèle de développement tournés vers l’avenir et non vers le passé!

Historique, cette journée du 10 janvier 2016 l’est encore dans la mesure où elle nous a apporté, à la veille du cinquième anniversaire de la révolution, la triste preuve de l’immaturité de la classe politique qui a pris les commandes du pays après le 14 janvier 2011!

Le prix fort du vote utile

Un fils qui se prévaut des seuls liens du sang pour succéder à son père à la tête d’un parti politique qui, ainsi, s’hérite comme on le ferait d’un patrimoine familial!

Des hommes au pouvoir infidèles à leurs promesses électorales et aujourd’hui alliés de fait de leurs concurrents de la veille!

Des dirigeants politiques en perte de vitesse et de majorité au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en train de mendier l’aide d’une formation partisane hétéroclite, d’origine douteuse et sans véritable ligne politique clairement définie!

Des députés démissionnaires de leur parti mais non de leur groupe parlementaire; d’autres démissionnaires de leur groupe parlementaire mais non de leur parti; d’autres encore suspendant seulement leur appartenance à leur parti; d’autres, enfin, annonçant leur maintien dans leur parti d’origine mais claironnant leur ambition de le réformer de l’intérieur en y créant un courant réformateur! Comprenne qui pourra!

Et dire que l’année 2015 a été celle de tous les espoirs après le règne sanglant de la Troïka et après des élections vécues comme une véritable délivrance!

Quel gâchis! Quelle déception! Et pourtant nous avons été bien nombreux à croire au beau et tentant projet de Nidaa Tounès! Au point de céder – allégrement pour certains, la mort dans l’âme pour d’autres – à l’appel au vote utile! Nous payons au prix fort, aujourd’hui, ce regrettable moment d’égarement ainsi que notre naïveté politique!
Il va falloir, cependant, oser croire encore que 2016 sera l’année du sursaut salvateur! Ne dit-on pas que l’espoir peut aider à vivre?

* Universitaire.

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