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Une intervention militaire se prépare contre Daêch en Libye

Daech-en-Libya

Les Etats-Unis et leurs alliés préparent des frappes aériennes et des opérations de commando contre l’Etat islamique (EI, Daêch) en Libye.

Par Eric Schmitt et Helene Cooper *

Inquiétés par la menace croissante de l’Etat islamique (EI, Daêch) en Libye, les Etats-Unis et leurs alliés ont augmenté le nombre de leurs vols de reconnaissance et leur collecte de renseignement sur ce pays, en préparation de très probables frappes aériennes et d’opérations de commando.

C’est sur quoi s’accordent, depuis plus d’une semaine, la plupart des décideurs politiques américains, les hauts gradés de l’armée et les chefs du renseignement aux Etats-Unis.

Une affaire de «quelques courtes semaines»

Bien qu’aucune décision définitive n’ait été prise, pour l’instant, sur le timing de cette offensive des Etats-Unis et leurs alliés contre Daêch en Libye, les responsables de l’administration américaine disent tous, ou presque, que celle-ci ne saurait tarder. C’est une affaire de «quelques courtes semaines», a déclaré la semaine dernière le général Joseph F. Dunford Jr., le chef d’Etat-Major des armées des Etats-Unis, pour qui l’intervention militaire en Libye est une chose pratiquement acquise: «Nous pouvons dire, avec cette certitude, qu’une action militaire décisive contre l’Etat islamique est envisagée conjointement avec le processus politique (…) Le président nous a clairement fait savoir que nous avons autorité de recourir à l’usage de la force militaire.»

En effet, des équipes d’«opérations spéciales» américaines et britanniques ont mené, depuis de nombreux mois, des missions de reconnaissance clandestines en Libye afin d’identifier avec précision les dirigeants de l’organisation terroriste présents sur le terrain dans ce pays, de recenser les liens et les réseaux qu’ils ont pu mettre sur pied. D’autres unités spéciales américaines ont tenté, depuis un an, d’établir des contacts et de s’attirer les sympathies parmi le patchwork des milices libyennes qui, pour la plupart, demeurent peu fiables, imprévisibles, généralement mal organisées et divisées par régions et par tribus.

Récemment, les hauts responsables militaires occidentaux n’ont eu de cesse de lancer des signaux très clairs quant à cette menace de l’EI en Libye, où le groupe terroriste disposerait d’une force d’environ 3000 combattants. Les services de renseignement occidentaux soutiennent qu’étant donné que les déplacements vers l’Irak et la Syrie ont été difficiles ces derniers temps – puisque la Turquie a décidé de renforcer les contrôles de ses frontières avec la Syrie –, les nouvelles recrues de Daêch ont été orientées en nombre de plus en plus important vers la Libye.

Le général Dunford a déclaré que les Etats-Unis, la France, l’Italie et la Grande Bretagne s’affairent à se mobiliser d’urgence face à cette montée en puissance de Daêch avant qu’il ne soit trop tard, que l’organisation terroriste ne s’enracine définitivement en Libye, qu’elle n’étende ses tentacules à travers toute la région nord-africaine et qu’elle n’atteigne les pays de l’Afrique subsaharienne. Pour le chef d’état-Major des armées américaines, il est impératif de «mettre en place un pare-feu» entre l’EI en Libye et les autres groupes islamistes opérant sur le continent africain, tout en renforçant les capacités des militaires et des gouvernements africains à répondre eux-mêmes à la menace de ces groupes. (…)

Les pays voisins de la Libye sont fragiles

Ces derniers temps, d’autres hauts dirigeants américains du Pentagone sont également montés au créneau pour rejoindre le point de vue du général Dunford sur l’urgence de la situation en Libye et l’absolue nécessité de réagir dans les plus brefs délais. «La Libye continuera d’être un défi au cours de l’année à venir, étant donné cette nouvelle réalité sur le terrain dans ce pays où des petites organisations exercent un pouvoir injustifié», a expliqué le secrétaire américain de la Défense Ashton B. Carter. Même son de cloche, aussi, de la part du général Joseph L. Votel, commandant des Forces spéciales américains : «Il y a vraiment lieu de s’inquiéter face à ce qui se passe en Libye (…) Il ne devrait pas y en avoir que pour l’Irak et la Syrie…»

En Libye, les Occidentaux pourraient se trouver confrontés à des défis aussi complexes et tout autant difficiles à relever que ceux auxquels la coalition occidentale anti-EI fait face en Syrie et en Irak. De fait, dans ces deux pays, Daêch a pu bénéficier du soutien de bon nombre de petits groupes armés jouissant de divers appuis étrangers et l’EI est soumis aux frappes aériennes américaines, britanniques et d’autres alliés.

En Libye, où l’Otan avait, il y a quatre ans, aidé le soulèvement à mettre fin au règne du colonel Mouammar Kadhafi, il n’y a aucun gouvernement fonctionnel. Les factions rivales multiples s’acharnent à se combattre les unes les autres plutôt que de faire face à l’Etat islamique – et les pays voisins de la Libye sont si fragiles ou instables pour mener ou abriter une intervention militaire.

Alors que, dans le même temps, Daêch s’est occupé à asseoir son influence dans le pays, en s’octroyant un espace de plus de 240 kilomètres le long de la côte méditerranéenne, dans les environs de Syrte, ville natale de Kadhafi.

Porter les frappes contre Daêch à un niveau élevé

Un des dirigeants de Daêch les plus hauts placés et ancien gradé de l’armée irakienne sous Saddam Hussein, connu aujourd’hui sous le nom d’Abou Ali Al-Anbari, est arrivé l’an dernier en Libye par bateau. Récemment, Abou Omar, un autre chef de l’EI, a lui aussi élu domicile en Libye, d’après les services de renseignement américains.

Les responsables du contreterrorisme considèrent la branche libyenne comme étant la plus redoutable des affiliés de Daêch, étant donné ses capacités à étendre le terrain de ses opérations et à lancer des attaques meurtrières.

Le mois dernier, dans un entretien accordé à C-Span, Nicholas J. Rasmussen, le directeur du centre national antiterroriste des Etats-Unis (NCTC, en anglais), a déclaré: «La branche libyenne de l’EI est en train de tirer parti de la détérioration de la situation sécuritaire en Libye et de se positionner en coordinateur sérieux et incontournable des opérations de Daêch dans la région d’Afrique du nord.»

Nombre de proches collaborateurs et conseillers du président Barack Obama ont tenu, ces derniers temps, plusieurs réunions où ils ont passé en revue un large éventail d’options diplomatiques et militaires sur la question libyenne. Si la solution politique, sous la forme d’un soutien à un gouvernement libyen d’union nationale n’est pas écartée par Washington, le choix de l’intervention militaire des Etats-Unis et de ses alliés en Libyen se précise de plus en plus chaque jour.

«Sur la question de l’EI en Libye, nous devrions être plus fermes et plus déterminés», conseille Ben Fishman, ancien haut responsable du Conseil national de la sécurité des Etats-Unis en charge des Affaires d’Afrique du nord et éditeur d’un livre récent intitulé ‘‘North Africa in Transition’’ (L’Afrique du nord en transition). «Nous devrions porter à un niveau plus élevé nos frappes contre Daêch tout en oeuvrant au soutien du nouveau gouvernement d’union nationale», ajout-t-il.

Texte traduit de l’anglais par Marwan Chahla

*Eric Schmitt, en poste à Washington, et Helene Cooper, à Paris, ont rédigé cet article paru sous sa forme imprimé dans le ‘‘New York Times’’, le 23 janvier 2016, sous le titre de  ‘‘To Blunt ISIS Threat in Libya, U.S. and Its Allies Are Weighing Military Action” (Pour contrecarrer la menace de l’EI en Libye, les USA et leurs alliés prennent la mesure de l’intervention militaire).

**Le titre et les intertitres sont de Kapitalis.

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