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De Caïd Essebsi à Marzouk : Un nouveau parti pour quoi faire ?

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Sans une position claire vis-à-vis des islamistes, le nouveau parti de Mohsen Marzouk n’obtiendra pas l’adhésion de tous ceux qui ont… déserté Nidaa Tounes.

Par Rachid Barnat

Tous les Tunisiens ont encore en mémoire l’élan populaire qui les a portés vers Nidaa Tounes. Tous ont en mémoire la campagne dite du «vote utile» qui s’est développée sur les réseaux pour soutenir un parti qui s’était présenté à eux comme un rempart contre l’islamisme. Et tous ont malheureusement à l’esprit le sentiment de trahison qu’ils ont ressenti lorsque, reniant ses promesses, Nidaa a fait alliance avec les islamistes, partageant le pouvoir avec eux s’ils ne le leur abandonnaient pas.

Cette attitude que certains ont vainement tenté d’expliquer a été, et on la écrit en son temps, un très mauvais coup porté à la démocratie naissante car comment demander à des électeurs de voter et de croire en la parole politique après une telle trahison?

Or voilà que, sur les cendres du parti ainsi réduit à sa plus simple expression en raison de cette trahison, naît un nouveau parti dirigé par Mohsen Marzouk, secrétaire général démissionnaire de Nidaa, et qui lui aussi se positionne sur un combat avec les islamistes. Mais ce nouveau parti en gestation va avoir grand mal à obtenir l’adhésion de ceux qui ont été trompés et qui ne voudront pas se laisser berner une nouvelle fois.

Une ambiguïté suspecte

Il n’y a qu’une solution pour éviter une nouvelle trahison des électeurs; et cette solution sera exigée avec force par les Tunisiens. Ils ne vont plus se contenter des discours généraux contre l’islamisme politique. De  tels discours, ils en ont déjà entendus et ils ont vu ce que cela a donné.

Or, pour le moment, Mohsen Marzouk se tient à des généralités et il reste même dans une ambiguïté suspecte.

N’a-t-il pas dit qu’il s’opposerait aux islamistes sur le plan local mais que s’il le fallait, il gouvernerait avec eux sur le plan national ? C’est à n’y rien comprendre car c’est plutôt sur le plan de la politique nationale que le danger islamiste existe alors qu’à l’extrême, il serait moins grand sur le plan local. L’ambiguïté de cette position doit être clairement levée car sans cela quelle différence réelle aura son nouveau parti avec Nidaa ?

Des conditions paraissent absolument nécessaires pour que l’on puisse encore s’engager envers ce nouveau parti; et ces conditions doivent être clairement actées dans les statuts ou dans un programme liant le parti.

Pour lever toute ambiguïté sur le comportement avec les islamistes, ce parti doit dire que l’un des buts qu’il poursuivra sera l’interdiction des partis fondés sur la religion. Les Tunisiens sont tous musulmans et la religion est dans leur cœur et dans leur pratique mais elle ne doit pas servir de base à un combat politique qui ne peut avoir qu’une seule conséquence : le tri entre les «bons» et les «mauvais» musulmans avec ce que cela a d’arbitraire et qui est source de divisions inutiles pour les Tunisiens et paralysantes pour la Tunisie.

Pas d’alliance avec les islamistes

En attendant de parvenir à cet objectif, le parti affirmera clairement qu’il s’interdit toute alliance de pouvoir avec les islamistes.

Il dira clairement qu’il continuera à mettre de l’ordre dans toutes les mosquées du pays qui sont des lieux de prière et pas de réunions politiques.

Il indiquera qu’il mettra un terme à la prolifération de crèches, de jardins d’enfants à connotation religieuse qui ne sont en réalité que des pépinières islamistes pour endoctrinement et recrutement de futurs terroristes, pseudo jihadistes.

Il dira qu’il mettra en place et procédera au contrôle de manière stricte de toutes les associations dites de «bienfaisances» pour leur interdire tous financements étrangers et tout prosélytisme en matière religieuse.

Enfin il se donnera pour but de modifier la Constitution pour revenir sur le modèle choisi par les islamistes et qui rend le pays ingouvernable.

Bien sûr, à côté de ces positions, il faudra également que ce parti présente au peuple un programme économique et social mais il y a un préalable : c’est de mettre un terme à la crise née des ambiguïtés actuelles.

Aucun programme de progrès ne pourra voir le jour et être mené à bien tant que la Tunisie n’aura pas un pouvoir clair et bien établi qui ne tire pas à hue et à dia. Sans méconnaître les faiblesses du pouvoir marocain, force est de constater qu’avec un pouvoir stable et ferme il se développe économiquement de manière qui peut faire envie à la Tunisie.

Faute d’une position claire, ce parti n’obtiendra pas, au moins en nombre, l’adhésion de tous ceux qui ont déserté Nidaa Tounes pour avoir été trahis par ce parti et par son fondateur.

Blog de l’auteur.

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