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Mohamed Khalil, un ministre islamiste à l’assaut de la république

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Déguisé dans son beau costard à l’occidentale, le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Khalil, est en train d’islamiser, lentement mais sûrement, et à lui seul, la république tunisienne.

Par Kamel Essoussi *

Elle court, court, ces derniers jours, la frénésie d’islamisation. Une vraie montée en charge, une course folle menée tambour battant par le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Khalil, tout beau tout nouveau dans son beau costard à l’occidentale, pris soudain d’une fièvre de religiosité et d’une crise de mysticité qui se propage dans les médias et contamine les institutions, envahit les plateaux télévisés, serpente sous la coupole de l’assemblée pour finir par enflammer la toile et les couloirs des ministères à la Kasbah.

L’islamisme rampant gagne du terrain

Il faut dire que le phénomène a commencé, folklorique, aux lendemains des premières élections avec ces restaurants estampillés halal où les femmes séparées de leurs mâles, dégustaient les spaghettis de dessous leur burqa dans un lever de rideau qui se refermait sur leur bouche au rythme des pâtes aspirées dégoulinant de sauce. Ou mieux encore et en plus grand avec ces hôtels revêtus du label islamique où les barmans brassaient, ennuyés, plutôt le vent que la bière et subissaient la pression sans pouvoir la servir. Mais finalement le bon peuple laissait faire, amusé, se disant que c’étaient des initiatives privées montées librement qui vont finir par foirer commercialement, trop démodées.

C’est sans compter sur le zèle de prosélytisme de notre nouveau ministre soutenu par toute la logistique d’un grand parti qui prend son bâton de pèlerin ou plutôt son lance-flamme pour brûler le peu qui nous reste du caractère républicain de l’Etat.
Vous dites que l’école est républicaine ? Qu’à cela ne tienne ! Elle le sera toujours mais l’hiver seulement. Le ministre de l’Education nationale, qui a des ambitions de pouvoir, devra bien signer solennellement avec son collègue zélé et harceleur une convention pour les confier pendant l’été à nos cheikhs s’il veut monter en grade. Les affidés «meddbya» sauront les convertir en «kottabs» ou mieux en écoles coraniques. Que Neila Sellini, la professeure émérite et l’intellectuelle de renom, s’en offusque à la télé, crie au scandale, et alerte sur les périls qui sapent les fondements de l’éducation publique, et elle apparaîtra sous son vrai visage de mécréante qui hait l’islam. Il y aura toujours assez d’illuminés, fous de Dieu occasionnels dans ce pays, même modernistes, pour la massacrer sur les réseaux sociaux en la traitant de tous les noms et en l’affublant des qualificatifs les plus abjects. Et voilà une première bataille de gagnée.

Vous dites que la sécurité sociale est la forme moderne de transferts sociaux pour venir au secours des vieux, des veuves et des orphelins? Détrompez-vous! Ce n’est qu’une invention humaine qui méconnaît les règles divines de la zakat. Que la CNRPS, la CNSS ou la CNAM, qui ont fait la preuve de leurs limites, se tranquillisent là aussi. Ils seront juste doublés et non remplacés.

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Il brandit un exemplaire du Coran criant au sacrilège des criminels koffars éditeurs!

L’Etat qui se laisse mener par le bout du nez

Du coup, on ne sait par quel miracle notre ministre des Affaires religieuses ressort de ses tiroirs un projet d’institutionnalisation de la divine caisse de la zakat pour l’incruster dans les rouages de l’Etat qui se laisse mener par le bout du nez, résignée, tétanisée. Il en confie la gestion à ses vieux sbires revêtus de leur jebba et leur chéchia, tout heureux de se prendre pour le calife Omar à décréter quels sont les pauvres gueux de récipiendaires à qui ils vont distribuer les fruits de leurs collectes. Ils sauront aussi jouer sur la fibre religieuse des donateurs volontaires qu’ils savent beaucoup plus soucieux de la récompense divine de l’au-delà que du bien être social de leurs concitoyens. Chapeau bas là aussi, monsieur le ministre. Même si le projet n’a pas encore abouti, les brèches dans l’édifice de la république civile sont maintenant bien visibles à ce niveau.

Quelques coups de pioche encore et les Omar Ibn El-Khattab à l’affut pourront s’installer dans leurs beaux locaux de Beit Mal El-Moslimine.

Maintenant, monsieur le ministre va bien s’accorder une pause à s’amuser pour mener en chandelle les médias. Il va les chauffer au préalable en brandissant devant leurs caméras un exemplaire du Coran criant au sacrilège des criminels koffars éditeurs qui ont osé commettre l’infâme, l’impensable en faisant circuler le livre saint amputé d’une quinzaine de sourates.

Qu’importe s’il s’avère ensuite que c’est le seul exemplaire de toute l’édition que la machine de l’imprimeur par mégarde a sauté; l’essentiel n’est il pas de rebrancher la population sur leur islam délaissé par leurs préoccupations terrestres de chômage et de misère croissante?

D’ailleurs tiens ! Il faut bien maintenant leur inoculer le suppositoire qui va les guérir contre tous ces maux des temps modernes de libertés, du respect des minorités, de ces satanés droits de l’homme et même de cette constitution diamétralement opposés aux préceptes de notre religion. Qui mieux que les homosexuels peuvent faire le dindon de la farce pour faire retrouver aux Tunisiens leur islamité ? La recette est simple. On inonde à tout bout de champ les plateaux télés d’homosexuels qu’on expose, harcèle, ridiculise avec des mezaoudis et des pseudos artistes homophobes qui vont faire rigoler la galerie sur leur dos et le tour est joué. Toute la Tunisie crie au scandale, se mobilise, devient unanime réunifiée dans sa haine de la différence, et islamisée.

Le champion toutes catégories de la restauration des vertus, le ministre des Affaires religieuses peut se frotter les mains. Il a non seulement mis au ban de la société ces «efféminés» qui doivent s’estimer encore heureux qu’on ne les jette pas du haut de l’hôtel Africa, mais il a damé le pion à toutes ces chaines de télé «buzzeuzes» sujettes à invectives de toute une population qui les accuse maintenant d’islamophobie.

Reste l’inscription de la régulation de la finance islamique dans le nouveau texte portant statut de la Banque centrale. Les députés de son parti sauront la faire aboutir tous seuls comme des grands. Monsieur le ministre des Affaires religieuses ne saurait d’ailleurs y interférer car trop compliqué pour lui. Et puis faudra bien qu’on lui accorde un peu de répit.

Bref, Dieu de là haut, regarde éberlué par le culot de notre ministre des Affaires religieuses auquel il n’a pourtant rien demandé et qui a décidé de se le monopoliser et de le défendre auprès des Tunisiens un peu trop apostats à vouloir le fuir à travers leur drôle de république et de modernité importée des roumis par leur Bourguiba. Il est surpris par l’assurance, l’art, la ruse de sa créature de ministre décidé à se tuer pour tout islamiser et revêtir les choses les plus impensables du label «islamique» : les pierres, les êtres, les chiens et les chats, les coins et les recoins, les hôtels et les bordels, les mosquées et les synagogues, les corps et les envies, les désirs et les frustrations… Jusqu’à l’excès, jusqu’à l’usure, jusqu’au vertige ! Au-delà de la saturation jusqu’à la nausée de leurs élites mécréantes.

* Consultant.

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