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Décalé : Qui a tué le chat de Mme Caïd Essebsi ?

Chat
Du Palais de Carthage aux quartiers malfamés de la médina de Tunis, enquête sur la mort du premier chat de la république.

Par Karim Ben Slimane *

Le palais de Carthage est en deuil aujourd’hui. L’ambiance est lugubre et les visages sont livides. Hier à minuit, Minou l’autre compagnon de vie de la Première dame de Tunisie a rendu l’âme.

Valets, serviteurs, médecins, proches et famille étaient tous à son chevet depuis la veille. Sa maîtresse est inconsolable; elle pleure à chaudes larmes celui qui venait affectueusement se blottir contre ses pieds chaque soir. Minou lui faisait supporter la lenteur des nuits froides du Palais de Carthage. Mme Caïd Essebsi confessait à ses amis proches qu’elle a pris l’habitude de parler avec son chat et elle aimait à dire qu’il était de très bonne conversation. L’affairement des courtisans, les intrigues du palais et les basses manœuvres ont rapproché les deux complices.

Minou dans un panier en rotin

Minou est un personnage qui compte beaucoup dans le Palais. Deux serviteurs parmi les plus fidèles veillaient au confort du félin. Il avait droit au changement de sa litière tous les jours et mangeait les mets les plus fins à la table du président. Il était tellement choyé par tout le monde qu’il rendait jaloux l’homme fort de Carthage qui avait du mal à comprendre l’élan d’affection dont sa femme couvrait ce chat.

C’est hier que le drame est survenu. On a servi à Minou à midi un steak tartare, un plat que le chat affectionnait particulièrement, et un tiramisu au fromage de chèvre avec son coulis de fruits rouges en dessert.

Repu Minou s’est dirigé en se dandinant vers son panier en rotin sous le regard bienveillant de sa maîtresse pour effectuer sa sieste quotidienne. Son valet s’est empressé de le couvrir d’un joli duvet blanc immaculé en plumes d’oie que la première dame a ramené d’un voyage en Tasmanie. Minou ronronna pour témoigner son apaisement et son contentement à sa maîtresse et se laissa doucement aller dans les bras de Morphée.

Trois heures après, à l’heure du thé de Madame, le valet est parti réveiller Minou comme chaque jour. Mais hier n’était pas un jour ordinaire pour Minou. Le félin avachi dans son panier était tout en sueur, la respiration haletante. Le valet s’empressa d’avertir sa maîtresse et le médecin du palais. Les tentatives de réanimation du médecin ont été vaines et les supplications de Madame Caïd Essebsi et ses prières invoquant Sidi Bou Said El-Béji et Sidi El-Mizouni, le saint protecteur des animaux, n’ont pas été entendues. Minou est monté au ciel et ne redescendra plus jamais.

Au dépôt à Bab Souika

Le ministre de l’Intérieur en personne a été chargé d’instruire l’enquête afin de révéler les circonstances obscures du décès du félin numéro un de Tunisie. La thèse de l’empoisonnement semblait se préciser et l’avis du médecin du palais l’avait fortement créditée. Le coupable? Le cuisinier, le valet ou une femme de ménage. Le mobile? Des commanditaires qui veulent accabler la Première dame de malheur par jalousie, méchanceté ou par ruse en espérant peut-être que le deuil l’éloigne des cercles du pouvoir.

Mais l’enquête a révélé que le félin est décédé d’une intoxication alimentaire. La viande qui a servi à la préparation du steak tartare était semble-t-il avariée. Quoi? De la viande avariée en Tunisie, s’écria M. Caïd Essebsi qui a pris très au sérieux la disparition tragique de Minou.

L’enquête a très vite écarté la thèse du crime et les services de renseignement sont remontés jusqu’à un dépôt à Bab Souika dans lequel des tonnes de viandes pourries étaient stockés en attendant d’être écoulées.

La descente policière dans l’entrepôt de fortune a été spectaculaire. Le périmètre de la médina a été bouclé et des milliers d’agents lourdement armés ont investi les lieux. Afin de montrer sa compassion à sa tendre épouse le président Caïd Essebsi était de l’expédition. Des policiers cagoulés jetèrent à ses pieds deux pauvres gamins à peine pubères qui se trouvaient dans l’entrepôt.

– Quelle bande de criminels gronda le président, comment vous osez vendre de la viande avariée aux chats des Tunisiens? Je vais vous faire pendre bande de voyous. J’ordonne la création d’une commission pour enquêter sur les conditions de vente de la viande destinée aux chats de la république.

L’air hébété, les deux comparses se regardèrent mutuellement et laissèrent échapper un rire étouffé qui provoqua l’ire du président.

Vert de rage, il prit la tête de l’un des gamins entre les mains et la secoua violemment en lui criant : qu’est ce qui te fait rire, imbécile ?

– Monsieur le président, sauf votre respect, cette viande n’est pas destinée aux chats mais à des êtres humains. Nous avons ri car nous ne savions pas que les chats pouvaient manger de la viande en Tunisie.

*Spectateur rigolard de la scène tunisienne.

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