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Les tailleurs de Daech : 20.000 uniformes militaires pour l’Etat islamique

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Pour combattre l’organisation terroriste Daech, il faut lui couper les sources de financement et fermer les voies de son approvisionnement logistique.

Par Miguel González/Patricia Ortega Dolz

L’Etat islamique (Daech) n’est pas seulement une organisation terroriste, c’est aussi un proto-Etat, d’après les déclarations du ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel García-Margallo. C’est pourquoi en plus de recruter des combattants étrangers, elle doit les équiper en armes et les habiller de pied en cap pour faire croire qu’elle possède une véritable armée.

De quoi habiller une armée entière

D’où sortent les véhicules 4X4 tout terrain flambant neufs, qui roulent en rang serrés sur des pistes poussiéreuses dans les vidéos de propagande de Daech? Qui leur fournit les kalachnikovs et les automitrailleuses qu’ils brandissent à toutes les occasions? Comment parviennent-ils à obtenir des impeccables uniformes militaires? Qui les leur fournit et qui les paye ?

Le 15 mars dernier, la police espagnole a saisi trois conteneurs, le premier au port d’Algesiras (Cadix) et les deux autres à celui de Valence. Le premier était bourré des vêtements des fripes comme il est signalé dans la fiche de douane, mais dans les deux autres, il y avait un appareil d’emballage, et, dissimulé sous une montagne de vêtements usés, cinq tonnes de ballots parfaitement emballés et étiquetés de 20.000 uniformes militaires totalement neufs, de quoi habiller une armée entière.

Les conteneurs venaient de l’Arabie Saoudite – même si les uniformes semblent provenir plutôt d’un des pays de l’Otan – et attendaient d’être embarqués pour la Turquie, d’abord vers le port de Mesrin, en face de Chypre, ensuite, par voie terrestre vers la localité de Bab Al-Hawâ, de l’autre côté de la frontière syrienne.

L’opération effectuée sur commission rogatoire du procureur de l’Audiencia Nacional (Cour suprême) Eloy Velasco dans la foulée de la saisie réalisée le 7 février dernier, quand 7 prévenus accusés de faire partie d’un réseau de soutien logistique à l’Etat islamique ont été arrêtés à Ontinyent (Valencia), à Sebta, dans les localités de Crevillent, proches d’Alicante, à l’Alquería d’Asnar, à Muro d’Alcoi et à Alicante même.

Termanini ne fait pas mystère de son appartenance au camp jihadiste, il postait sur sa page Facebook des photographies de lui empoignant des armes automatiques dans le passage de Bab Al-Hawâ et dans la ville syrienne d’Idlib occupée par Front Al-Nosra (Jibhat Al-Nosra). Sa mise sur écoute, a révélé comment, comme c’est le cas pour d’autres jihadistes, il avait changé de camp, en cessant de travailler pour le compte de la filiale syrienne d’Al-Qaïda et en se mettant au service de l’autoproclamé Etat de Califat (dawlat al-khilafa). Lors de la perquisition de son domicile la police a trouvé un pistolet 22 long rifle, dont la possession est de toute évidence illégale.

Le financier des opérations menées par Termanini serait un certain Mohamed Abou Rub Karima, Jordanien, habitant à Ontinyent.

Dans son dépôt situé sur le polygone industriel de l’Altet se trouvaient des uniformes comme ceux qui ont été saisis antérieurement dans le conteneur de Valencia.

Pour lever les fonds et effectuer les paiements, il recourait à la hawala (mandat), un système traditionnel musulman basé sur la confiance, qui permet de faire transiter de l’argent à travers de nombreux pays sans laisser aucune de trace de transfert bancaire.

L’idéologue du groupe serait un certain Noureddine Chicar Allal, entrepreneur marocain résident à Muro d’Alcoi et président de la mosquée de la Cocentaina dont la tâche est de supprimer, grâce à ses contacts turcs, tous les obstacles empêchant les colis d’arriver à leur destination finale.

L’un des prévenus est une vieille connaissance des services de renseignement espagnols. Il s’agit en l’occurrence de Hitham Sakka Al-Kasim, né à Homs (Syrie) et incarcéré à Sebta. Il faisait l’objet d’une procédure de la Cour suprême en raison de ses liens avec le groupe lié au 11 septembre. Son frère faisait également l’objet d’une enquête judiciaire pour ses liens présumés avec les attentats du 11 mars (à Madrid, NDLR).

Les autres prévenus, dont un Marocain et un Syrien, sont des hommes de confiance de Termanini employés dans la société Tigre Negro (Tigre Noir). Parmi les prévenus, on trouve un Espagnol prénommé Simon Richart Lucas, né à Muro d’Alcoi et résident à Alquería. Or pour ce dernier, il ne s’agirait ni d’un converti, ni d’un jihadiste fanatisé, mais d’un chef d’entreprise sans scrupules, dont l’appât du gain est si fort qu’il n’hésite pas, d’après ceux qui le connaissent, à faire des affaires même avec le diable.

Des ramifications dans plusieurs pays

Ce réseau ne se contentait pas d’envoyer uniquement des uniformes militaires à Daech, mais il traite pareillement toutes sortes de demandes comme par exemple l’achat d’un type de fertilisant, qui n’existe pas sur le marché espagnol et qui entre dans la fabrication des explosifs, que Termanini aurait commandé à Hitham.

L’imbroglio de la toile d’appui à l’Etat islamique autoproclamé est très complexe et possède des ramifications dans plusieurs pays : les enquêteurs viennent tout juste de commencer à en démêler l’inextricable écheveau, mais ils sont certains – comme ce fut le cas pour l’ETA – d’en arriver à bout. Il ne suffit plus d’arrêter les combattants : il faut maintenant lui couper les sources de financement et fermer les voies d’approvisionnement logistique.

Source : ‘‘El-Pais’’.

Traduit de l’espagnol par Abdelatif Ben Salem

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