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Les Destouriens peuvent-ils reconquérir le pouvoir ?

Bourguiba-Caid-Essebsi-Ben-Ali

En pariant sur le potentiel supposé des voix des Destouriens et Rcdistes, on se trompe lourdement. Car, en pariant sur le passé, on prépare mal l’avenir.

Par Salah El-Gharbi

Depuis quelques semaines, les Destouriens (membres du Néo-Destour, ancien parti nationaliste au pouvoir sous le règne de Bourguiba) se délectent d’avoir les faveurs des médias. Courtisés par les islamistes, convoités par Nidaa Tounes, appâtés par l’Union patriotique libre (UPL), ils se mettent à gesticuler fébrilement dans tous les sens reprenant, ainsi, le poil de la bête. «Nous comptons participer à la direction du pays», déclarait, la semaine dernière, Hamed Karoui, ancien ministre sous Bourguiba et ancien Premier ministre sous Ben Ali. Désormais, il y aurait même une chaîne de télévision appartenant à un «destourien» de la 25 e heure, Nessma TV de Nabil Karoui (pour ne pas le nommer), qui réserve tout un espace pour la promotion de ce courant politique qu’on s’évertue à ressusciter contre vents et marées.

Un simple produit d’appel

Pourtant, la question qu’il est légitime de poser en 2016 est la suivante: Le Destour, comme formation politique, a-t-il avenir? Le Destour n’est-il pas réduit à n’être qu’un produit d’appel entre les mains d’opportunistes qui chercheraient à profiter de l’aura du grand parti historique pour se recycler en politique?

En fait, à la veille du putsch de novembre 1987, le Destour, en tant que parti politique, était déjà moribond et Ben Ali l’a définitivement enterré, en lui substituant le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), une structure sans âme, mais très efficace, mise au service de ses ambitions personnelles. Par conséquent, en créant sa propre formation, le nouveau despote a mis fin au semblant de vie politique qui existait à cette époque-là.

La politique comme le sport de compétition, pour qu’il y a ait jeu, il faut qu’il y ait rivalité. Or, sous Ben Ali, il n’y avait qu’une seule équipe sur le terrain. Ceux qui se présentent aujourd’hui comme les anciens adversaires du despote n’étaient que des amateurs qui s’échauffaient seuls dans le vestiaire, portant les maillots que le maître de Carthage leur avait offerts… Avec le départ de Ben Ali, le RCD, que la gauche et les islamistes nous présentaient, au lendemain du 14 janvier 2011, comme un maelstrom, n’était qu’une structure politique sous perfusion.

En fait, le Destour, comme composante politique, appartenait, depuis longtemps, aux manuels d’Histoire. Autant le souvenir de Bourguiba comme une grande figure nationale reste vivace, autant l’image du Destour des années 80 et à fortiori, celle du RCD, sa pâle réplique, restent peu attractives, marquées négativement, étant associées à tout ce qui est corruption, népotisme, opportunisme… En témoigne le camouflet qu’ont reçu les candidats Destouriens et Rcdistes aux législatives et à la présidentielle de 2014.

Hafedh-Caid-Essebsi-Nabil-Karoui-et-Khaled-Chouket

Hafedh Caid Essebsi, Nabil Karoui et Khaled Chouket: les Destouriens de la dernière heure ou la danse du ventre érigée en politique. 

L’avenir à reculons

Même si les Destouriens continuent à faire saliver les hommes politiques d’aujourd’hui, le Destour n’est plus «vendeur». On a beau chercher à réunir la «famille destourienne», l’entreprise semble hasardeuse faute d’offre politique sérieuse. Car, pour renouer avec l’électorat Rcdiste, pulvérisé par la diversification du champ politique, il faudrait d’abord la présence de figures crédibles capables de cristalliser les attentes des masses supposées d’obédience «destourienne». Ce n’est pas avec les Mohamed Ghariani et Abir Moussa qu’on va dynamiser le courant des nostalgiques d’un certain passé. Si Béji Caïd Essebsi, le fondateur de Nidaa Tounes porté à la présidence de la république, s’était imposé, ce n’était pas uniquement parce qu’il était «destourien», mais parce qu’il offrait, à un moment particulier de l’histoire du pays, le profil idéal aux yeux d’une majorité de Tunisiens séduits par son charisme et rassurés par l’expérience politique qu’il représentait.

En somme, la société tunisienne post-14 janvier 2011 a évolué considérablement. Aux hommes politiques d’en tenir compte. Ceux qui courent derrière les mythes, risquent de rater le coche. Car, l’Histoire n’avance pas à reculons.

Par conséquent, toute entreprise politique qui se donne comme ambition de récupérer le Destour comme label politique, en vue de recycler les anciens du RCD, est vouée à l’échec. D’ailleurs, en écartant les éléments de gauche du Nidaa, en misant sur le potentiel supposé des voix des Rcdistes, Hafedh Caïd Essebsi et ses acolytes se trompent lourdement. Car, en pariant sur le passé, ils préparent mal l’avenir.

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