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La notion d’«étranger» au Canada

Melting-pot-Canada

Les Etats démocratiques modernes, comme le Canada, diluent les différences entre les hommes, devenant ainsi des microcosmes qui reflètent le grand macrocosme planétaire.

Par Jamila Ben Mustapha *

Les grands pays occidentaux tels que les Etats-Unis, le Canada, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, et surtout leurs métropoles, se mettent de plus en plus à ressembler à des microcosmes reflétant, chacun à lui tout seul, ce grand macrocosme qu’est la planète, à des ensembles se présentant comme des concentrés de la Terre entière.

Il est bien fini le temps où un pays se définissait par des ressemblances physiques, linguistiques et culturelles entre ses membres et se protégeait de l’extérieur par des échanges humains limités.

Nous sommes, depuis déjà quelque temps, dans un monde où le mélange, le métissage culturel est la règle et où la diversité et l’hétérogénéité se substituent à la similitude.

Appel aux compétences universelles

Les grandes villes du Nord ressemblent ainsi à un melting-pot de personnes venues des quatre coins du monde et appartenant à des races, des nationalités différentes à l’origine, nous obligeant à réviser les mots de «nation», de «nationalité» et de «compatriote».

Le sens de ces termes est sensiblement transformé, notamment affaibli, et les sociétés puissantes, qui constituent autant de pôles d’attraction pour les diplômés de tous bords, ressemblent maintenant moins à des «patries», avec la charge affective qu’implique ce terme, qu’à des ensembles régis par les règles rationnelles et pacifiques du contrat social et offrant de bonnes conditions de vie aux compétences universelles, d’où qu’elles viennent.

Ces nations ont compris qu’elles ne peuvent maintenir et renforcer leur avance sur le reste du monde, qu’en remplaçant le critère de l’allégeance à la tribu, au pays, par celui du mérite.

Prenons l’exemple du Canada, et plus précisément, du Québec : une dame qui va mettre au monde un enfant se voit assistée par un médecin d’origine afghane, puis fait examiner son nouveau-né par un pédiatre d’origine vietnamienne et prend enfin un taxi conduit par un chauffeur provenant d’Haïti, pour quitter l’hôpital… Sur ce plan, d’ailleurs, le représentant des chauffeurs de taxi québécois qui protestent actuellement contre la redoutable concurrence du système UberX, Hamid Nadji, est d’origine musulmane.

Quant à la garderie où cette jeune femme emmène son bébé, cette institution le place dans un groupe d’âge où il a comme camarades des Canadiens mais aussi, un Martiniquais, une Chinoise, un Nord-Africain, un Australien, etc., enfants dont les parents viennent de s’installer au pays.

Dans ces conditions, les notions de tolérance et d’acceptation de la différence n’ont plus besoin d’être enseignées de façon aussi théorique qu’inefficace à ces petits êtres, vu «les travaux pratiques» auxquels ils sont soumis dès le début de leur vie.

Nous avons donc des pays où à côté des habitants d’«origine» et – eux-mêmes anciens immigrants –, on a des minorités importantes posséder une double culture, une double nationalité et une double langue, avoir un pays d’origine et un pays d’adoption.

Qui pourrait dire ce que donne et donnera ce métissage multilinguistique et multiculturel, champ d’investigation important offert aux ethnologues et linguistes du présent et du futur?

Au Québec, il existe 2 langues officielles, le français et l’anglais, mais qui n’excluent pas la possibilité d’utilisation de sa propre langue d’origine par l’immigrant dans le domaine privé, du moins pour la première génération, parce que le jardin d’enfants et l’école auront tôt fait de transformer les représentants de la suivante en parfaits Canadiens sur le plan linguistique et culturel, puisque seule l’apparence physique et raciale semble échapper au pouvoir humain de transformation de l’individu !

Et comme ce dernier n’est que le produit du milieu où il vit, comment se comportent ces immigrés issus, le plus souvent, de pays sous-développés ? Eh bien, ils se mettent très vite à acquérir les qualités de sérieux dans le travail et de civisme requis par le pays d’accueil et nécessaires à leur survie et à leur intégration.

C’est ainsi qu’imitant en cela, les adultes, on voit de petits écoliers d’origine afghane et nord-africaine, dans une banlieue de Montréal, se ranger, chaque matin, en ligne droite selon leur ordre d’arrivée pour prendre le bus scolaire, sans trop se bousculer pour avoir la première place.

Des promotions fulgurantes

Qu’il est loin le temps où le terme «étranger» désignait, étymologiquement, celui qui était «étrange» ! Les sociétés modernes ont trouvé un moyen puissant et efficace pour absorber, de façon sensible, les différences entre les hommes, au grand dam des ethnologues, partisans du maintien de l’originalité des diverses cultures qui peuplaient jusque-là, le globe.

Dépassant un rejet primaire de l’autre, un racisme de premier abord d’autant plus bête qu’il ne sert pas leurs intérêts si elles flairent en lui des capacités qu’elles pourraient mettre à leur service, elles soumettent en définitive les nouveaux venus à leurs valeurs, tout en rendant possible pour eux, de temps en temps, des promotions fulgurantes quand ils s’en montrent dignes : la récente élection du nouveau maire de Londres, Sadiq Khan, est une bonne illustration de ce fait.

Rama Yade, ancienne secrétaire d’Etat, d’origine sénégalaise, s’est portée candidate, en avril dernier, aux futures élections présidentielles françaises, faisant d’une pierre deux coups, transgressant les tabous en tant que femme, mais aussi que citoyenne issue de l’immigration.

* Universitaire.

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