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Aidons les agriculteurs à réussir l’adaptation au changement climatique

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Nous n’avons plus d’autre choix que de tendre la main à ceux qui nous nourrissent et préservent nos terres : nos agriculteurs.

Par Sarah Toumi *

Sarah-ToumiNous faisons face à une crise sans précédent dans le Maghreb et dans le monde. L’instabilité sociale et économique, mais aussi la multiplication des guerres et l’amplification du terrorisme international touche déjà fortement nos économies.

En Tunisie, le tourisme pleure son passé glorieux. Des milliers d’emplois sont perdus, augmentant le cycle infernal de la pauvreté. Pour couronner le tout, le changement climatique s’acharne sur notre région, intensifiant les périodes de canicule et de sécheresse, et les phénomènes climatiques extrêmes tels que les inondations imprévisibles.

Des modèles résiliant de développement durable

Nous n’avons plus d’autre choix que de tendre la main à ceux qui nous nourrissent et préservent nos terres : nos agriculteurs. En seulement 20 ans, la pluviométrie a diminué de près de 70% transformant nos terres fertiles en zones semi-arides, et l’augmentation des températures entre +1 et +4°C accélère le processus de désertification, mettant un terme à toute once d’espoir chez les populations des zones arides. Mais concrètement, qu’y-a-t-t-il derrière ce mot «désertification»?

Il y a d’abord l’érosion des terres, mais aussi l’ensevelissement des maisons sous les dunes de sables, la salinisation des nappes phréatiques souterraines, la mort des arbres et surtout l’insécurité alimentaire puisque les agriculteurs de ces régions, n’ayant plus de terre arable ni d’eau, ne peuvent plus cultiver les fruits et légumes qui approvisionneront nos marchés, ou même produire leur propre nourriture.

C’est un cercle vicieux : l’agriculteur ne peut plus produire pour sa consommation et la vente des excédents, il achète tout dans les magasins, mais cela demande de l’argent… or sans récoltes, comment un agriculteur peut-il gagner de l’argent? Chez Acacias for all, nous avons transformé ce cercle vicieux en cercle vertueux en transformant le problème en opportunité. Le bien-être et la survie de l’agriculteur détermine notre propre survie. C’est pourquoi, il est essentiel de donner accès aux outils d’adaptation aux agriculteurs pour instaurer des modèles résiliant de développement durable, et compléter cela par l’accès aux marchés et la mise en place d’unités de valorisation pour créer de l’emploi localement.

La situation est critique et urgente, mais il existe des solutions. D’abord, il est urgent de commencer à former les agriculteurs aux techniques de restauration des sols et abandonner l’agriculture conventionnelle qui fait la promotion d’un modèle obsolète où la terre et le consommateur ne sont plus considérés avec respect, mais comme des moyens de parvenir à l’enrichissement financier de quelques uns.

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Former des «ambassadeurs régionaux» pour lancer le mouvement d’adaptation au changement climatique.

Le projet de «Grande barrière verte»

Nous devons dire stop à la spéculation financière qui détruit nos terres et affame nos populations. Les techniques de restauration des sols ont été testées et approuvées depuis plusieurs dizaines d’années à travers le monde, notamment en Australie par Geoff Lawton, expert en permaculture, qui a réussi à transformer des terres arides et hostiles en jardins luxuriants et productifs, ou dans le désert jordanien où des techniques pour reverdir le désert ont été mises en place, mimant les phénomènes naturels et s’inspirant de la symbiose créée par la nature entre les plantes et les êtres vivants.

Nous avons aussi la chance aujourd’hui de disposer de techniques de plus en plus abordables pour traiter l’eau de mer, les eaux usées et les eaux saumâtres afin de profiter pleinement de chaque goutte utilisée, préserver les ressources non renouvelables et faire en sorte que les générations futures ne meurent pas de soif après nous.

Bien sûr, la mise en place de filières de qualité est essentielle pour valoriser le travail de nos agriculteurs qui, en adoptant ces techniques, seront capables de mettre en place le projet de «Grande barrière verte» qui fait couler tant d’encre depuis plusieurs dizaines d’années sans jamais avoir pu encore être réalisé car les principaux acteurs, les populations locales, n’ont jamais été parties prenantes des discussions.

En Tunisie, nous avons la chance de pouvoir bénéficier du savoir-faire de passionnés comme Abdelhamid Amami, permaculteur depuis plusieurs années, qui partage aussi son savoir au sein de l’Association tunisienne de permaculture (ATP) pour vulgariser les techniques de restauration des sols et de création de jardins-forêts.

Acacias for all a aussi fait le choix de sélectionner des personnes ressources dans chaque région, les «ambassadeurs régionaux» avec l’ambition de lancer un mouvement pair à pair d’adaptation.

Et si, en mettant en place ces techniques, nous étions capables de restaurer le cycle de l’eau et ramener la pluie à nouveau? C’est ce qu’affirme Ernst Gotsch, inventeur de l’agriculture syntropique au Brésil, qui a réussi le pari de faire revenir la pluie sur sa parcelle de 500 Hectares après 15 ans de travail.

De toute façon, nous n’avons pas d’autre choix. Le soutien aux agriculteurs du Maghreb dans leur combat contre le désert est un combat à échelle euro-méditerranéenne. La meilleure façon de relancer les économies locales, dignifier les savoir-faire locaux et ancestraux, rétablir le dialogue entre les pays et les rives de la Méditerranée, et lutter contre la haine et le désespoir, c’est de soutenir ceux qui travaillent dans l’ombre, dans les villages loin du bruit de la ville et des tractations politiques, pour assurer la survie de notre région.

C’est un partenariat gagnant-gagnant, qui coûtera en tout et seulement 10.000$ par hectare de terre sauvée du sable, engendrant pour chaque hectare restauré l’autosuffisance alimentaire pour une famille et la création de 6 emplois… ce qui plantera les graines du vivre ensemble, du respect, et de l’espoir dans le coeur de chacun de nous, et redonnera dignité et confiance à chaque citoyen et citoyenne du Maghreb. Nous pouvons y arriver, mais nous devons nous y mettre, maintenant.

* Fondatrice et directrice d’Acacias for All. Elle mène des efforts en Tunisie pour combattre la désertification et des autres menaces à l’environnement. Elle était élue au program de Fellowship d’Ashoka en 2014 pour son approche de l’agriculture durable.

Source : Each Arab.

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