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Peut-on accepter la repentance des jihadistes?

Jihadiste

Les autorités tunisiennes sont confrontées au problème majeur posé par les brebis égarées parmi les jihadistes qui veulent rentrer au bercail. Peut-on pardonner leur égarement coupable?

Par Farhat Othman

Que faire donc? Croire sur parole à leur repentance en faisant table rase du passé afin de préserver l’avenir? Faut-il plutôt relever la résilience de la nocivité de l’islam dévoyé et réclamer à cor et à cri la nécessité de faire payer les crimes commis ou envisagés?

En effet, même pour ceux qui n’ont eu qu’une intention coupable, elle ne s’est pas moins traduite par un début d’exécution manifesté par le transport jusque sur le terrain de la guerre et la fréquentation de coupables d’horreurs inhumaines.

Sous-fifres, exécutants et commanditaires

La question est complexe et la réponse ne peut être simple. Reposons-la donc autrement pour changer de perspective et avancer : n’y a-t-il pas des politiciens et des intellectuels qui ont encouragé ces apprentis terroristes à envisager le jihad? Et ceux qui pensent à juste titre au principe que l’intention coupable mérite sanction y pensent-ils? Conséquemment, serait-il juste de punir les sous-fifres et fermer les yeux sur les commanditaires et les auteurs de leur lavage de cerveau qui, eux, ne passent pas nécessairement à l’acte et n’en sont pas moins coupables et dangereux?

Voilà pour l’aspect sanction, car si elle doit avoir lieu, elle ne peut être exemplaire qu’en commençant pas les figures politiques et intellectuelles de la sphère islamiste ayant prôné et encouragé le jihad; inutile de citer ici des noms; tout le monde les connaît. Pourra-t-on le faire en Tunisie aujourd’hui?

Cela veut-il dire alors qu’il faut croire sur parole les supposés repentants ? Ne serait-ce pas alors une réédition de la libération de tous les détenus supposés politiques au lendemain de la révolution, ce qui a créé, de toutes pièces, le phénomène terroriste auquel nous sommes confrontées ?

Raisonnablement, aucune saine politique ne pourrait l’autoriser. Quelle attitude le serait donc ? En l’occurrence, il importe de revenir à la sagesse populaire ancestrale conditionnant la clémence par une sincère repentance, et non un simple affichage. Comment cela serait-il possible en cette délicate matière?

Une question de logique

Comme le jihad, cette guerre sainte, n’existe pas en islam pur, étant une fausse conception de la lutte armée, il importe de séparer le terrorisme du jihad.

Seules aujourd’hui les autorités islamiques légales ont le droit, non pas de recourir au jihad, car il est périmé, mais d’user de la force et d’en avoir le monopole. Aucun musulman n’a droit de recourir à la violence qui n’est légale qu’en étant le fait de l’État. Le musulman en tant que particulier n’a droit qu’au jihad majeur ou akbar, l’effort sur soi, seul jihad aujourd’hui licite en islam.
Aussi, s’agissant de la repentance, il faut exiger des jihadistes entendant la faire, ainsi que de tous ceux qui prônent le pardon en leur faveur, d’oser au préalable déclarer le jihad obsolète en islam, s’étant achevé avec l’apparition des États islamiques.

Voilà ce qui pourrait donner droit au pardon des erreurs passées qui, ne l’oublions pas, étaient des crimes !

Certes, on pourrait entendre certains des musulmans intégristes demander ce qu’il en serait alors du principe de justice en islam qui est une religion prônant le droit de lutter contre l’injustice. La réponse est simplissime : cela ne devrait se faire que dans le cadre étatique et selon les méthodes pacifiques, l’islam étant démocratique dans son essence.

Et si l’on a affaire à une dictature qui ne croit pas à la démocratie, comme on ne manquera pas de rétorquer, alors ce n’est pas la religion qui doit être sollicitée pour contester le droit de cette dictature au pouvoir, mais bien le droit et la politique. Aussi, en aucune façon, on ne doit faire usage de religion, et encore moins faire appel à des volontaires parmi les particuliers.

La politique seule, et donc seuls les sujets qui ne sont pas reconnus comme citoyens de ladite dictature, sont concernés par une éventuelle lutte armée imposée par la dictature. Et ce ne serait point du jihad, mais de la pure politique n’ayant nullement de couverture religieuse.

Une question d’éthique

Voilà ce qui serait sain pour assainir la situation. Ainsi pourrions-nous dire oui à la repentance des jihadistes, mais à la condition expresse qu’ils adhèrent solennellement et au préalable à une la profession de foi que le jihad mineur est illicite en islam.

Ce qui suppose déjà que les autorités religieuses officielles dans le pays, mais aussi et surtout les politiciens et les intellectuels se réclament de l’islam, aient déjà montré le chemin en consacrant cette vérité par une déclaration solennelle rappelant la forclusion en islam du jihad mineur, ainsi que ce fut le cas de l’émigration avec le triomphe de l’islam.

Le fera-t-on? C’est un impératif catégorique pour sortir notre religion de l’impasse terroriste où elle se trouve engluée. Et ce serait la condition sine qua non pour envisager la moindre repentance de nos jeunes égarés, qui ont eu quand même le temps de commettre des forfaits, horribles chez certains, même s’ils ne se sont situés qu’au niveau de la complicité pour d’aucuns.

Peut-on, effectivement, accepter, en Tunisie, une tolérance pour de tels crimes quand on continue à brimer et punir des innocents n’ayant porté la main sur personne, n’étant harcelés que pour de pures questions d’amour ? Peut-on pardonner la haine et le crime quand on continue à punir l’amour et le sexe, juste coupables d’innocence?

Ainsi la justice ne sera pas un vain mot en Tunisie, une sorte rime féminine comme on dit de celle se terminant par un e muet. Car ainsi, elle ne sera pas muette, et la Tunisie féminine sera alors bien cette mère juste avec tous ses enfants, sans distinction aucune, les coupables comme les innocents étant ses enfants chéris.

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