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La Tunisie et l’éternel retour à la case départ

Youssef-Chahed-et-Beji-Caid-Essebsi

Les manœuvres pour former un gouvernement d’union nationale n’ont servi qu’à piéger une opposition à la recherche de strapontins… Triste paysage politique.

Par Noura Borsali

Il aura suffi très peu de temps et presque pas de négociations pour que le chef de l’Etat désigne son candidat, Youssef Chahed en l’occurrence, ministre des collectivités locales dans le gouvernement sortant. Certains partis de l’opposition ayant participé à l’initiative présidentielle avaient exigé que cette seconde réunion soit consacrée à définir le profil du chef du gouvernement et à proposer des candidatures.

Rien de cela n’a été fait. Le chef de l’Etat ayant son plan bien établi et son candidat prêt, il a procédé par étapes : d’abord informer de son candidat et ensuite décider de sa nomination, en s’appuyant sur la coalition gouvernementale de droite libérale formée par Nidaa Tounes, Ennahdha, l’UPL et Afek Tounes, sans laisser un temps à une véritable concertation et à un vrai consensus. La troisième étape étant la constitution du gouvernement d’union nationale qui lui tient à cœur.

Le fameux leurre de l’«unité nationale»

Le président de la république a réussi à exécuter son plan prévu et programmé à l’avance. Rien n’a été laissé au hasard. Et pour le rendre effectif, il a joué le «jeu démocratique» jusqu’à bout donnant l’illusion d’une concertation à une large échelle et d’une participation des petits partis pourtant malmenés pas le dernier scrutin.

Le résultat de toutes ces manœuvres est annoncé ce matin à la suite d’une réunion express: le Premier ministre est désigné. Il appartient bel et bien à Nidaa Tounes (version Hafedh Caïd Essebsi).

Certains partis tels que Al-Massar, Al-Joumhouri, Mouvement Echaab et la Coalition du pacte (Document de Carthage), qui ont accouru pour soutenir l’initiative présidentielle basée sur cette fameuse «unité nationale» tirée des premières décennies de l’indépendance, du pouvoir destourien et bourguibien, doivent se sentir floués. Eux qui ont «rêvé» d’un chef du gouvernement indépendant, consensuel et expérimenté, loin de ce quota partisan, comme ils l’ont indiqué dans leur communiqué conjoint du 27 juillet dernier.

Cette initiative qui les a bien instrumentalisés n’aura servi, à mon sens, qu’à :

– donner une sorte de consensus (factice) à une initiative présidentielle;

– accélérer le départ de Habib Essid et le remplacer par un Nidaaiste proche du chef de l’Etat qui l’a préparé à ce poste depuis quelque temps. Comment l’opposition n’a-t-elle pas vu cela? Manque-t-elle de perspicacité à ce point?;

– permettre le retour du RCD, l’ancien parti au pouvoir sous la dictature de Ben Ali, au gouvernement comme le laissent prévoir les consultations autour du fameux «Pacte de Carthage» sorti de l’époque de Ben Ali et autour d’un gouvernement d’union nationale. Attendons la constitution de ce dernier dans les prochains jours…;

– et puis, et ça me semble, le plus important, contourner le système semi-parlementaire, semi-présidentiel en redonnant au président des pouvoirs que la constitution lui a retirés.

Un chef du gouvernement aux ordres du président de la république

Le nouveau chef du gouvernement n’aura aucune réelle liberté d’initiative. Il appliquera la politique tracée par le président de la république qui n’a jamais toléré que ce nouveau régime politique lui réduise des prérogatives attribuées par le régime présidentiel en vogue dans le pays depuis la construction de l’Etat national et jusqu’à la promulgation de la nouvelle constitution en 2014.

Un retour à la case départ ? Tout porte à le croire.

Toutes ces manœuvres politiques n’ont servi qu’à piéger une opposition à la recherche de strapontins… Triste paysage politique…

Qu’est-il resté de ces ruptures et de ces changements que le 14 janvier était censé apporter? Peut-être le temps est-il venu pour que l’opposition retrouve son camp et oeuvre pour la construction d’une véritable alternative…

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