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Le e-gov tunisien entre ambitions et blocages

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Le club digital de l’Association des tunisiens des grandes écoles (Atuge) a organisé un dîner-débat, le 4 octobre courant, sur le thème : «E-gov en Tunisie, entre rêve et réalité».

Par Wajdi Msaed

A en croire les déclarations des responsables tunisiens lors des manifestations et salons spécialisés, tenus dans le pays et à l’étranger, la Tunisie ambitionne de devenir un hub régional des technologies de l’information et de la communication (TICs) et de l’économie numérique. Le pays mise aussi sur le développement de ce secteur pour diversifier et accroître ses exportations et pour créer des emplois pour ses jeunes diplômés, dont les effectifs n’ont cessé de croître au cours des dernières années.

Reste une question que se posent, à juste titre, les experts du secteur: ces objectifs ambitieux pourraient-ils être atteints au rythme actuel de la transformation digitale de l’administration tunisienne?

Pour répondre à cette question, le dîner-débat de l’Atuge a donné la parole à de hauts responsables et professionnels du secteur, notamment Habib Dabbabi, secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, Kais Sellami, président de la Fédération des TICs relevant de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), et Karim Koundi, directeur associé du bureau d’études Deloitte Tunisie.

Une mutation trop lente

Modéré par Imed Elabed, directeur général de ITSERV, le débat a permis de soulever les différentes facettes de la problématique de la digitalisation de l’économie et de la numérisation de l’administration dans le cadre d’un processus de modernisation globale où le e-gov est censé tenir une place centrale. Une idée s’est, cependant, dégagée : cette mutation technologique tant espérée avance lentement, trop lentement, et semble même, parfois, boiter.

Quels sont les facteurs qui ont freiné l’élan de l’e-gov tunisien? Déplore-t-on un manque de vision ou un problème de moyens, humains, matériels et financiers? S’agit-il d’un manque de confiance et de sécurité ou d’un problème politique et de gouvernance ?L’administration dispose-t-elle de la volonté et des moyens requis pour avancer réellement dans ce processus? Quel est, à cet égard, le rôle et l’apport du Conseil stratégique des TICs ?

Les professionnels présents, qui accordent une grande importance au développement de l’économie numérique, dont l’impact sur le reste des secteurs de l’économie nationale n’est plus à démontrer, sont unanimes pour estimer que les progrès réalisés, jusque-là, dans ce domaine, sont très en-deçà des potentialités du pays et, surtout, de ses ambitions affichées.

Pour Kais Sellami, la Fédération des TICs a déjà manifesté, depuis 5 ans, son mécontentement de la situation et fait des propositions pour une gouvernance plus rationnelle et plus efficiente de ce secteur. «Le numérique est une fonction transversale au service de l’économie, des métiers et du citoyen», a-t-il expliqué. Et d’ajouter : «Nous devons réfléchir ensemble et élaborer une vision commune à même d’accélérer la digitalisation de l’économie nationale».

Faire roder la machine par des ‘‘quick-win’’

Trois raisons principales ont empêché le décollage du secteur, a estimé, de son côté, Habib Dabbabi. Il y a d’abord l’absence d’une stratégie commune, celles suivies jusque-là étaient portées par des hommes, sans suivi ni continuité. La 2e raison a trait à la résistance au changement constatée au niveau de l’administration publique, alors que la 3e concerne l’absence d’un PMO (Project Management Office ou bureau de gestion de projet), donc l’absence de véritables décideurs.

«On a pu résoudre le premier problème après avoir réussi à mettre en place une stratégie participative impliquant la profession et les différentes parties concernées», a précisé le secrétaire d’Etat, ajoutant que les efforts se poursuivent pour surmonter les deux autres problèmes. «La machine est grippée», a-t-il cependant admis. «On peut rêver à de grands projets, mais il faut commencer par faire roder la machine, en mettant en œuvre des ‘‘quick-win’’ (ou actions à gain rapide), c’est-à-dire des petits projets visant à mettre fin aux files d’attentes dans les bureaux de poste ou les municipalités, à éliminer la paperasse dans les ministères et à assurer une bonne qualité des services, comme les connexions téléphoniques, etc.», a encore ajouté M. Dabbabi. «Le quick-win relatif à la signature légalisée peut se faire en 6 mois», a-t-il insisté.

La digitalisation est un état d’esprit

«Durant les 20 dernières années beaucoup de services en ligne ont été développés dans différents secteurs. Mais depuis 5 ou 6 ans, on est arrivé à un stade où ce modèle a atteint ses limites. Il faut tout revoir pour permettre au numérique d’être mieux intégré et de contribuer à la réforme administrative», a estimé, pour sa part, Karim Koundi, qui a passé en revue les propositions avancées pour accélérer la digitalisation de l’économie tunisienne, comme, notamment, d’assurer le processus d’interaction entre les ministères, d’instaurer une unité e-gov et une direction du système d’information (DSI) dans chaque ministère, d’investir davantage dans la formation des ressources humaines et de maximiser l’utilisation des services en ligne.

«La digitalisation n’est pas un problème purement technique, c’est plutôt un état d’esprit et une culture à acquérir et à généraliser», a souligné en conclusion M. Dabbabi, en déplorant que la révolution des TICs, en Tunisie, est restée dans la tête des ingénieurs et n’a pas été encore intégrée par les citoyens.

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