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Fadhel Abdelkéfi au ‘‘FT’’: «La Tunisie a besoin d’investissements, et non de dons»

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M. Abdelkefi lors du roadshow de présentation de la conférence « Tunisia 2020 », cette semaine, à Londres. 

Fadhel Abdelkefi a expliqué, cette semaine à Londres, que le jihad pourrait tenter les jeunes chômeurs si la situation économique ne s’améliore pas.

Entretien réalisé par Steve Johnson, traduit de l’anglais par Marwan Chahla

La Tunisie met en garde que la jeunesse tunisienne désabusée pourrait être tentée de rejoindre les rangs de l’organisation terroriste de l’Etat islamique (EI, Daêch) si le pays n’obtient pas le soutien financier de l’Europe et des Etats-Unis.

La vitale industrie du tourisme de ce pays d’Afrique du nord ne s’est jamais remise des deux attaques terroristes de Daêch, en 2015 (le 18 mars, au Bardo, et le 25 juin, à Sousse, ndlr), qui ont coûté la vie à une soixantaine de touristes étrangers. La Tunisie, qui fournit le plus fort contingent de combattants étrangers du groupe terroriste en Syrie et en Irak, a dû également repousser, en mars dernier à Ben Guerdane, une offensive des jihadistes de l’EI installés en Libye.

Le danger de la tentation jihadiste est là

Avec un taux de chômage national de 15,6% – et le double de cette proportion pour les diplômés universitaires et les moins de 25 ans –, la Tunisie a besoin d’assistance pour pouvoir faire face à ce danger terroriste, a expliqué Mohamed Fadhel Abdelkefi, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, mercredi à Londres:

«Nous avons 650.000 chômeurs. La moitié d’entre eux sont des personnes hautement qualifiées. Comment pouvons-nous expliquer à ces gens que nous avons réussi à mener à bien notre transition démocratique et qu’ils sont sans emploi depuis 3 ou 4 ans et que, en tant que gouvernement, nous ne pouvons pas leur offrir de solution? Bien évidemment, ces personnes écouteront plus des gens de Daêch. Lorsque le sentiment de désespoir s’empare de ces personnes, c’est vers Daêch qu’ils pourraient se tourner et trouver refuge. Notre rôle, donc, est d’offrir à ces personnes une solution. Nous nous devons de leur donner espoir.»

Sans aide, M. Abdelkefi explique, dans une vingtaine d’années, «nous serions en présence d’une autre dictature. Ce serait le chaos.»

La Tunisie est considérée comme l’unique success story du Printemps arabe qui a mis fin au régime du dictateur Zine El-Abidine Ben Ali et établi une démocratie opérationnelle, bien que tumultueuse, où six gouvernements se sont succédé, en l’espace de cinq années.

M. Abdelkefi avertit que l’Occident est en train de mettre en péril l’un des rares modèles pour le monde musulman.

«En tant qu’unique pays arabe et musulman qui a pu mettre sur pied un système démocratique entier, nous sommes en droit de dire que l’islam et la démocratie ne sont pas en contradiction. Si on résout les difficultés économiques de la Tunisie, on pourra, demain, présenter au monde musulman un exemple à suivre», déclare-t-il. Il ajoute : «A ma droite [dans le gouvernement], j’ai un collègue islamiste. A ma gauche, un autre membre de l’équipe est un syndicaliste et, en face de moi, un autre qui appartient à la tendance libérale…»

La Tunisie, membre de l’Union européenne…

«Les gens investissent des fonds en Afghanistan, en Irak. Et il est nettement moins coûteux d’investir en Tunisie que d’essayer de transformer l’Afghanistan. Nous sommes un pays paisible de 11 millions d’habitants. Il existe chez nous une très grande frustration parmi notre peuple face à cette situation», explique M. Abdelkefi.

Le plan de développement quinquennal tunisien, qui cible des industries tels que la fabrication de composants aéronautiques et de pièces automobiles, le textile, le tourisme, la santé et l’éducation, est tributaire d’investissements estimés à 60 milliards de dollars, dont la Tunisie espère lever 60% auprès du secteur privé.

Le pays a adopté un nouveau code d’investissement, offrant des allègements fiscaux, simplifiant les procédures pour l’investissement étranger directe et ouvrant la voie aux partenariats public-privé dans des domaines comme l’énergie éolienne et solaire, le projet du métro de Sfax, deuxième ville du pays, et d’un port en eau profonde à Enfidha.

D’autres projets de loi, mettant à la disposition des entreprises privées, souhaitant investir en Tunisie dans les 3 prochaines années, des avantages supplémentaires, sont soumis au débat des législateurs tunisiens.

«Nous avons besoin d’investissements, et non pas de dons», insiste M. Abdelkefi.

Depuis la révolution, 500 sociétés étrangères ont quitté le pays, tirant vers le bas la croissance économique du pays à près de 2% et augmentant sensiblement le déficit budgétaire.

«Nous avons un accès libre de droits au marché de l’UE, la main-d’œuvre la plus instruite du continent africain; les exportateurs ne sont pas imposables et nous offrirons le meilleur tremplin pour la reconstruction de la Libye», assure le ministre du Développement.

Sur le long terme, M. Abdelkefi nourrit l’espoir qu’un jour la Tunisie pourrait être membre de l’UE.

«Le fait est là. Nous nous trouvons dans la même situation que l’Europe de l’Est [au lendemain de la chute du communisme, Ndlr], sans être des chrétiens ni de l’Europe. Nous souhaitons être traités de la même manière que l’Europe de l’est avait été traitée. Nous pourrions, me semble-t-il, postuler à être membre de l’UE», conclut-il.
*Les titre et intertitres sont de la rédaction.

Source: ‘‘Financial Times’’.

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