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Justice transitionnelle : Sihem Bensedrine mène l’IDV dans le mur

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Le verdict de l’ancien président de l’Union des juges administratifs, Ahmed Souab est sans appel : «L’Instance Vérité et Dignité (IVD) va droit dans le mur».

Par Habib Trabelsi

M. Souab, qui s’exprimait samedi, à l’issue d’une conférence de presse de Zouheir Makhlouf, le vice-président (viré et réhabilité par une décision de justice) de cette instance présidée d main de fer par Sihem Bensedrine, «la protégée d’Ennahdha», selon ses nombreux détracteurs, a appelé le pouvoir législatif à «réviser la composition» de cette instance, censée faciliter la réconciliation nationale, mais qui est accusée de «violations illimitées».

«La protégée d’Ennahdha»

«Le système de justice transitionnelle est constitutionnel, mais l’IVD est désormais une instance anticonstitutionnelle, au vu de ses violations illimitées» de la loi organique relative à l’attribution et l’organisation de la justice transitionnelle, a ajouté le magistrat en précisant qu’il essaierait d’«être objectif, autant que possible».

Parmi ces «violations», M. Souab a notamment cité celle de l’article 59 de la loi organique, stipulant que «le quorum requis pour la régularité des réunions est fixé aux deux-tiers des membres», soit 10 membres. «Comment donc, l’IVD continuera-t-elle à se réunir avec seulement 9 membres encore en activité?», suite à une série de limogeages et de démissions, s’est interrogé le magistrat avant d’exposer «quatre ou cinq violations, du double point de vue légal et juridique».

M. Souab a également cité l’annonce par l’IVD qu’elle acceptait les demandes d’arbitrage dans les affaires d’abus de gestion des biens publics commis après décembre 2015, «ce qui est illégal et n’entre pas dans les prérogatives de l’Instance».

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Ahmed Souab.

Parmi ces dépassements, le magistrat a mentionné «la non-publication du rapport annuel de l’IDV dans le Journal officiel de la république tunisienne (Jort)». «Comment justifier la présentation par Sihem Bensedrine de ce rapport au parti Ennahdha avant sa publication dans le Jort et avant sa soumission aux trois dirigeants» (le chef de l’Etat, le chef du gouvernement et le président de l’Assemblée des représentants du peuple –ARP), s’est-il demandé.

«Le système de justice transitionnelle est constitutionnel, mais l’IVD est un système anticonstitutionnel, au vu de ses nombreuses violations de la loi», a martelé M. Souab.

Selon lui, «les dérives de l’Instance sont dues à la logique des quotas partisans» qui avait présidé à sa mise en place pendant le gouvernement de la Troïka (Ennahdha, Congrès pour la République – CPR et Ettakatol).

«L’origine du mal, c’est la Troïka (…) La raison du maintien de l’IVD c’est le soutien d’Ennahdha et de ses dérivées», a dit le magistrat, avant d’appeler «le pouvoir législatif à intervenir pour réviser la composition de l’IVD».

«Le Front populaire avait, lui aussi, présenté à l’ARP un projet (de loi) portant sur la révision de la composition de l’IVD, alors que Nidaa Tounes avait réclamé une commission d’enquête qui a été simplement… noyée», a-t-il rappelé.

«L’IVD a perdu toute légitimité»

M. Souab a par ailleurs appelé la Cour des comptes à ouvrir une enquête sur les allégations de corruption au sein de l’IVD, emboîtant ainsi le pas à M. Makhlouf, qui venait de «presser la Cour des comptes, l’Instance nationale de lutte contre la corruption et le pouvoir judiciaire d’enquêter sur des malversations et des pratiques financières déraisonnables, dont une l’allocation d’un million de dinars pour l’achat de pâtisseries et confiseries et de deux millions de dinars pour l’achat de voitures».

Avec à l’appui documents inédits, témoignages accablants, copies des textes de démissions de membres de l’Instance, articles de presse, extraits d’émissions de télévisions… M. Makhlouf s’est évertué pendant près d’une heure à faire le procès de l’IVD, et plus particulièrement de sa présidente avec laquelle il est en guerre ouverte depuis plus d’un an.

«Corruption et blanchiment des corrompus », «malversations et gaspillage des deniers publics», «falsification des procès-verbaux des réunions et manque de transparence», «mensonge et manipulation», «harcèlement et révocations abusives», «agressions verbales et physiques»…

Autant d’«abus de pouvoir qui rendent impossible la poursuite du travail dans l’ambiance despotique qui règne dans ce nid de frelons, mais surtout qui entravent le processus de la justice transitionnelle», a-t-il dit.

D’ailleurs, a-t-il souligné, «l’Instance travaille depuis deux ans et demi et aucun dossier des 62.000 qu’elle détient n’a encore été traité». En outre, «Bensedrine a créé des problèmes avec toutes les institutions de l’Etat. Pire encore, elle a coupé tous les canaux de communication et de coopération avec toutes les institutions étatiques et gouvernementales».

Bref, «l’IVD a perdu toute légitimité», a décrété M. Makhlouf qui a accepté, pour la première fois, de «briser son devoir de réserve», à la faveur de cette conférence de presse annoncée «de bouche à oreille» et sur sa page Facebook et qu’il a absolument tenu à organiser.

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Zouheir Makhlouf.

A la fin de la conférence de presse, Zouheir Makhlouf a annoncé avoir été empêché de la tenir et qu’il a dû soumettre au ministère de l’Intérieur une demande au nom du président de l’Association «l’Identité de la résistance», Chamseddine Rouissi.

Prenant à témoins un public relativement nombreux – notamment des journalistes ainsi que Violette Dagher, la présidente de la Commission arabe des Droits de l’Homme – M. Makhlouf a déclaré : «Ainsi, vous constatez à quel point l’IVD, tentaculaire, a étendu son emprise partout».

«No comment»

Imperturbable, l’IVD, citée samedi soir par la télévision nationale, a fait savoir qu’elle ne répondrait pas à ces accusations «qui ne méritent pas de réponse» (sic !).

Balayant ces accusations d’un revers de la main, les laudateurs de Sihem Bensedrine ont continué en revanche à dénoncer sur la page Facebook officielle de l’Instance «la campagne de désinformation menée par des parties hostiles au processus de justice transitionnelle» à accuser «certains membres vulnérables de subir des pressions de certains lobbys afin de servir leurs intérêts», et à répéter à l’envi que «la présidente est au-dessus de tout soupçon».

Mine de rien, celle-ci s’est rendue dimanche à Kasserine où elle a présidé un colloque sur «la réhabilitation et la réparation aux victimes de la tyrannie de la région», en présence de militants de Kasserine, Sidi Bouzid, Sbeïtla, Sbiba et Thala.

«L’essentiel, c’est que la pâtisserie soit révolutionnairement légitime et halal!», ironise une internaute qui se fait appeler «Tunisienne».

«IVD: dix solutions», rétorque «A4», en répétant dix fois le mot «dissolution !».

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