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In memoriam: Georges Adda, le plus nationaliste des juifs tunisiens

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Retour sur le parcours exemplaire de Georges Adda, un juif tunisien, militant nationaliste et syndical, et défenseur des libertés et des droits humains.

Par Salah El-Gharbi

Georges Adda, une grande figure militante qui avait traversé le 20e siècle et accompagné l’histoire de la gauche tunisienne de l’entre-deux-guerres jusqu’à l’époque de Ben Ali, aurait eu 100 ans, Le 22 septembre dernier. Pour conjurer l’oubli, rendre hommage à la mémoire de ce grand homme, une journée lui a été consacrée à la Bibliothèque nationale, à Tunis, en présence d’amis, de personnalités politiques et syndicales et d’universitaires.

Cette manifestation, dédiée à la mémoire d’un juif tunisien, survenait à un moment où l’on avait tendance à négliger la place qu’avait occupée la communauté israélite dans l’histoire de notre pays dans tous les domaines. Elle a permis de présenter le parcours et la personnalité de ce fervent nationaliste, dont le combat constant pour ses idéaux de liberté et de justice sociale lui avait valu l’enfermement aussi bien sous le protectorat français que sous le régime de Bourguiba.

Militant politique et syndical

Cette rencontre a permis à ses amis de mettre en exergue les qualités de l’homme et celles du militant politique et syndical qu’il fut. Elle était aussi l’occasion d’entendre d’émouvants témoignages, notamment, celui de Ridha Tlili (fils de Ahmed Tlili, grande figure du monde syndical) qui a révélé que Georges Adda était le premier à avoir accès à la fameuse lettre que le dirigeant de l’UGTT avait envoyée à Bourguiba, où le leader syndical déplorait l’absence de démocratie, insistant ainsi sur la relation de confiance qui existait entre son père et le militant.

Les syndicalistes Néji Massoud, Fathi Ayari et surtout Mohamed Trabelsi, actuel ministre des Affaires sociales, ont rendu compte, pour leur part, des contributions de Georges Adda, par ses écrits sur les colonnes du journal ‘‘Echaab’’, organe de l’UGTT, ou par son expertise, étant donné ses profondes connaissances en matière de couverture sociale.

Ainsi, toujours volontaire, feu Adda avait été de tous les combats, à côté de la centrale syndicale, luttant en faveur du progrès des travailleurs, accompagnant les réformes sociales que le pays avait connues au cours des derniers décennies.
Mais, on ne peut parler d’Adda sans évoquer son parcours au sein du Parti communiste tunisien (PCT). C’était dans ce cadre que des universitaires spécialistes de l’histoire contemporaine, comme Ali Mahjoubi, Habib Kazdaghli, ou Leila Bellili, sont intervenus pour contextualiser les rapports de cet homme avec le plus vieux parti tunisien de gauche, mais aussi avec le monde syndical de l’époque coloniale.

Un homme anti-système

En somme, cette journée de mémoire et d’histoire nous a révélé les qualités d’un homme aux facettes multiples, celles d’un esprit libre, un homme anti-système, qui était de toutes les causes justes, aussi bien pour le mouvement de libération algérienne qu’en faveur de la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien.

Beaucoup d’entre nous ont encore en mémoire sa lettre adressée à Ben Ali, demandant la libération de Bourguiba, mais aussi, sa véhémente dénonciation, auprès de l’ambassade de Chine à Tunis, des répressions contre les manifestants de la place Tien’anmen, en 1989.

A une époque où le mot «militant» est déprécié, vidé de sens, cette journée de mémoire et d’histoire est venue nous rappeler le vrai sens du mot «engagement», celui d’un juif tunisien, immunisé contre la rigidité et l’opportunisme politiques, et celui d’un militant qui avait toujours su se préserver contre la tentation de la radicalité et était une véritable école en matière de pédagogie et de lucidité politique et syndicale.

George Adda est décédé le 28 septembre 2008 à Tunis, à 92 ans, à la suite d’un arrêt cardiaque. Ses funérailles ont lieu le 30 septembre 2008 au carré laïc du cimetière juif du Borgel où reposait son épouse Gladys et son fils, Serge, ancien président de TV5 Monde, décédé en 2004.

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