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Les Etats-Unis face à l’autre terrorisme

Au-delà du problème posé par certains vétérans des guerres américaines à travers le monde, le terrorisme aux Etats-Unis s’enracine dans un climat propice à la diffusion de la violence.

Par Dr Mounir Hanablia *

Vendredi 6 janvier 2016, à l’aéroport de Fort Lauderdale, Floride, Etats-Unis, un homme, Esteban Santiago, ouvre le feu faisant plusieurs victimes avant d’être neutralisé et emmené pour interrogatoire.

Les circonstances exactes de cet attentat terroriste ne sont pas encore bien élucidées, mais il semble que le terroriste, un vétéran des guerres d’Irak, ait récupéré des armes dissimulées dans des bagages avant d’en faire usage.

Selon toute apparence, beaucoup de soldats américains à leur retour au pays sont en butte à des troubles psychiques graves. Malgré une prise en charge psychologique intensive dans le but de favoriser leur réinsertion et l’usage large d’antidépresseurs, les tentatives de suicide sont très nombreuses. On parle d’une proportion dépassant les 12% pour 100.000 soldats, soit un chiffre dépassant les 12.000.

Ces vétérans devenus violents

Les autorités américaines demeurent naturellement très discrètes sur ce sujet particulièrement sensible, pour ne pas alarmer l’opinion publique, et pour ne pas faire une publicité désastreuse à l’armée qui puisse tarir son prestige, ses sources de recrutement et les crédits dont elle a besoin. C’est que l’armée américaine est une institution très prestigieuse et, dans un pays où le patriotisme et la défense de la patrie constituent un véritable culte, l’armée entretient dans la société un climat assez belliciste dont on puisse se poser la question de savoir s’il n’influe pas sur la diffusion de la violence. En effet, elle a très souvent l’opportunité d’établir des contacts avec le public dans la rue, et avec les étudiants dans les universités pour favoriser les émulations, et les salaires demeurent très intéressants, en particulier pour les personnes d’origine modeste qui, moyennant le risque de perdre la vie ou de subir des blessures handicapantes, désirent se constituer un capital à même de leur permettre à la fin de leur service de monter des projets rentables.

Ce qu’on ignore, cependant, dans tout ceci, c’est la proportion des vétérans qui sont devenus violents à leur retour dans leur propre pays, au point de sombrer dans le terrorisme, après avoir été les acteurs d’une occupation de pays étrangers dont la population leur avait opposé une résistance acharnée, certains parmi les soldats se rendant même coupables de crimes de guerre.

Comment ne pas évoquer à cet effet l’attentat de l’immeuble fédéral d’Oklahoma City qui en avait entraîné, en 1995, l’effondrement et la mort de plus de 100 personnes, commis par Timothy Mac Veigh, un vétéran de la guerre du Golfe et membre d’une milice armée , qui voulait se venger du gouvernement fédéral, pour le rôle qu’il lui attribuait dans le massacre de Waco?

Trump et l’ultranationalisme des miliciens blancs

L’affrontement de Ruby Ridge, ayant opposé un ancien béret vert et sa famille à des membres du FBI, avait également servi de mobile à l’auteur de cet attentat. Car, abstraction faite des dégâts psychologiques dont souffrent les vétérans américains à leur retour des zones de guerre, un bon nombre d’entre eux se sont impliqués dans des formations paramilitaires porteuses d’une idéologie ultra nationaliste belliqueuse , telle la Nation Aryenne, unies autour d’une vision survivaliste, une opposition absolue à la limitation de la liberté, en particulier l’interdiction des armes à feu, et une hostilité au gouvernement fédéral considéré comme étant inféodé aux grands banquiers de Wall Street et à un pouvoir occulte mondial à l’origine de toutes les crises que traverse le monde.

Bref, les ingrédients sont toujours réunis pour des actes terroristes, tel celui commis à Dallas, en juillet dernier, par un réserviste de l’armée de terre, Micah Johnson, et qui avait fait six morts parmi les policiers, mais dont les motivations avaient été cette fois différentes de celles des terroristes blancs : il voulait, en effet, venger les meurtres commis par des policiers contre des civils noirs désarmés.

Mais un homme comme Donald Trump, il faut le souligner, avait justement usé dans ses discours de ce genre d’arguments répandu chez les miliciens blancs, pour mobiliser derrière lui tous ceux qui en Amérique considèrent comme ennemis l’establishment de Washington, et seul l’avenir révélera ou non si, sous sa présidence, ces milices feront ou non florès.

Pour conclure, on peut affirmer que le terrorisme actuel, quelles que soient ses connotations et ses variantes locales, soit un phénomène supposant un certain nombre de conditions communes sans lesquelles il ne puisse pas exister: des vétérans ayant acquis l’expérience du feu dans des formations militaires ou paramilitaires, au cours de guerres extérieures sanglantes et souvent horribles; des armes disponibles; une réinsertion sociale difficile; une culture faisant l’apologie de la force; des formations politiques ou paramilitaires véhiculant une vision exclusive du devenir de la société ou de l’humanité; une remise en cause de la légitimité de l’Etat, considéré comme étant impie, ou au service d’un gouvernement occulte mondial.

Avant de permettre aux miliciens partis se battre en Syrie et Irak de revenir, il serait peut-être temps que les bonnes questions soient posées et que les conséquences en soient justement évaluées, si on veut éviter que demain des attentats meurtriers prévisibles démantèlent la structure de l’Etat et minent encore plus la crédibilité du pays.

* Cardiologue, Gammarth, Hammamet.

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