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La Tunisie à l’orée de l’an 7 de la révolution : La contagion du désespoir

Manifestations de janvier 2016 (photos d’archives).

A l’orée de la 7e année de la révolution, les Tunisiens doivent s’armer d’un chouia de patience et continuer de faire de leur mieux pour espérer une éclaircie… déjà presque inespérée.

Par Fethi Frini *

Devrions-nous le relever davantage, la situation ici-bas n’est guère au beau fixe et qu’elle se détériore même à vue d’œil? Une situation grave, certes, mais pas désespérée pour autant… Un pays rudement mis à l’épreuve, en proie à toutes les convoitises, en butte à toutes les humeurs, en guerre avec tous les extrémismes… Un peuple intimidé, maltraité et un tantinet terrorisé, se retrouvant d’ores et déjà décontenancé, dépité, désespéré même, ne sachant enfin plus à quel cheikh se vouer. Et de là, le risque encouru est encore plus grand, pour nous autres Tunisiens, au train où en vont les choses, au rythme où nous mènent les hommes, exposés que nous sommes déjà de se retrouver, tout au moins, dans une drôle de situation pas drôle du tout.

Certes, le feu au poudre, il n’y aurait pas encore mais cela ne va tarder, estiment les plus pessimistes d’entre nous. Et ils sont malheureusement légion… Ce serait inacceptable de vivre une belle révolution bien printanière et de se retrouver aussi longtemps dans une situation autant problématique sinon bien périlleuse. Aussi, et à l’orée déjà de l’an Sept de la révolution, devrions-nous nous préparer au septième round d’un combat ardu, long et peut-être bien fastidieux?

Pas de péril en la demeure

Pour la grande majorité d’entre nous, en effet, l’on continue encore de redouter que «la contagion du désespoir», déjà bien présente auprès de larges franches, ne se répande davantage comme une traînée de poudre parmi toute la population. Il n’y aurait certes pas, pour autant, péril en la demeure, loin s’en faut…

Cependant, l’on tente, tant bien que mal, d’éteindre les départs de feu avant qu’il ne gagne des endroits vulnérables, des zones névralgiques voire des sphères insoupçonnées. Et toute la gamme d’approches, de suggestions et d’idées, à laquelle l’on n’a cessé de recourir pour prévenir sinon pour couvrir les risques encourus, en est tout juste réduite à sa plus simple expression: tenir des propos apaisants, la prise d’initiatives hasardeuses sinon le recours à des choix contestables…

En attendant, qu’on en prenne les choses à bras-le-corps, qu’on en arrive à un consensus sur une stratégie globale ou qu’on en vienne à une action salvatrice d’envergure, d’aucuns récusent une révolution sans horizons, réfutent toutes argumentations sans solutions, appréhendent toute navigation à vue…

Il n’y aurait plus de quoi surprendre

Alors que le dialogue, incroyablement prometteur, instauré pourtant entre les parties prenantes sur la scène nationale, semble depuis longtemps rompu, parce que présentant des risques d’abus, il ne tient qu’à un fil, bien ténu. Si ce n’est le consensus instauré un moment avec «Le document de Carthage», définissant les priorités du gouvernement d’union nationale ou ce qu’il en reste.

Il est devenu désormais impossible avec les promesses aussi peu crédibles des uns qui se le disputent aux vœux toujours pieux des autres; et l’on continue de croire encore qu’avec la révolution, tout est possible, tout est imaginable, tout est réalisable, qu’enfin tout est jouable…

Alors que les uns ne veulent rien entendre et ils n’ont rien à entreprendre, les autres, non plus, ne veulent rien comprendre et ne peuvent plus attendre… Dans tout cela et, dans bien d’autres, il n’y aurait plus de quoi surprendre…

Plus de dialogue non plus entre ceux qui travaillent et ceux qui chôment, plus de concorde entre ceux qui pensent bien et ceux qui agissent mal; entre ceux qui sans tergiverser vont droit au but, et ceux qui y vont par quatre chemins, bien tortueux; plus de consensus, non plus, entre ceux qui ont plus d’appétit que de manger et ceux qui ont plus de manger que d’appétit; enfin entre ceux qui défendent, becs et ongles, la patrie et ceux qui cherchent à protéger les apatrides…

Goûter enfin aux fruits – défendus – de la croissance

Désespérés de réclamer légitimement leur part de gâteau, d’obtenir ce qui leur revient de droit, de goûter enfin aux fruits – défendus – de la croissance, toutes ces bonnes gens parmi lesquels nous avons grandi réclament, légitimement encore, leur droit à une juste répartition du pain noir… Le gros morceau étant, d’ores et déjà, entre de bonnes mains, il n’en reste que des miettes à recueillir. Et c’est vers nous autres, les contribuables, serviables et corvéables à souhait, qu’ils continuent de lorgner, tel une vache à traire pour en tirer de quoi colmater bien des trous encore béants dans nos finances publiques.

Le pouvoir réel n’a pas changé de mains, il a changé d’époque, de têtes pensantes et de parties agissantes… Pour tenter de gérer un chouia notre train-train quotidien, l’administration, déjà aux abois, regimbe, louvoie, tergiverse… Nul n’est en droit, nul n’a assez de courage pour prendre position et nul non plus n’est encore en mesure de prendre une sacrée décision… En leurs lieu et place, que de propos désobligeants, de décisions précipitées et d’actions hasardeuses…, en réponse à tant d’ exigences, face aux nombreuses souffrances, et comme faisant suite aux doléances… Jamais les loups, voyez-vous, n’obéissent aux agneaux, ni les mystérieux faucons aux candides pigeons…

Dans un climat de peur et d’intimidation

Désespérément certes, mais s’armant d’un chouia de patience, nous continuons de faire de notre mieux tant bien que mal, pour faire la part des choses, pour tenter d’y voir clair et espérer une éclaircie, emmêlés que nous sommes dans ce «fatras indescriptible»… Que pouvons-vous y faire pour ne plus en souffrir ou alors s’y complaire davantage? Pour continuer de garder surtout la tête bien haute et jamais plus jamais le profil bas, qu’on ne se laisse plus jamais manipuler, dans un climat de peur que nous nous sommes déjà crées bien avant la révolution et, d’intimidation, largement entretenue depuis, se présentant à nous autres sous diverses formes et se manifestant, d’ailleurs, dans différents contextes insoupçonnés…

* Juriste.

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