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Le pari perdu de Moncef Marzouki

Se complaisant dans la posture facile de l’éternel opposant, Moncef Marzouki fait feu de tout bois et allume partout des incendies où il finira par se brûler lui-même.

Par Salah El-Gharbi

Après son passage sur France 24, il y a un an, sa fameuse interview de septembre sur Ettassia TV et ses déclarations polémiques qu’il distille dans la presse arabe, voilà l’ex-président par intérim Moncef Marzouki qui sort de sa réserve pour pourfendre d’une manière systématique la politique gouvernementale dont il dénonce «l’échec social». «Le pouvoir n’a rien fait durant deux ans», a-t-il scandé, lors d’une conférence de presse, la semaine dernière, à Tunis, tout en exprimant sa solidarité avec les protestataires de Ben Guerdane (Medenine) et Meknassi (Sidi Bouzid) dont il dit comprendre le «ras-le-bol».

Carthage vaut bien un brasier

Ainsi, aigri après sa défaite aux présidentielles de 2014, le chef du mouvement Al-Irada, héritier du Congrès pour la république (CPR), grand perdant lui aussi des dernières législatives, reste à l’affût de tout signe du fléchissement du pouvoir. N’ayant pas de vraies solutions aux problèmes socio-économiques du pays, ne présentant pas de réelles alternatives à la politique actuelle du gouvernement Youssef Chahed, il compte plutôt sur sa qualité d’intraitable contradicteur et d’éternel opposant – il l’était même quand il siégeait au palais de Carthage – pour galvaniser l’opinion publique et embarrasser ainsi la majorité actuelle.

Le général de l’armée morte et ses lieutenants. 

Mais, la parole incantatoire aussi virulente soit-elle et les fortes diatribes contre Béji Caïd Essebsi, l’actuel chef de l’Etat, suffisent-elles pour autant à l’ex-président pour gagner le pari de retourner à Carthage, son espoir le plus fou, en 2019?

Aussi bien les sondages que l’impact médiatique des interventions de M. Marzouki et celles de ses deux lieutenants, Imed Daimi et Adnen Manser, faisant souvent feu de tout bois et ne reculant devant aucun excès de langage, ne suscitent pas, pour l’instant, un quelconque engouement pour le personnage. Et même s’il continue à être soutenu par le noyau dur de ses partisans, représenté par les dirigeants du Mouvement Al-Irada, sa popularité est en perte de vitesse, si tant est qu’elle a jamais été élevée. Réduit à n’être qu’une des figures emblématiques de la «troïka», l’ancienne coalition au pouvoir conduite par le parti islamiste Ennahdha, qui l’avait d’ailleurs désigné à la présidence de la république par intérim pour encore pour quelque temps un bon client pour les médias, auteur de sorties imprévisibles et de petites une durée d’un an avant qu’il ne s’incruste et ne reste 3 longues et interminables années, l’homme est phrases assassines, mais peu le considéreraient, même parmi ses partisans, comme une personnalité politique capable de compter pour la décennie à venir.

L’ impatience d’un pyromane

S’il n’est pas assuré de remporter, un jour, la mise, M. Marzouki reste, néanmoins, un adversaire hargneux et tenace qui continuera à déranger le pouvoir actuel. Sa capacité de nuisance est telle que ce dernier prend soin de ne pas se risquer à répondre à ses critiques. Pis encore, fragilisé par la montée des contestations, il s’empresse d’entériner le discours de «l’opposant», en donnant une certaine légitimité à ces «troubles à l’ordre public». «Les jeunes ont fait cette révolution non pas pour des raisons idéologiques mais parce qu’il y a une situation sociale et économique très difficile. Il faut tenir compte de cela et nous allons y répondre graduellement», déclarait, à ce propos, le président de la république, Béji Caïd Essebsi, des propos aussitôt repris et corroborés par le chef du gouvernement Youssef Chahed, affirmant comprendre l’impatience des habitants des régions défavorisées et leurs revendications fondées.

Ainsi, et même s’il reste convaincu du caractère suspect des troubles, auxquels ne sont pas étrangers les réseaux de contrebande, alliés aux extrémistes religieux et à certains partis politiques jouant avec le feu, le gouvernement se trouve pris en étau entre les charges de M. Marzouki et celles des leaders du Front populaire (FP) et apparaît sur la défensive, incapable de proposer un discours alternatif qui rompe avec les slogans tout faits des cinq dernières années, à propos des «régions discriminées, privées de développement», et qui responsabilise les habitants de ces régions au lieu de les infantiliser et de les considérer comme d’éternels assistés, comme le font souvent les opposants.

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