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Forçons Ennahdha à montrer son vrai visage ?


Ennahdha ne lâchera du lest en matière de dogmatisme religieux que sous la pression; et cela suppose des projets de loi sur les sujets sensibles. Ainsi le parti montrera-t-il son vrai visage !

Par Farhat Othman *

Le dernier conseil de la Choura d’Ennahdha, tenu les 11 et 12 mars à Hammamet, a apporté la preuve à qui en douterait qu’il sait ruser. Aussi, ceux qui espèrent de la part du parti islamiste des avancées sur le plan de l’abandon du dogmatique attendront vainement.

Car ils se trompent lourdement sur ce parti tout autant que sur les impératifs de la politique à l’antique de simulation et de dissimulation, surtout de plastronner, qu’il pratique à merveille. Cela ne veut pas dire que ce parti ne soit pas capable d’évoluer; il s’y préparerait même !

Une évolution au forceps

Toutefois, ce n’est que sous la pression qu’Ennahdha évoluera, une pression irrésistible le sommant de mettre à bas le masque de la démocratie ou de l’incarner par des actes concrets.

Une telle pression ne peut se faire qu’avec des projets de loi sur des sujets sensibles comme l’égalité successorale, la dépénalisation du cannabis, l’abolition de l’homophobie, la totale liberté du commerce et de la consommation d’alcool, la liberté sexuelle entre adultes consentants, etc.

Des textes en la matière existent pourtant, ayant été proposés par la société civile; or, les démocrates n’en parlent pas et ne leur donnent nulle publicité et encore moins une suite !

S’il est normal que le parti Ennahdha feigne de les ignorer, cela est inadmissible de la part des modernistes. Pourtant dix députés, tout juste, suffisent pour introduire de tels projets capitaux au parlement !

Même les militants n’en veulent pas par laïcisme, ces projets se voulant consensuels en n’omettant pas de parler d’islam. Aussi, ces militants, sans s’en rendre compte, se révèlent les complices objectifs des intégristes islamistes, qui ont intérêt à ce que la législation reste en l’état. Ainsi ont-ils toute latitude pour jouer au plus malin, se faisant même passer pour des démocrates. C’est un tel jeu qu’il faut faire cesser en les forçant à évoluer ou se démasquer !

Conseil de la Choura Ennahdha

Conseil de la choura d’Ennahdha: un ramassis de religieux dogmatiques déguisés en islamo-démocrates. 

Ennahdha, démocratie islamique ?

Que disent donc les décisions du Conseil de la Choura d’Ennahdha sur les sujets cités ci-dessus ? Qu’il importe de respecter les valeurs arabo-islamiques. C’est ici que réside le subterfuge à éventer. Pour cela, il suffira de démontrer que l’islam bien compris n’est point contre, par exemple, l’égalité successorale, l’homosexualité ou la consommation de la drogue douce qu’est le cannabis !

Si cela est dit haut et fort et de manière affirmative à l’occasion de la présentation d’un projet de loi en chaque matière, les colombes d’Ennahdha seraient obligées de prendre enfin position sur de telles avancées qu’elles savent incontournables. Car les projets de loi déjà proposés l’ont tous été au nom de l’islam et en application de ses vraies valeurs.

Il est donc faux de dire, du moment qu’on ne l’y force pas, que le parti Ennahdha refuse de changer. C’est que les démocrates l’encouragent, par leur inertie législative, de continuer à louvoyer. On aura noté qu’il veille toujours à laisser la porte entr’ouverte pour la franchir, le moment venu, contraint et obligé, bien évidemment.

Il faut, par conséquent, le pousser par la contrainte axiologique en rappelant les valeurs humanistes de l’islam tout en dénonçant la caricature dont se réclame Ennahdha. Ainsi le contraindra-t-on à prendre position.

Il est, en effet, puéril de vouloir qu’Ennahdha se prononce spontanément pour des questions délicates de nature assurément de heurter une partie de ses troupes sans parler de ses faucons si il n’y est pas obligée. Où est donc une telle contrainte qui l’y forcerait?

Qu’on ose proposer sans plus tarder les projets déjà existants qui sont des textes de nature consensuelle, se présentant sous forme clef en main, et qui sont prêts à entrer immédiatement en application si l’on sait les introduire au parlement. À défaut des politiques, que la société civile et les militants médiatiques s’en chargent !

C’est ainsi qu’on forcera Ennahdha à prendre enfin position : veut-il ou non être une démocratie islamique ?

* Ancien diplomate, auteur de ‘‘L’Exception Tunisie’’ (éd. Arabesques, Tunis 2017).

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