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Tunisie : Le virus de la corruption gagne l’Assemblée

Censés défendre les intérêts de leurs électeurs, certains députés tunisiens négocient tranquillement la prospérité de leur business dans les salons de l’oligarchie.

Par Mohamed Chawki Abid *

Il n’est plus un secret pour personne que la corruption connaisse un développement préoccupant sous l’hémicycle de l’Assemblée des représentant du peuple (ARP), des députés s’inscrivant dans un mouvement de changement d’employeurs envers lesquels ils sont devenus particulièrement loyaux au détriment des doléances de la nation et des intérêts du pays.

Le pot-de-vin est généralement attribué à un député par un lobbyiste en contrepartie d’une position à adopter (mafia de l’énergie, fraude fiscale, contrebande, affairisme, recrutement à l’administration, etc..).

Forts de leur immunité parlementaire offerte par le peuple, nos députés négocient tranquillement la prospérité de leur business au soir dans les salons de l’oligarchie multicolore. Les récentes fuites confirment l’existence de grand nombre de députés devenus richissimes en deux ans de députation. Certains ont même avancé un chiffre pour le prix d’un «député acheté»: 50.000 dinars, sachant qu’un député soluble dans l’argent peut de vendre autant de fois qu’il pourra.

Ce faisant, l’on remarque que le business des députés-affairistes prospère, et que certains fonctionnaires intègrent le monde de l’affairisme jusqu’à afficher des signes extérieurs de richesses ahurissants.

Que des députés se fassent payer pour appuyer une loi, ceci n’est pas nouveau. En revanche, travailler comme consultant «fictif» pour le compte d’autrui et agir pour l’orientation de lois revient à contrevenir à tous les impératifs de transparence, d’impartialité et de loyauté à la patrie conformément au serment récité par le député fraîchement installé dans ses fonctions.

Nous avions souvent entendu des soupçons de corruption contre des députés de l’ARP, mais aucune suite n’a été donnée ni par la justice ni par les médias. Ce comportement devient licite aux yeux des hommes politiques, à telle enseigne que la principale motivation d’un candidat à l’ARP devient l’enrichissement rapide.

En outre, le laxisme et le laisser-aller de la part des instances de contrôle et des organes judiciaires, qui invoquent souvent l’argument facile du manque de moyens, n’est plus choquant aux yeux des citoyens.

Face à ces scandales récurrents, l’ARP, censée être le symbole de l’indépendance et de l’exemplarité, perd de plus en plus la confiance des citoyens. Même les candides mettent en doute la probité et l’intégrité de nos exécutifs et législatifs ainsi que leur dévouement pour la patrie, surtout lorsque la plupart de nos parlementaires ont enfreint à la loi 97-17 relative à la déclaration sur l’honneur des biens des membres du gouvernement et de certaines catégories d’agents publics, et que certains responsables ont fait l’objet d’une suspension de missions de contrôle fiscal approfondi.

En conséquence à ce dérapage éthique des politiques, certains fonctionnaires, prestataires et commerçants, se mettent à suivre le modèle de leurs élus dans leur vie quotidienne.

Le Tunisien est abasourdi de constater que les médias passent quasiment sous silence les affaires de corruption de députés par des lobbys, en vue de proposer, d’amender ou de voter dans le sens des intérêts de la mafia.

Cela se passe comme si nos journalistes ne se préoccupaient que des sujets de diversion et s’interdisaient d’aller sur les grands sujets pour ne pas déranger les gros poissons de la grosse corruption et de la trahison, surtout quand le citoyen tunisien demeure passionné par les faits divers et les histoires de mœurs.

Afin de lutter contre ce phénomène pervers, particulièrement préjudiciable à la démocratie, il est expressément recommandé de réglementer les rapports entre les institutions constitutionnelles et les lobbys toutes formes confondues.

Une telle réforme devrait prévoir que la justice soit systématiquement saisie de tous les soupçons en la matière, quand bien même que les élus soient protégés par l’immunité parlementaire.

* Ingénieur économiste.

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