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Une journée à la Cité internationale universitaire de Paris

Récit d’un séjour à la Cité internationale universitaire de Paris, un lieu cosmopolite de connaissance du monde et de découverte de l’autre.

Par Brahim Gaies

Je me réveille ce matin devant un ciel réduit en éclairage, moi le Méditerranéen habitué à la générosité du soleil du Sud. Mais, en dépit de l’obscurité profonde, l’éclat de la ville des lumières ne peut être assombri par le mauvais temps.

Paris brille de mille feux dès que j’ouvre les yeux sur cette jeunesse qui s’empare de la Cité Universitaire et m’entraîne dans un voyage sur place, depuis mon lieu de résidence, la Fondation d’Allemagne.

Un lieu cosmopolite

Le voyage commence avec l’étrange résonance de l’allemand dans mes oreilles d’arabe, langue dont les accents ne cessent de m’intriguer à chaque fois que je rentre à la cuisine pour prendre le petit déjeuner avec mes voisins, qui ne tardent pas à basculer au français dès que je pointe mon nez.

Il y a aussi la timide grâce de la démarche des demoiselles asiatiques que je perçois quotidiennement à l’entrée de la Maison du Cambodge, depuis la baie vitrée de la bibliothèque qui donnent sur le parc, où je suis prêt à rester jusqu’à la tombée du soir, noyé dans mes pages, en torturant mes statistiques, comme tout doctorant en économie qui se respecte…

Il est presque midi, rendez-vous au resto U (restaurant universitaire de la Cité). Semoule hier, lasagne aujourd’hui et probablement purée de pomme de terre demain. Au resto U, servir des hydrates de carbone est un classique, un sport national ! Rien avoir avec le poulet basquaise délicieux que j’ai dégusté dans le bar à vin du 18e, avant-hier. Là où je m’y suis rendu en tramway pour découvrir, comme si c’était pour la première fois, les rues de Paris. Des rues sortant d’un rêve coloré par la belle étrangeté des milliers d’anonymes qui les occupent.

Rues arrosés par la Seine, pleines de coquins mystères et abritant les plus beaux des monuments : l’Arc de triomphe, Notre Dame de Paris, la Place de la Bastille, Sacré Cœur, la Tour Montparnasse et bien d’autres joyaux qui auréolent la ville-musée.

Mais revenons au resto U. Je pense que vous l’avez compris, ma fidélité à ce lieu de ravitaillement glucidique, tient à deux raisons essentielles : la légèreté de ma bourse d’étudiant et mon incapacité à utiliser correctement mes deux mains dans une cuisine.

Mais il faut dire que la table du resto U que j’ai tant partagée avec des étrangers devenus amis m’a appris beaucoup de choses. Sur cette table, j’ai appris qu’un Allemand peut être aussi drôle que Coluche, qu’un indien peut avaler des quantités faramineuses de sauce algérienne ultra-piquante et que les Chinoises connaissent plus de recettes à base de pâtes que les Siciliens et les Palermitains pris ensemble.

La porte de la connaissance de l’autre

J’ai appris aussi que des bordelais ne distinguent pas le pinot du beaujolais, que le français n’était pas la langue officielle de la Suisse et que les filles suédoises ont un faible pour les Maghrébins bruns aux cheveux longs.

Il s’agit, certes, d’une somme de clichés et d’anti-clichés, que vous pouvez qualifier de «kitchs». Pour moi, ce sont des anecdotes qui m’ont ouvert la porte de la connaissance de l’autre. Un autre : espagnol, hongrois, américain, allemand, français ou chinois.

Un autre qui, comme moi, aime Paris, la Cité, les études, les voyages, la culture. Un autre qui répond «oui» à la question de George Sand : Nés sous des cieux différents, nous n’avons ni les mêmes pensées ni le même langage; avons-nous du moins des cœurs semblables?…

Il est 14h, je reviens à la bibliothèque. Sur le chemin du retour, je fais un petit détour du côté de la Maison du Japon pour observer l’évolution de son majestueux cerisier rose. Lors de ma petite promenade, je ne tarde pas à rencontrer le célèbre couple de canards amoureux de Montsouris. A leur rencontre, je me pose toujours la même question : comment ont-ils pu traverser la route submergée de vagues de voitures pour arriver à la Cité? Ne cherchez pas à savoir l’amour fait des miracles, même chez les canards !

Devant mes livres, les heures passent et mon dos se durcit, comme la pierre des statues de la Maison du Cambodge, ces deux lions au regard monstrueux que je contemple depuis mon aquarium de verre. C’est là que je décide de quitter la bibliothèque pour gagner ma chambre.

Le soir, je pars à l’assaut de Paris avec mes deux voisines. Au programme : une pièce qui me tiens à cœur : ‘‘Dom Juan’’ de Molière, jouée au théâtre de l’Odéon. Captivé par l’architecture de ce temple de la culture et séduit par l’élégance de mes deux complices de passion artistique, je vole au temps les plus beaux sourires et rires d’un moment qui me dépasse, me surpasse et me fait planer, là où même les anges n’osent pas s’aventurer….

De retour à la maison, dans la cuisine, la belle soirée continue avec les amis. Les tasses de thé et de jus de carotte continuent à apparaître et disparaître à un rythme alarmant. Ça parle d’art, de politique, d’amour, mais aussi d’études, d’examens, de la CAF – organisme qui rembourse aux étudiants une partie de leur loyer – et du titre de transport, le fameux Navigo qui arrive à échéance. Ça gesticule, ça débat, ça discute. Je prends part à cette agora de thèses, d’antithèses, d’arguments et parfois de bêtises et de plaisanteries, jusqu’au moment où la fatigue de la journée me renvoie dans les bras de Morphée, dans ma petite «boîte d’allumette », ma piaule de 12 m2.

Demain sera un autre jour.

A moi Paris.

* Par ces mots, je remercie la Cité internationale universitaire de Paris, notamment la Fondation d’Allemagne qui m’a accueilli chaleureusement durant ces trois dernières années et invite les étudiants tunisiens à s’y rendre pour découvrir cet endroit unique au monde, symbole de tolérance et de «vivre-ensemble».

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