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Tunis – Damas : Des parlementaires tunisiens à la manœuvre

La visite d’une délégation parlementaire tunisienne en Syrie fait débat en Tunisie. Soutenue par un grand nombre de citoyens, elle fait grincer les dents de certains politiques.

Par Abderrazek Krimi

Sur une initiative personnelle et sans concertation préalable avec le bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), un groupe de sept députés tunisiens, qui comprend Abdelaziz Kotti, Khemaies Ksila et Issam Matoussi de Nidaa Tounes, Mongi Rahoui et Mbarka Brahmi du Front populaire, Sahbi Ben Fredj du bloc Al-Horra et Noureddine Mrabti de l’Union patriotique libre (UPL), a effectué, depuis dimanche 19 mars 2017, une visite en Syrie durant laquelle elle a eu une série de rencontres notamment avec le vice-ministre syrien des affaires étrangères Faysal Mokdad, la présidente du Conseil du peuple (parlement) Hadiya Khalaf Abbas et le secrétaire général adjoint du parti Baath syrien, Helal Helal.

La responsabilité de Marzouki et de la troïka

Cette visite s’est achevée, hier, mercredi 22 mars 2017, par une rencontre avec le président Bachar Al-Assad, qui a porté sur la reprise des relations diplomatiques entre la Tunisie et la Syrie et la coopération entre les deux pays sur le dossier du terrorisme, notamment sur les jihadistes tunisiens détenus en Syrie.

D’après les premiers échos venus de Syrie, le président Al-Assad a exprimé son attachement à un retour rapide des relations diplomatiques tuniso-syriennes, étant donné les relations de fraternité et d’amitié qui ont toujours lié les deux peuples, indiquant dans ce contexte qu’il ne fera pas porter au peuple tunisien la responsabilité des erreurs commises par l’ex-président provisoire Moncef Marzouki et le gouvernement de la troïka, la coalition gouvernementale conduite par le parti islamiste Ennahdha, responsables de la rupture de ces relations en 2012 et de l’envoi de jeunes tunisiens pour renflouer les rangs des jihadistes en Syrie.

Cette visite, on l’imagine, n’a pas manqué de susciter une controverse en Tunisie. D’abord, le ministre des Affaire étrangères Khemaies Jhinaoui, a affirmé, lundi, aux médias que le groupe parlementaire n’a pas coordonné sa visite avec son département, laissant entendre qu’il s’agit d’une initiative qui n’engage que les députés et n’exprime pas la position officielle de l’Etat tunisien.

Blanchir le régime d’Al-Assad

De son côté, Othman Belhadj Amor, l’ancien secrétaire général du parti Baath tunisien, a dénoncé cette visite qui, selon lui, vise à «blanchir le régime d’Al-Assad des crimes qu’il a commis contre son peuple».

Comme on devait aussi s’y attendre, des dirigeants du parti Ennahdha ont critiqué cette visite qui, selon Zoubeir Chehoudi, le membre du conseil de la choura, «n’honore pas ces députés puisqu’elle vise à légitimer un président qui a tué son peuple».

L’ancien ministre des Droits de l’homme, Samir Dilou, a insisté, quant à lui, sur le caractère personnel de cette visite qui, selon lui, «n’engage d’aucune manière l’Etat tunisien».

Cependant, cette visite a été saluée par d’autres parties qui y ont vue l’ébauche d’une diplomatie parlementaire active, considérant que le rôle du député n’est pas uniquement législatif et que ce dernier doit aussi influencer les choix de la politique étrangère et inciter le pouvoir exécutif à agir dans un sens ou un autre dans certains dossiers.

Ces parties ont estimé aussi que cette initiative parlementaire exprime la position d’une grande partie du peuple tunisien, qui a condamné la décision de suspendre les relations diplomatiques avec la Syrie, prise de manière impulsive et irréfléchie par M. Marzouki, en 2012. En d’autres termes, en tant que représentants du peuple, les députés sont dans l’exercice de leurs prérogatives puisqu’ils se sont rendus en Syrie pour représenter le peuple tunisien et non son gouvernement.

Cependant, et indépendamment de cette divergence de vues, il devient de plus en plus évident que le dégel des relations diplomatique tuniso-syriennes est actuellement nécessaire, ne fut-ce que pour identifier les réseaux terroristes et les mettre hors d’état de nuire.

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