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Rencontre à Tunis : Serge Halimi pointe les dérives des médias

Le journaliste et écrivain français Serge Halimi était à Tunis, samedi dernier, 25 mars 2017, pour parler de l’oligarchie médiatique en France et ailleurs.

Par Fawz Ben Ali

«L’oligarchie médiatique est-elle soluble dans la démocratie?», telle était la question que Serge Halimi s’était posé en 1997 dans son livre ‘‘Les nouveaux chiens de garde’’, actualisé en 2005 et adapté plus tard en 2012 au cinéma. Tel est également le thème de sa rencontre avec le public tunisien à la Foire internationale du livre de Tunis et à l’Institut français de Tunisie (IFT). Il faut dire que 20 ans après la sortie de son plus grand succès dans les librairies (vendu à 250.000 exemplaires), la question s’avère plus que jamais d’actualité.

Le 1er ennemi des médias

Cette rencontre fût l’occasion d’écouter un discours qui ne rentre pas dans le moule du «politiquement correct» martelé par les «bien penseurs». Serge Halimi fait partie de ceux qui ne mâchent pas leurs mots, ce qui lui a valu d’être devenu l’ennemi numéro un des médias français.

En effet, ce journaliste très controversé est totalement exclu, et notamment des plateaux-télé, depuis la parution de son ouvrage ‘‘Les Nouveaux chiens de garde’’, ce qui semble plutôt le réjouir encore aujourd’hui.

Serge Halimi

Lors de ses deux conférences à Tunis, modérées par le journaliste tunisien Thameur Mekki, Serge Halimi a maintenu sa position de considérer les représentants du 4e pouvoir (journalistes, éditorialistes, animateurs…) comme «les nouveaux chiens de garde», une expression empruntée à l’essai de Paul Nizan ‘‘Les chiens de garde’’ (1932), dans lequel ce dernier dénonçait les intellectuels de l’époque qui jouaient aux gardiens de l’ordre établi. Huit décennies plus tard, Halimi explique que «ces chiens de garde» sont encore parmi nous, plus influents que jamais, il s’agit des «stars du paysage médiatique».

Le documentaire scandale

Dans le documentaire éponyme dont il est coscénariste, projeté à l’occasion à l’IFT, Serge Halimi n’hésite pas à pointer du doigt les plus grandes vedettes de la profession (Claire Chazal, Arlette Chabot, Michel Drucker…). A sa sortie, le documentaire avait fait scandale en France bien plus que le livre.

Aujourd’hui encore, Halimi s’alarme sur une déformation de la réalité, une perte de liberté de parole et de sens critique et une censure ou autocensure dans la presse écrite et surtout dans les médias audio-visuels, ce qui conduit inévitablement, selon lui, à la montée de la pensée unique. Dans son déchiffrage de ces dérives, il parle d’un résultat logique et évident de la détention des médias par les quelques groupes industriels puissants, «l’information ne peut qu’en être pervertie», dit-il.

Serge Halimi

La perversion de l’information

Selon Serge Halimi, les trois grandes valeurs du journalisme, qui sont l’indépendance, l’objectivité et le pluralisme, sont loin d’être garanties. Bien que le nombre de chaînes de télévision, de radios et de journaux aient augmenté ces dernières années, les messages véhiculés restent les mêmes, d’autant plus que les experts politiques et économiques qu’on invite aux débats publics, tout comme les journalistes qui les interviewent, jouissent d’une proximité non avouée des hommes de pouvoir.

Comme il est si bien démontré dans le documentaire, les stars des médias aspirent à «gravir les échelons» et à assurer une place privilégiée dans le cercle des «happy few». Une connivence qui ne permettra jamais aux journalistes d’exercer leur métier indépendamment des influences, tranche-t-il.

Serge Halimi a précisé qu’à l’époque où il avait écrit ‘‘Les nouveaux chiens de garde’’, Internet n’avait pas encore le pouvoir qu’il a aujourd’hui. La perversion de l’information et de l’image est de plus en plus considérable avec l’apparition de nouveaux groupes industriels qui régissent les entreprises de services technologiques, les portails web ou encore les réseaux sociaux.

Interrogé sur l’image qu’occupe la Tunisie dans les médias français, Serge Halimi a répondu que, malheureusement, la Tunisie tout comme le reste des pays arabo-musulmans n’occupe le champ médiatique que lorsqu’un attentat survient. Si par malchance le terroriste est d’origine maghrébine, là, on s’en servira à cœur joie pour marteler la question de l’immigration, de l’islam et de l’identité.

 

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