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L’Etat en Tunisie : Ennemi à abattre ou vache à traire ?

Manifestations à El-Kamour, à Tataouine. 

A propos des policiers brûlés à Bir Lahfay, Sidi Bouzid, jeudi 22 juin 2017, lors d’affrontements entre des habitants.

Par Chokri Mamoghli *

Dans de larges parties de la Tunisie, du nord au sud, de l’est à l’ouest, le sentiment d’appartenance nationale n’existe presque plus.

L’Etat est considéré comme l’ennemi à abattre ou, au mieux, la vache à traire. C’est une entité floue, externe voire étrangère.

«El-hakem» (le gouvernant) est haï, craint (mais de moins en moins), envié, méprisé. Rares sont les Tunisiens qui assimilent, vraiment, la vraie essence de l’Etat et qui comprennent la nature du «contrat social» qui nous lie, les uns aux autres…

Que ce soit à Bir Lahfay, El-Kamour, Kebili ou ailleurs, la seule appartenance ancrée dans les esprits semble être celle au clan, à la tribu («ârch»). Et même dans les parties du territoire où cette appartenance tribale s’est estompée, comme dans les grandes villes, on se rabat sur l’appartenance territoriale (quartier…).

Il faut être lucide et comprendre que, dans une large mesure, nous sommes effectivement «une poussière d’individus», dont Bourguiba avait voulu faire une nation unie. Aussi, dès que l’Etat montre des signes de faiblesse, tel un corps malade, il devient l’objet d’attaques diverses et d’agressions multiples, et cesse d’être la force centripète qui agglomère, qui renforce, qui cimente.

Cette désagrégation nationale ne peut être combattue à long terme que par l’éducation et par la mise en oeuvre de mécanismes de solidarité alternatifs, efficients et visibles.

Des policiers brûlés dans leur voiture à Bir Lahfay. 

Dans le court terme, et pour être persuasif, l’Etat doit montrer sa force «brute», «physique», «répressive», de manière à imposer la crainte et le respect. C’est le seul moyen intelligent qui permettra à nos gouvernants de ne pas être contraints à l’utiliser plus souvent et d’éviter ainsi la violence et la contre-violence.

Cela est paradoxal, mais c’est ainsi. En attendant que la population comprenne enfin que la démocratie n’est pas la dictature de la minorité et encore moins le règne du chacun pour soi et de l’anarchie collective.

* Docteur en finance, enseignant à l’Université Paris-Dauphine et ancien secrétaire d’État auprès du ministre du Commerce et de l’Artisanat.

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