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Les 6 leçons de vie d’un chauffeur de taxi tunisien à Chicago

La Tunisie n’exporte pas que des djihadistes. C’est ce que l’auteur, expert en ressources humaines, a découvert au hasard d’un déplacement en taxi à Chicago.

Par Bruce Roselle *

En voyage pour affaires à Chicago, j’ai pris un taxi de l’aéroport pour rejoindre mon client en centre-ville. Durant le voyage, mon échange avec le chauffeur qui me conduisait s’était limité à la mention de l’adresse de ma destination.

Une fois que mes réunions de travail se sont achevées, je me suis précipité vers la rue à la recherche d’un taxi pour prendre le chemin du retour. Au coin de l’avenue, un taxi était garé. Et lorsque j’ai ouvert la portière pour y accéder, j’ai découvert qu’après des rencontres qui ont duré plus de quatre heures j’avais à faire à la même voiture de location et au même conducteur qui m’ont déposé ici. Lui aussi, le chauffeur m’a tout de suite reconnu.

Nous étions tous les deux étonnés par cette coïncidence. Mais il m’a expliqué que «c’est Dieu» qui a voulu qu’il en soit ainsi. Il m’a également avoué que les courses pour l’aéroport sont nettement plus lucratives que les courts déplacements en ville, même s’ils sont nombreux, et que, aujourd’hui, il avait une chance inouïe d’avoir décroché deux longues courses aussi juteuses.

C’est là que mon regard s’est attardé sur la licence de chauffeur de taxi et que j’ai noté qu’il se prénommait Walid.

Cette fois-ci, sur le chemin du retour vers l’aéroport où le trafic était dense et la circulation lente, nous avions eu l’occasion d’engager une conversation. C’est ainsi, par exemple, que j’ai appris que Walid venait de Tunisie et qu’il souhaitait s’installer définitivement aux Etats-Unis, car dans son pays les choses n’allaient pas bien pour lui. Il y a six ans, il a tenté sa chance et il a été sélectionné par tirage au sort pour un séjour aux Etats-Unis lui accordant un permis de travail temporaire. A présent, il ne lui reste plus que quelques semaines avant de passer un examen afin d’obtenir légalement la citoyenneté américaine.

Walid est marié à une Tunisienne et il est père d’une petite fille – toutes deux sont restées en Tunisie et il leur rend visite chaque fois qu’il le peut, parfois même plusieurs fois durant la même année. Avec le manque d’emplois et la rareté des opportunités au pays, la famille élargie de Walid a du mal à joindre les deux bouts.

C’est une histoire triste qui collait parfaitement avec le ciel gris de Chicago – cette ville où l’on ne compte plus les familles brisées et séparées et où les années de dur labeur et de privations sont le pain quotidien de millions de personnes. Cependant, ce qui m’a frappé chez Walid c’était sa bonhomie, son sourire contagieux et son attitude positive.

Créer de nouvelles opportunités

Ce chauffeur de taxi tunisien est un diplômé de l’enseignement supérieur, mais il s’est trouvé contraint par la force des choses à quitter son pays natal pour grappiller le peu d’argent qu’il peut trouver aux Etats-Unis et espérer y décrocher de longues courses. Et il est souriant.

Son épouse et sa fille lui manquent terriblement, mais il reconnaît que son but dans la vie est bien plus grand que cela et cet objectif est à plus long terme: il s’agit pour lui d’offrir à sa chère fille une vie meilleure.

Il sourit, avec une petite larme qui coule de son œil. Il habite un petit appartement dans un quartier moche de la ville, mais il s’agit d’un endroit où les prix pour toutes choses sont des centaines de fois moins élevés que dans le centre-ville. Il sourit une nouvelle fois à la pensée de donner, un jour, à sa famille une existence meilleure.

Lorsqu’il m’a déposé à l’aéroport, Walid, affichant un large sourire, me serra la main et je lui ai souhaité la bénédiction de Dieu, à lui et à sa famille. Il m’a remercié et nous nous sommes quittés, sachant que je ne le rencontrerais probablement plus jamais.

Pendant une bonne partie de mon voyage de retour, j’ai pensé à ce chauffeur de taxi tunisien et j’ai réalisé que Walid est une personne à propos de laquelle il ne m’a pas été donné de lire, une personne que je ne pouvais pas croiser dans ma vie de tous les jours…

Bref, ce déplacement en taxi, à n’en pas douter, a été un moment exceptionnel pour moi. C’était une brève incursion dans la vie d’une personne que je n’aurais jamais rencontrée autrement. C’était une expérience d’un degré de discernement chez l’être humain que ma carrière professionnelle ou autre ne m’aurait jamais donné l’occasion de connaître.

C’est ainsi que cette rencontre avec Walid m’a enseigné les leçons suivantes:

1. Garder le moral

Bien sûr, à mes yeux, la vie de Walid est très difficile – quitter son pays, sa famille et sa fille pour travailler dans un pays étranger; avoir à apprendre une nouvelle langue et accepter un emploi inférieur à son diplôme universitaire; se contenter d’un logement ne répondant pas nécessairement aux normes minimales et peiner pendant de très longues heures tous les jours.

Pourtant, ce faisant, Walid semble avoir découvert que la vie et le travail vont nettement mieux lorsqu’on y met le sourire et que l’on investit dans nos rapports avec autrui de la chaleur et de l’énergie.

2. Se concentrer sur les priorités de la vie

Les priorités de Walid sont claires: envoyer à sa femme, sa fille et les autres membres de sa famille restés en Tunisie le soutien financier dont ils ont besoin. Il a également pu faire quelques économies pour leur rendre visite en de nombreuses occasions. Et à chacune de ses rencontres avec les siens, il leur exprimait son amour et son dévouement pour eux.

Son travail et sa carrière sont importants, mais s’être expatrié pour répondre aux besoins de sa famille et tenter de leur offrir un meilleur avenir sont des objectifs encore plus importants pour Walid.

3. Rester patient

Walid a attendu six années avant de pouvoir passer son épreuve d’obtention de la citoyenneté américaine. Chacune de ces années a représenté pour lui un obstacle qui le séparait de sa famille. Et pourtant, il a fait preuve d’une étonnante et inhabituelle patience et d’une inégalable foi qui finiront par lui permettre de surmonter tous les obstacles.

Il était prêt à tenter de franchir la dernière haie – l’épreuve – dans les deux prochaines semaines. Je suis sûr que même s’il est recalé, il attendra encore patiemment la prochaine épreuve.

4. Etre reconnaissant pour les bienfaits de la vie

J’ai demandé à Walid s’il bénéficiait d’une quelconque assistance publique ou autre forme d’aide sociale et, bien qu’arborant le même sourire, il m’a semblé un peu offensé que je lui pose pareille question. «Oh, non, me répondit-il. Je savais que je pouvais obtenir quelque soutien financier, mais il y a beaucoup d’autres personnes qui en ont plus besoin que moi. Personnellement, je suis bien comme je suis. Cette assistance ne m’aurait rien apporté de plus.»

Quelle attitude positive!

Ce comportement nous rappelle celui des premières vagues de migrants pour qui les Etats-Unis étaient une terre de possibilités et qui étaient heureux d’avoir la chance d’y vivre.

Faisant le bilan de ces 40 minutes que j’ai passées avec Walid, j’ai été profondément touché et inspiré par le parcours de cet homme.

Je souhaite que vous l’êtes aussi.

Chronique traduite de l’anglais par Marwan Chahla

*Depuis plus de 25 ans, Bruce Roselle a été expert en besoins organisationnels d’entreprise, développement de leadership, coaching de cadres et évaluation psychologique. En tant qu’auteur, conférencier et encadreur, Roselle participe fréquemment à des séminaires professionnels et des manifestations du monde des affaires. Et ses opinions sur les questions de leadership sont très largement relayées par les médias aux Etats-Unis et à travers le monde. Son livre, ‘‘Fearless Leadership’’ (Leadership courageux), publié en 2006, lui a valu des prix comme Meilleur livre d’affaires et Meilleur livre de développement personnel. Son nouveau livre, ‘‘The Fraud Factor’’ (Le facteur fraude), est paru en mai dernier.

**Seuls quelques courts extraits de cette chronique n’ont pas été traduits.

Source: ‘‘BizJournals’’.

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