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Bloc-notes : L’UGTT dessert la cause palestinienne dans l’ affaire Boujenah


Noureddine Taboubi (SG de l’UGTT)/Michel Boujenah.

Par son communiqué réclamant l’annulation du concert de Michel Boujenah à Carthage au nom de la cause palestinienne, l’UGTT incarne mal sa vocation et dessert la cause dont elle se réclame.

Par Farhat Othman *

Un syndicat, même doté de la spécificité de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) en Tunisie ne saurait s’immiscer dans la politique culturelle d’un pays sortant qui plus est de la dictature, renouant avec la liberté d’expression, reniant l’indignité de la censure d’antan.

Outre le ministère compétent dans le cadre des orientations générales du gouvernement, la venue ou non en Tunisie d’un artiste ne doit obéir qu’au goût du public. Or, les Tunisiens ont déjà, en grande partie, plébiscité la venue de Michel Boujenah qui n’est que l’un des leurs, tous les billets du spectacle ayant été et déjà vendus.

De plus, la raison invoquée par le syndicat est foireuse, sa malheureuse initiative ne servant vraiment pas la cause palestinienne, mais la desservant bel et bien, allant dans le sens du commerce devenu exécrable qu’on fait du martyre des frères palestiniens. Car la diabolisation d’Israël n’a servi et ne sert qu’à déposséder encore plus les Palestiniens de leur légitime droit à la paix et à leur État dans le cadre de la légalité internationale désormais reniée par Israël du fait même de l’attitude arabe.

Une pratique dévergondée du syndicalisme

Le syndicalisme en Tunisie ainsi qu’incarné par le grand Farhat Hached est plus que du syndicalisme, puisqu’il est enraciné dans la vie du pays, ayant donc bien vocation à embrasser tous les aspects de la vie citoyenne, non seulement l’action syndicale au sens strict du terme.

Cette vision holiste n’est toutefois pas celle dont usent les héritiers actuels de Hached, leur pratique oubliant l’essentiel du legs du grand syndicalise, à savoir l’intérêt en premier de la patrie. L’action de l’UGTT en la matière, comme en d’autres parfois, est dévergondée, ne prenant pas en compte l’intérêt de la Tunisie.

En appelant à annuler le spectacle d’un artiste qui est, outre, le fait d’être un enfant du pays est le chouchou du public, en est la plus parfaite illustration. Où est l’intérêt de la patrie dans l’appel du syndicat à renouer avec la plus mauvaise action en matière de culture qu’est la censure? Où est l’intérêt de la Tunisie dans un tel signe négatif adressé aux amis du pays voulant se rendre chez nous en ce début de saison estivale et qui préféreraient se détourner d’un pays où l’art est censuré?

La cause palestinienne desservie

Certes, l’UGTT invoque la cause palestinienne qui est, assurément, sacrée et chère aux Tunisiens, comptant aussi en cause parfaitement nationale. Mais le syndicat la sert-il vraiment? Bien au contraire, il dessert la noble cause qu’il prétend servir!

En effet, servir la cause de Palestine ne doit plus se limiter à reproduire les erreurs du passé, responsables de l’impasse actuelle, encourageant l’intransigeance d’Israël. Agir en faveur de la cause palestinienne ne doit pas relever d’un commerce honteux avec la cause en se limitant aux slogans dénonçant le sionisme et l’injustice des régimes politiques d’Israël. C’est bel et bien une telle attitude stérile qui nourrit l’arrogance de cet Etat au point qu’il se donne le droit de ne plus reconnaître le droit international, pourtant à la base de sa propre existence.

D’ailleurs, Israël tire avantage du boycott arabe pour se transformer aux yeux du monde de l’agresseur qu’il est devenu en agressé qu’il n’est plus. Aussi, continuer à ne pas le reconnaître en le traitant de simple entité, c’est tout bêtement servir sa propre stratégie consistant dans le maintien du statu quo.

Pendant ce temps, les Palestiniens continuent de souffrir dans des camps alors qu’ils ont le droit international pour eux à un État! Faut-il s’en réclamer et ne pas le violer! Or, il impose non pas le boycott d’Israël, mais sa reconnaissance, dont il peut se passer puisque cela va dans le sens de sa stratégie faisant tout pour que rien ne bouge dans l’injustice actuelle. Or, c’est en rappelant la légalité internationale de 1947 et la nécessité d’y revenir que l’on sert vraiment la cause palestinienne, la paix ne se faisant qu’entre deux parties qui se parlent.

La paix des braves impose que les Arabes osent enfin le courage de reconnaître Israël pour pouvoir exiger de lui de se soumettre au droit international, son acte même de naissance. Continuer à ne pas reconnaître l’existence d’Israël qui est de droit, c’est développer une politique inepte niant de fait l’État palestinien, pourtant jumeau monozygote d’Israël. Or, cela arrange les plus intransigeants en Israël!

Les Palestiniens ont d’ailleurs compris qu’il ne sert à ring de continuer à agiter des slogans creux au lieu d’agir et ont normalisé leurs relations avec l’ennemi d’hier; serions-nous plus patriotes, pour leur cause, que les premiers intéressés?
Récent lauréat du prix Nobel, l’UGTT devrait méditer cela, car son expérience au service de la paix sociale en Tunisie devrait lui être utile pour la paix en terre palestinienne. Qu’elle rectifie donc le tir en appelant au retour à la raison par l’établissement de relations diplomatiques avec Israël dans le cadre d’un droit international enfin reconnu et appliqué. Elle ne fera alors que ce que la Tunisie a été bien précurseure à dire, et qui a constitué le meilleur du legs de Bourguiba en matière diplomatique. Il serait temps d’y revenir !

L’affaire insensée faite à Michel Boujenah aura alors servi à sortir la cause palestinienne de son actuelle impasse, non à la desservir; et ce sera donc une double bienvenue chez lui à l’enfant de Tunisie!

* Ancien diplomate.

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