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Résistance et répression : Le cercle vicieux au Proche-Orient

Détecteurs de métaux installés aux entrées de l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, dimanche 16 juillet 2017 (Ph. Reuters).

Contre tout acte de résistance, Israël répond par des punitions collectives, qui ne font en réalité qu’entretenir la haine et la frustration d’où naîtront d’autres actes de résistance.

Par Dr Mounir Hanablia *

Curieux comme le fait d’évoquer les informations qui ne cessent d’affluer sur les événements du Moyen Orient déclenche désormais chez certains une hostilité épidermique et souvent sémantiquement aberrante.

Puissance occupante et peuple occupée

Les raisons invoquées, pour peu qu’elles le soient, sont multiples. Elles vont de la nécessaire neutralité vis-à-vis d’un conflit entre deux pays étrangers (sic !) qui ne nous concerne pas, de l’intérêt qu’aurait la Tunisie d’attirer les investissements juifs, de profiter de l’aide et du savoir-faire israéliens (re-sic !) en matière de développement et de sécurité comme le font beaucoup d’autres pays arabes, à celle de s’intégrer dans le monde civilisé en se débarrassant des séquelles psychologiques d’une religion accusée par ses détracteurs d’être fondamentalement terroriste, responsable de tous les sous-développements, quand ce n’est pas de constituer le cheval de Troie de l’islamisme politique.

La raison la plus pragmatique invoquée pour justifier la nécessité de ce désengagement psycho-émotionnel vis-à-vis d’un conflit qui a déjà fait beaucoup de dégâts est que les Arabes n’ont jamais été, et ne sont pas, capables de gagner la guerre et qu’ils doivent simplement en prendre acte en étant réalistes, en établissant une paix sans conditions, une paix de capitulation.

L’anomalie est que ceux qui se font toujours, contre vents et marées, les thuriféraires de la cause palestinienne se voient accuser d’une manière assez irresponsable de faire l’apologie de la haine et du terrorisme, ce qui peut quand même leur valoir des poursuites judiciaires en vertu des lois anti-terroristes.

Est-ce que le fait d’être sentimentalement attaché à une terre vénérée par les fidèles des trois grandes religions monothéistes et à une cause symbolisant l’injustice fondamentale datant d’un siècle dont est victime un peuple auquel nous lient langue et civilisation, constitue une anomalie?

La glorification de la résistance et de l’épopée héroïque face à une entreprise coloniale incessante qui le spolie de ses droits politiques est-elle un fait de terrorisme?

Dans ces conditions, les Américains irlandais qui ont soutenu le combat de leur pays d’origine contre le colonialisme anglais s’en sont rendus coupables. Mais chez nous, d’aucuns le pensent, et il ne me paraît pas ici opportun de discuter d’une argumentation qui bien souvent ne fait que reprendre les éléments essentiels de la propagande la plus dure.

Contrairement à ce qu’elle prétend, on ne peut pas passer par pertes et profits une conscience de l’histoire datant de 1500 ans en particulier quand elle a trait à des lieux saints dont une puissance occupante ferme ou non l’accès à des fidèles d’une autre foi religieuse, ainsi que cela s’est passé il y a deux jours à Jérusalem après une attaque par armes à feu ayant entraîné la mort de deux policiers israéliens, le matin du vendredi 14 juillet 2017, jour de la prière hebdomadaire.

La particularité de cette attaque n’a pas été qu’elle ait été commise par trois Arabes israéliens, ainsi que l’avait rapporté la presse locale, pour remettre en question, une fois encore, une communauté éternellement suspectée de constituer la cinquième colonne, dont le loyalisme est toujours susceptible d’être remis en question pour couvrir les conséquences de la politique ethno-nationaliste de l’Etat israélien.

Elle n’a pas été non plus dans ses conséquences, l’interdiction de l’accès à l’esplanade des mosquées aux fidèles pour la prière du Vendredi, est paraît-il, en 50 ans d’occupation, une décision sans précédent. Cela constitue pourtant, eu égard au bilan des mesures de rétorsion ayant émaillé l’histoire de la ville, un véritable exploit.

Les Druzes seraient-ils les harkis d’Israël ?

Non, le fait saillant est que les policiers victimes fussent arabes, et que pour le camoufler on se soit obstiné à les qualifier du nom de leur communauté religieuse, celle des Druzes.

En Israël les membres de cette communauté ne sont pas tenus en suspicion comme le sont les autres Arabes; ils sont obligés d’accomplir leur service militaire, et beaucoup le font dans les unités de gardes-frontières ou dans les unités de choc de la police. Cela témoigne pourtant beaucoup moins d’un profil collaborationniste de cette communauté que d’une politique systématique de l’Etat colonialiste dont le but est de s’assurer des soutiens parmi les autochtones tout en en remettant en cause la cohésion.

Autrement dit, l’Etat d’Israël dispose lui aussi de ses harkis comme le firent naguère l’Etat français en Algérie ou les Britanniques en Inde. Pourtant la communauté druze a de tous temps été à la pointe de l’action nationaliste, en particulier dans la Syrie des années 20, lors de la révolte des cheikhs Marioud et Latrache.

Après l’annexion du Golan Syrien en 1967, les Druzes, principaux habitants du plateau, ont toujours été à la pointe du combat contre l’annexion des terres et la judaïsation, et surtout ils ont toujours refusé la nationalité israélienne.

Il ne faut pas non plus oublier le rôle crucial joué par les Druzes dirigés par la famille Joumblatt lors de la guerre du Liban dans la préservation des liens entre le Liban et le monde arabe, ainsi que l’alliance avec les combattants palestiniens.

Il serait donc erroné d’attribuer à des communautés plus de patriotisme que d’autres, ou de considérer les actes de résistance d’un peuple privé de ses droits politiques, comme les manifestations d’un fanatisme religieux intrinsèquement lié à l’islam.

Contre tout acte de résistance des punitions collectives

La réalité est que comme toujours c’est la colonisation de la terre qui constitue aux yeux du droit international une violation de ses lois et qui empêche toute solution équitable du problème palestinien. Et il en découle contre tout acte de résistance des punitions collectives dont la fermeture des mosquées ne constitue que l’un des aspects et qui ne font en réalité qu’entretenir la haine et la frustration d’où naîtront d’autres actes de résistance.

Faut-il faire la paix avec un tel Etat sous le prétexte que nous ne serions pas Arabes, mais berbères? Bourguiba avait toujours refusé de reconnaître les régimes racistes d’Afrique du Sud et de Rhodésie, bien qu’à priori, et selon l’une des logiques qui prévalent ici et à laquelle je ne souscris pas, il eût pu ou dû le faire; rien en effet à priori ne nous lie aux Zulus , aux Xhosas, ou aux Matabélés, mis à part la solidarité humaine. Bourguiba avait, il faut l’avouer, le sens de la dignité et de la grandeur. C’est vrai qu’il avait préconisé la paix entre Arabes et Israéliens en 1965, mais sur la base des résolutions internationales, il ne faut pas l’oublier.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

 

 

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