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Arabie saoudite: Dame qui ose, cheikhs moroses

Le Roi Salmane / Et celle par qui le scandale arrive. 

Le premier devoir d’un musulman, aujourd’hui, serait de boycotter les lieux saints jusqu’à ce que l’usurpation politique qui les frappe, nuisible pour tous les musulmans, cesse.

Par Dr Mounir Hanablia *

Il y a quelques jours, une jeune femme a fait le buzz en Arabie Saoudite en se faisant filmer de dos les cheveux défaits et la jupe courte, en train de s’éloigner dans  un fort à l’extérieur de la capitale, Riyad.

La police a lancé une enquête pour essayer de déterminer l’identité de cette femme; elle a interrogé un certain nombre de suspectes, mais jusqu’à présent sans succès; la «coupable» demeure pour le moment inconnue.

Un insupportable acte de défi

Pourquoi cette affaire a-t-elle soulevé un tel intérêt dans Royaume  des Chameaux? C’est que là-bas les femmes ne peuvent pas sortir seules dans la rue sans être sous la garde d’un mâle, et naturellement, elles ne peuvent le faire qu’en étant couvertes de la tête aux pieds selon la mode wahhabite.

Cette sortie à découvert en complète violation des règles ayant cours dans le Royaume a constitué un acte de défi insupportable pour tous les tenants du conservatisme social le plus rigide, et ils sont nombreux là-bas.

La police saoudienne cherche toujours l’audacieuse dame qui a osé commettre ce crime de lèse-majesté.

Or, apparemment, la récente visite de la famille Trump a laissé beaucoup de séquelles et d’interrogations dans les esprits. Melanie et Ivanka, habillées d’une manière moderne en totale opposition avec les normes imposées par le protocole, avaient néanmoins côtoyé comme des hommes le Roi et les plus hauts dignitaires sans que ceux-ci n’eussent osé soulever la moindre velléité d’objection. Mais ces deux nobles dames n’étaient pas venues pour parler du sort de leurs consoeurs saoudiennes, ce n’était même pas là le cadet de leurs soucis, et elles sont vite parties en Israël dont elles se sentaient bien plus proches.

Pour les fanatiques saoudiens, le gouvernement a sacrifié les principes intangibles de la religion afin d’accéder aux désirs des associationnistes, ce qui remet en question sa légitimité.

Le gouvernement entre le marteau  et l’enclume

Pour les modernistes, maintenant que le gouvernement a publiquement fait entorse aux règles imposées aux Saoudiennes, il n’a plus aucune autorité morale ni même légale à vouloir régenter leurs vies comme il l’a toujours fait jusque-là en assurant obéir aux règles de l’islam.

Bref le gouvernement saoudien se trouve brusquement pris entre le marteau et l’enclume, et ce à un moment particulièrement critique où il n’arrive pas à concrétiser les objectifs assignés à la guerre du Yémen, où il impose un embargo au Qatar, et où ses liens avec Israël et l’Egypte se resserrent (construction du pont du détroit de Tiran).

Evidemment cette réaction crispée du  gouvernement, à la suite de ce que beaucoup considèrent ici comme une provocation, marque bien en réalité sa volonté de garder les choses en l’état, et sa crainte de tout changement social majeur qui pourrait remettre en cause au niveau de la rue la forme du régime politique actuel. Mais mis à part le maintien des équilibres internes du Royaume, l’un des enjeux majeurs expliquant cette attitude saoudienne rigide est bien évidemment celui de garder cette aura de sainteté lui assurant chaque année le déferlement de plusieurs millions de pèlerins musulmans, d’où il tire finances, prestige et influence.

C’est vraiment à ce niveau que le bât blesse au sein du monde musulman; les millions qui se rendent chaque année au pèlerinage n’ont aucune exigence concernant d’éventuels changements chez leurs hôtes; ils ne s’intéressent à aucune exigence de progrès au sein de la société qui les accueille; ils peuvent subir les conséquences des négligences les plus graves entraînant la mort de plusieurs milliers de personnes, sans broncher, parce qu’ils considèrent méritoire de mourir en terre sainte.

Ivanka Trump habillée d’une manière non conforme aux normes imposées par le protocole saoudien. 

Personne n’a critiqué la manière avec laquelle une ville si particulière comme la Mecque, qui eût dû bénéficier d’un style architectural conforme à son histoire, a été transformée en une cité à l’américaine composée de Malls et d’hôtels, et où la Kaâba semble écrasée par la masse imposante des bâtiments qui l’entourent. Un véritable désastre architectural dont personne ne parle. Pourtant la Kaâba et le tombeau du prophète ne sont pas la propriété de la famille Al Saoud mais celle de tous les musulmans, et ces derniers seraient d’autant plus en droit d’exiger des changements que chaque année ils contribuent d’une manière plus que substantielle à l’équilibre budgétaire du Royaume.

Le soutien indéfectible des Etats Unis

Il ne faut cependant pas se leurrer, si un tel régime politique archaïque, adepte des châtiments corporels et de l’aliénation féminine, continue de perdurer malgré le soutien qu’il a apporté à l’organisation terroriste de l’Etat islamique (Daêch), et aux destructions dont il a été responsable au Yémen, c’est bien grâce au soutien indéfectible dont il a continué de bénéficier de la part des Etats Unis d’Amérique depuis le fameux pacte du Quincy.

Pendant la guerre du Golfe en 1991, les femmes soldats américaines ont sillonné le royaume en conduisant des camions et des avions, mais cela n’a en réalité eu aucune conséquence sur ce régime politique sclérosé dont la seule raison d’être soit le contrôle du marché du pétrole par les grandes sociétés américaines.

Il faudrait que les peuples musulmans se réveillent : comment peuvent-ils accepter de se saigner financièrement et d’aller accomplir le pèlerinage alors que des musulmans sont tués par d’autres musulmans, que le peuple palestinien est en voie de disparition, que la Syrie, le Yémen et la Libye n’en finissent pas de mourir?

Dans les conditions qui prévalent aujourd’hui, le premier devoir d’un musulman serait de boycotter les lieux saints jusqu’à ce que l’usurpation politique qui les frappe, nuisible pour la totalité des peuples musulmans, cesse, et que la société qui y réside évolue et cesse de voir dans une simple jeune femme qui n’aspire qu’à vivre en dehors du carcan insupportable de règles médiévales, une menace nécessitant les plus grandes rigueurs.

Ainsi que l’a dit Trump, c’est aux musulmans de se débarrasser des terroristes. Et on pourrait ajouter: en particulier quand c’est lui qui les soutient.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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