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Enquête : Tunisie Telecom, un autre butin d’Ennahdha ?

Après avoir mis la main sur les télécommunications, Ennahdha veut mettre l’un de ses hommes à la tête d’un fleuron du secteur : Tunisie Telecom.

Par Hassen Mzoughi

Le ministre des Technologies de la Communication et de l’Economie numérique, Anouar Maârouf, aurait empêché le président du conseil d’administration de Go Malta et Pdg de Tunisie Telecom (l’actionnaire majoritaire) de participer à la réunion du conseil prévue pour jeudi 27 juillet 2017, à Malte, en refusant de signer son ordre de mission.

L’information a été révélée, dans un post Facebook du secrétaire général de la Fédération tunisienne des télécommunications, relevant de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Mongi Ben M’Barek, tard dans la soirée de jeudi à vendredi 28 juillet 2017.

Anouar Maarouf.

Pousser le Pdg à la démission

M. Ben M’Barek estime que cet «empêchement» n’est pas un «incident isolé». Selon lui, le ministre aurait, également, retardé «illégalement» la tenue du conseil d’administration de Tunisie Telecom, ce qui a bloqué la prise de décision pour divers dossiers notamment des appels d’offres urgents, des dossiers concernant la compétitivité de l’opérateur ainsi que des promotions et primes pour les employés.

Le syndicaliste indique, aussi, que le ministre aurait accordé une autorisation à un quatrième opérateur télécoms spécialisé en infrastructure et qui viendrait concurrencer directement l’opérateur national.

Mongi Ben M’Barek estime qu’à travers ces pratiques le ministre essaye de «faire main basse sur Tunisie Telecom, notamment en nommant un Pdg, partisan de son parti politique, Ennahdha».

M. Ben M’Barek souligne que la Fédération tunisienne des télécommunications, «fait porter au ministre la responsabilité du blocage de Tunisie Telecom et de la menace faite à sa compétitivité». Elle appelle, également, à «mettre fin aux menaces et aux pressions, faite à l’actuel Pdg de Tunisie Telecom» pour l’obliger à présenter sa démission. Manœuvre qui avait déjà réussi avec ses trois prédécesseurs Mokhtar Mnakri, Ali Ghodhbani et Salah Jarraya.

Il y une autre victime des manoeuvres nahdhaouis, l’ex-ministre de la Communication et de l’Economie numérique, Noomane Fehri, qui avait été éjecté de son poste à la faveur de la mise en place du gouvernement d’union nationale, en août 2016, alors qu’il avait fait du bon travail à la tête du secteur, selon la plupart des professionnels.

«Nous sommes prêts à toutes les éventualités», a averti le syndicaliste. «Ce sera notre réponse à toute tentative de mainmise sur l’entreprise. Tunisie Telecom est une entreprise nationale et le restera», avertit-il.

Jugeant très précaire la situation à l’entreprise et ses filiales, le secrétaire général de la Fédération tunisienne des télécommunications annonce une grève sectorielle générale lundi 31 juillet et mardi 1er août au Centre d’études et de recherche des télécommunications (Cert) et un rassemblement de protestation jeudi 3 août à l’Office national de télécommunication (ONT).

Hatem Boulabiar.

Des hommes proches d’Ennahdha

En août 2016, Ennahdha a tenu à obtenir le poste de ministre des Technologies de la Communication et de l’Economie numérique, non pas pour l’intérêt économique national, mais pour des raisons partisanes. Le secteur est extrêmement stratégique (écoutes, archives digitales nationales, bases de données, etc.). Le contrôle légal du web dépend aussi de ce ministère.

C’est donc à un homme proche d’Ennahdha, Anouar Maârouf, que Youssef Chahed a confié ce ministère.

C’est aussi un autre proche du parti islamiste, Habib Dabbabi, soutenu directement par Rched Ghannouchi, qui a été nommé secrétaire d’Etat à l’Economie numérique.

Ennahdha, qui avait fait des mains et des pieds pour le contrôle du ministère des Finances (les islamistes ont beaucoup de cash mal acquis qu’ils cherchent à injecter dans le système financier national pour le blanchir, disent les mauvaises langues), ainsi que celui du Commerce et l’Industrie, dont l’actuel titulaire, Zied Ladhari, laisse le marché parallèle se développer, a mis la main aussi sur le secteur économique actuellement le plus juteux à savoir les technologies de la communication et l’économie numérique, qui sont désormais dirigés par deux de ses membres.

Quant on sait que Tunisie Telecom, Ooredoo et Orange sont l’épine dorsale du secteur des médias et du sponsoring sportif en Tunisie, avec un budget qui oscille entre 80 et 100 millions de dinars par an, on comprend aussi l’intérêt qu’a Ennahdha dans le contrôle direct de ce secteur: elle veut aussi imposer son contrôle, indirect, sur les médias.

Le ministre exerce une tutelle directe sur Tunisie Telecom et un contrôle indirect sur les deux opérateurs privés Ooredoo et Orange. Au-delà des associations et des médias pro Ennahdha qui pourrait profiter de cette manne, c’est le patrimoine de Tunisie Telecom qui excite aussi les appétits et attise les convoitises.

Le contrôle du web n’est plus du ressort du ministère de l’Intérieur. Il a été transféré sous tutelle des TICs lorsque Mongi Marzouk (apparenté Ennahdha) était ministre des TICs et Ali Larayedh chef du gouvernement. La reprise en main de l’Agence tunisienne d’internet (ATI) fait partie des priorités nahdhaouis. Elle c’est d’ailleurs déjà un fait acquis, puisque l’actuel DG de l’ATI ne refuse rien aux Nahdhaouis.

Des rôles bien répartis 

On sait maintenant que ces deux hommes, Maârouf et Dabbabi, ont mené et financé avec un troisième larron, en l’occurrence Hatem Boulabiar, la campagne Facebook contre le rachat de Go Malta par TT. Boulabiar à l’Utica, Dabbabi en back-office et Marzouk au gouvernement.

Hatem Boulabiar, vous vous souvenez ! C’est un ancien islamiste tapi dans les coulisses du Congrès pour la république (CPR), ayant fait l’essentiel de son business avec son entreprise Get Wireless et qui par «bénédiction divine» gagne de plus en plus d’appels d’offre curieusement après son intégration au Majless Choura d’Ennahdha.

Le marché des décodeurs TNT avec une suspicion de connivence entre l’Agence nationale de fréquences (ANF), dont le DG de l’époque est teinté bleu, Sadok Toumi en l’occurrence, actuellement attaché au cabinet de M. Maarouf (sans doute une pure coïncidence!) et l’Ettissaliya, entreprise publique qui avait servi de leurre avant être écartée pour vice de forme… Une coïncidence sans doute aussi.

Sans oublier le marché des appareils de brouillage du réseau mobile avec le ministère de l’Education nationale, remporté par Get Wireless et dont les équipements se sont révélés défectueux. Le patron de Get Wireless, M. Boulabiar, est accessoirement le représentant de Turkcell en Tunisie et membre du bureau de la fédération des TICs de l’Utica.

Que fera Youssef Chahed pour contrer les manoeuvres des membres de son gouvernement qui suivent à agenda échappant totalement à son contrôle??

 

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