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Espérance de Tunis : Superpuissance africaine ?

Ressources financières, attractivité sportive, et centre de formation, l’Espérance semble bien armée pour régner sur le football africain pendant quelques années.

Par Karim Ghariani

Après avoir remporté son 27e championnat de Tunisie en mai dernier, l’Espérance sportive de Tunis a, samedi soir, 5 août 2017, soulevé sa troisième Coupe arabe des clubs en s’imposant en finale contre les Jordaniens d’Al Faisaly. Egalement qualifiée pour les quarts de finale de la Ligue des champions d’Afrique (LDC), l’équipe de Faouzi Benzarti s’impose ainsi aujourd’hui comme l’équipe africaine du moment tout en se donnant les moyens de ses (grandes) ambitions. De quoi rêver d’un nouveau triomphe continental?

Un des effectifs les plus riches du continent

Huit Espérantistes figuraient parmi les 23 convoqués par Nabil Maaloul pour disputer le dernier match des Aigles de Carthage contre la sélection égyptienne. Cinq parmi eux étaient d’ailleurs dans le Onze de départ pour cette rencontre, dont le seul buteur du match Taha Yassine Khenissi.

Ajoutez à ceux-là les Badri, Bguir ou encore Mbarki, et vous obtenez d’autres éléments potentiellement sélectionnables et ayant déjà porté les couleurs de la Tunisie.

Inutile de le préciser, l’ossature de l’équipe nationale tunisienne est, comme cela avait pu être le cas avec l’Etoile du Sahel il y a quelques mois, majoritairement composée de joueurs évoluant dans le club tunisois. Et si l’on rajoute à ces noms ceux de Franck Kom et de Fousseny Coulibaly, respectivement camerounais et ivoirien, on obtient un effectif composé de pas moins d’une quinzaine d’éléments ayant déjà porté les couleurs de leur sélection et qui se battent aujourd’hui encore pour une convocation.

Hormis Al Ahly de la très grande époque, dont l’effectif représentait une grande partie de la sélection égyptienne triple championne d’Afrique, ou encore le TP Mazembe, finaliste de la Coupe du Monde des clubs, rares sont les équipes africaines de l’ère moderne à pouvoir rivaliser avec de tels chiffres.

L’effectif de l’Espérance semble donc aujourd’hui complet à un ou deux postes près. Car si le retour de Haythem Jouini, fort de son prêt à Tenerife, qui a joué la montée en Liga jusqu’à la fin, semble suffisant pour faire souffler Khenissi, le recrutement d’un milieu offensif capable de jouer sur le côté semble lui envisageable, surtout que ni Rjeybi ni Jelassi ne semblent avoir convaincu Benzarti lors de cette Coupe arabe. Et si un retour de Youssef Msakni était un temps évoqué, cette piste est aujourd’hui définitivement enterrée et le club de la capitale devrait se montrer très actif dans les semaines à venir.

Une doublure à Iheb Mbarki semble elle aussi nécessaire, à moins que Mohamed Ali Meskini, récemment recruté de Hammam Lif et habituel milieu défensif, ne soit replacé à ce poste-là par Benzarti.

Voici donc les différentes options dont bénéficie Faouzi Benzarti aujourd’hui, que ce soit dans un 4-3-3 ou un 4-2-3-1, deux systèmes utilisés par ce dernier.

Pour arriver à un tel résultat, le club de Hamdi Meddeb a su varier ses méthodes de recrutement, mais pas seulement. Tout d’abord, et comme cela peut-être le cas pour certains clubs européens, l’Espérance a d’abord pour objectif d’attirer les meilleurs éléments évoluant dans le championnat local. Ainsi, les derniers transferts de ce type sont notamment ceux de Maher Ben Sghaier, Saad Bguir ou encore Taha Yassine Khenissi (même si celui-ci a été formé au club avant de partir et exploser à Sfax).

Dans cette optique, l’Espérance recrute ainsi de grands espoirs mais aussi des éléments qui ont déjà fait leurs preuves dans le championnat local et qui bénéficient parfois même d’une expérience africaine du fait de l’engagement de leurs anciens clubs dans des compétitions continentales (Exemples : Khenissi, Moncer (CSS), Dhaouadi (ESS)). L’exemple le plus marquant restera sans doute pour longtemps celui de Youssef Msakni, recruté pour une bouchée de pain au Stade Tunisien et revendu cinq ans plus tard au Qatar pour 4,5 millions d’euros.

Cependant, certains de ces éléments, pour qui le championnat tunisien n’est qu’une première étape-tremplin qui leur permettrait d’évoluer en Europe dans le futur, bénéficient parfois d’une vitrine suffisante dans leurs clubs leur permettant d’ores et déjà de bénéficier d’offres venant du vieux continent, devenant ainsi inaccessibles pour l’Espérance.

Seulement, et dans la grande majorité des cas, ces joueurs se retrouvent pour la plupart très vite en difficulté, en manque de temps de jeu, ou n’arrivant simplement pas à se plier aux exigences du niveau européen. La meilleure porte de sortie devient alors un retour au pays, dans le club qui fera la meilleure offre ou qui paraît le plus attractif pour ceux qui bénéficient toujours d’une grosse côte en Tunisie et pour qui les clubs sont prêts à beaucoup offrir.

Vous l’aurez compris, le club qui remplit le plus souvent ces critères est souvent l’Espérance de Tunis. Les meilleurs exemples du type sont les transferts de Fakhreddine Ben Youssef et Ferjani Sassi, transférés en janvier 2015 de Sfax vers le FC Metz, et que l’Espérance à rapatrié à coup de millions de dinars après 6 mois passés au club lorrain, alors relégué en Ligue 2.

Fakhreddine Ben Youssef et Ferjani Sassi rapatrié de Metz (France) par l’Espérance.

Le cas de Ferjani Sassi est d’autant plus intriguant que celui-ci avait réalisé des performances très intéressants en Ligue 1, avec l’opportunité de trouver un autre point de chute en France sans grande difficulté. Toutefois, le salaire proposé par le club de la capitale (on parlerait de 38.000 euros mensuelles) et les garanties sportives lui permettant de garder sa place en sélection ont sans doute influencé le natif d’Ariana.

Enfin, mis à part un recrutement ciblé et parfois au prix fort, l’Espérance de Tunis bénéficie également d’un énorme atout indispensable à tout grand club : le centre de formation. Ainsi, un grand nombre d’éléments faisant aujourd’hui partie de l’effectif sang et or sont directement issus de l’école espérantiste. Ben Chrifia, Talbi, Chemmam, Chaalali, et Khenissi sont les canteranos faisant partie du Onze type de Benzarti.

A ceux-là peuvent être ajoutés Haythem Jouini et Bilel Mejri, deux autres éléments offensifs qui auront leur carte à jouer dans les mois à venir. Ces joueurs formés au club sont souvent lancés dans le grand bain dès leur plus jeune âge avec l’opportunité d’évoluer au sein de l’équipe senior, leur permettant ainsi de progresser aux côtés de leurs aînés.

Un joueur comme Idriss Mhirsi, évoluant aujourd’hui au Red Star à l’âge de 23 ans, avait lui signé pro à l’EST alors qu’il était seulement âgé de 17 ans, remportant ainsi sa première Ligue des Champions une année plus tard. Il est également difficile d’oublier le premier match de Moez Abboud, alors seulement âgé de 17 ans et directement lancé dans un derby de la capitale, ou les premiers pas de Wassim Naghmouchi, qui avait pris part à la phase décisive des play-offs quelques mois auparavant.

Ressources financières, attractivité sportive, et centre de formation, l’Espérance semble donc bien armée pour faire partie des plus grandes puissances africaines.

Faouzi Benzarti, qui n’est pas partisan du turnover, dispose d’un riche effectif.

Quels objectifs pour le futur ?

Le championnat et la qualification pour le tour suivant de LDC en poche, l’équipe de Faouzi Benzarti s’était envolée pour Alexandrie avec le plein de confiance et un objectif clair : celui de rentrer à Tunis avec cette Coupe arabe et le chèque de 2,5 millions de dollars l’accompagnant.

Cette compétition, dont l’intérêt économique était clairement supérieur à l’intérêt sportif, a surtout permis aux nouveaux venus de faire leurs premiers pas sous les couleurs du club. Franck Kom et Maher Ben Sghaier ont ainsi eu le temps de jeu nécessaire qui leur a permis de montrer toutes leurs qualités, avec notamment une passe décisive pour chacun d’eux, dont une sur le but qui a offert le trophée aux Sang et Or. De quoi transformer les futures compositions d’équipe en véritables casse-têtes pour Benzarti ?

La question mérite d’être posée, car si l’ancien coach du Raja semble aujourd’hui bénéficier à peu de choses près d’un onze-type avec des titulaires bien définis, les bonnes performances de Kom et de Ben Sghaier dans cette compétition risquent de renforcer la concurrence et de représenter davantage un problème à un coach qui n’est pas un adepte du turnover.

En effet, comme il a pu le montrer à Sousse mais aussi dans les nombreuses équipes qu’il a entraînées, Faouzi Benzarti, comme d’autres entraîneurs prônant le même style de jeu, change très rarement ses titulaires. Prenons l’exemple le plus récent de l’Etoile du Sahel où il a passé 2 années et demi, remportant au passage une Coupe de Tunisie, un Championnat et une Coupe de la CAF. Durant ce temps, Benzarti a modifié son Onze de départ seulement lorsqu’il était contraint à le faire à cause de blessures ou de suspensions. Pour le reste, son équipe type était claire et ne changeait jamais ou très peu. Si cela a permis d’obtenir les résultats que l’on connaît, il s’agit cependant d’une méthode qui ne permet absolument pas de s’inscrire dans la durée.

Ainsi, si l’on regarde de plus près le parcours de celui qui a entraîné les plus grands clubs tunisiens avec aussi un passage en Libye et au Raja, on remarque que Faouzi Benzarti n’a jamais passé plus de deux ans dans le même club. Cela s’explique simplement par le fait que ses méthodes, portées sur un travail physique très poussé ainsi qu’un style de jeu prônant le pressing et avec très peu de changements dans les compositions de départ, finissent par user les joueurs, qu’ils soient d’ailleurs titulaires ou pas.

Toutes proportions gardées, ces méthodes sont similaires à ceux de grands coachs comme Zdenek Zeman ou Felix Magath utilisant les mêmes préceptes et qui dépassent eux aussi rarement les deux ans dans un même club. De ce fait, si nous pouvons nous attendre à connaître un Espérance triomphant à la fois sur le plan local et continental en 2017/2018 voire 2018/2019 sous Faouzi Benzarti, il ne serait pas étonnant de voir le board de l’EST songer à de nouvelles pistes à la fin de cette période, au risque de rentrer dans le rang progressivement.

Les objectifs pour la saison prochaine semblent donc être clairs avec un tel effectif et un entraineur habitué à gagner. Si le club semble aujourd’hui le mieux armé sur le plan local et être une nouvelle fois le grand favori quant à une victoire en championnat, l’objectif principal du club sera très certainement un nouveau triomphe en Ligue des Champions, une compétition qui leur échappe depuis 2011 et la fameuse lucarne de Harrison Afful contre le Wydad Casablanca. Pour cela, les Sang et Or auront comme premier obstacle en quarts le grand Al Ahly, qui a certes perdu de sa superbe mais qui n’en demeure pas moins un adversaire redoutable sur le continent. Une fois passé cet obstacle, le club et ses supporteurs pourront sérieusement se mettre à rêver d’une finale qui leur permettrait de faire leur grand retour sur le toit de l’Afrique.

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