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Affaire Abdelkefi : Pourquoi lui et pourquoi maintenant ?

La démission de Fadhel Abdelkefi est symptomatique d’une grave crise politique, qui n’aide pas la Tunisie à sortir de sa crise économique et financière.

Par Moncef Kamoun *

Fadhel Abdelkefi a été nommé ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale le 27 août 2016 et ministre des Finances par intérim le 30 avril 2017.

Ce jeune Tunisien de 47 ans, diplômé de la Faculté des Sciences économiques de l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne, était directeur général de Tunisie Valeurs, fondée par son père Ahmed Abdelkefi, président du conseil d’administration de la Bourse de Tunis de 2011 à 2014, et directeur associé d’Integra Partners.

 

Bilan d’une année au gouvernement

Pendant une année au service de l’économie tunisienne, il a été a été un ministre compétent, engagé, honnête, dynamique et patriote. Il a été exemplaire et nul ne doute sur ses compétences pour relever le défi économique auquel fait face la Tunisie, les atouts dont il dispose lui ont permis de gérer le présent pour préparer l’avenir.

Lors se cette année au gouvernement et après avoir constaté que l’image de notre pays a été complètement brouillée par les soubresauts du printemps arabe, M. Abdelkefi, convaincu que la solution est dans la création d’emplois et donc dans l’investissement national et international, a pris toutes les mesures pour restaurer l’image de la Tunisie.

Après avoir fait promulguer un nouveau code de l’investissement, préparé par ses prédécesseurs, et les décrets d’application y afférents, il a entamé, en octobre 2016, une tournée européenne, un «road show» de Paris à Milan, en passant bien entendu par Bruxelles et Francfort, afin de communiquer sur l’amélioration du climat des affaires en Tunisie, qui est selon lui le pays plus compétitif d’Afrique du nord.

Fin novembre 2016, il a organisé, à Tunis, une conférence économique «Tunisia 2020», elle aussi préparé par ses prédécesseurs, destinée à remettre la Tunisie sur la carte de l’investissement en Méditerranée. Plus de 2.000 participants, dont des dirigeants d’une quarantaine de pays, ont été présent à ce rendez-vous qui s’est tenu en présence du président Béji Caïd Essebsi, de l’émir du Qatar Tamim Ben Hamad et des Premiers ministres algérien Abdelmalek Sellal et français Manuel Valls.

Lors de cette conférence : 142 projets prêts à démarrer dans l’immédiat ont été mis sur la table, pour un montant de quelque 30 milliards d’euros. Parmi ces projets, 64 concernent des investissements publics, 34 sont des partenariats public-privé et 44 strictement privés, dont certains en panne depuis des années.

Une démission qui tombe au mauvais moment

L’affaire qui a fait tomber Fadhel Abdelkefi remonte en réalité à l’année 2007, le ministre dirigeait alors Tunisie Valeurs qui avait ouvert une filiale au Maroc. Pour augmenter le capital de cette filiale afin de le conformer au droit marocain, la société mère a vendu à sa filiale des logiciels de programmation et des sites électroniques pour un montant de 250.000 dinars tunisiens (DT), sauf que cette somme n’a pas été retournée en Tunisie, comme l’exige la loi de change.

Cinq ans après, en 2013, la justice a été saisie par la direction générale de la douane tunisienne et l’affaire a fait l’objet en 2014 d’un jugement par contumace à une peine de prison et une lourde amende.

Le scandale, qui a éclaté tardivement et soudainement dans les médias, a mis le ministre et le chef du gouvernement Youssef Chahed au pied du mur. Le timing n’était sans doute pas anodin.

Rattrapé par cette affaire, Fadhel Abdelkefi est contraint à démissionner du gouvernement. Une démission qui arrive au plus mauvais moment, dans un contexte économique précaire, la crise risquant de prendre des proportions inquiétantes pour le pays.

D’ailleurs, l’agence de notation financière Moody’s n’a pas tardé de dégrader la note d’émission à long terme du gouvernement tunisien de Ba3 à B1, tout en maintenant «la perspective négative».

Commentant la démission que Fadhel Abdelkefi, le chef du gouvernement a déclaré que ce dernier reste une grande compétence de la Tunisie. Il est, rappelons-le, le troisième ministre à quitter le gouvernement contre son gré, après Néji Jalloul, ex-ministre de l’Éducation, limogé non pas pour son bilan, du reste tout à fait positif, mais parce que la centrale syndicale a exigé et obtenu sa tête. Avant lui, Saïd Aïdi, ex-ministre de la Santé, avait été limogé, également et toujours sous la pression de l’UGTT.

En conclusion, on pourrait dire qu’entre les intérêts des partis politiques au pouvoir, les tergiversations de l’Assemblé des représentants du peuple (ARP), et les pressions de l’UGTT, Youssef Chahed est en train de gérer l’ingérable.

* M.K. Architecte.

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