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Youssef Chahed et le coup tordu du 6 septembre 2017

Youssef Chahed entouré des Rcdistes et apparentés. 

Le retour massif des ex-Rcdistes sur les devants de la scène politique tunisienne annonce des lendemains qui déchantent.

Par Rached Mahbouli *

A bien regarder, le dernier remaniement ministériel, annoncé par le chef de gouvernement Youssef Chahed, le 6 septembre 2017, fait craindre un tournant dans l’histoire de notre longue marche vers la démocratie, par le retour déclaré des anciens Rcdistes, les cadres du parti au pouvoir sous la dictature de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), dissous après la révolution du 14 janvier 2011 . Ceux-ci ne pourront certes jamais mettre en danger notre libération de la dictature, car l’émancipation est irréversible. Cependant, ceux qui ont suivi les développements politiques de ces derniers mois ont des raisons de s’inquiéter du retour massif aux affaires politiques de ces «dangereux anciens». Deux exemples entre plusieurs sont particulièrement édifiants:

– le sulfureux et particulièrement entreprenant Borhen Bsaies, ancien laudateur de Ben Ali, qui a accédé il y a quelques mois à un poste de haute responsabilité au sein de Nidaa Tounes, le parti au pouvoir, et qui donne constamment de la voix dans les médias;

– Hatem Ben Salem, zélé défenseur des droits de l’homme dans la conception qu’on avait Ben Ali, homme élégant au sourire trompeur, ancien ministre de l’Education nationale pendant les deux dernières années ayant précédé le «grand soir» de la fuite de Ben Ali, et qui est revenu à la faveur de ce remaniement à la tête du même département.

On peut citer beaucoup d’autres noms qui ont quitté la scène politique à reculons, au lendemain de la révolution, rasé les murs pendant quelques années, avant de revenir hanter les coulisses des partis et les rouages de l’Etat et de l’administration publique.

En somme, il s’agit de relever ces faits avec pertinence et préparer les Tunisiens à dissuader les plus vils d’entre eux de la tentation de la «reprise du flambeau». Puisque la raison réelle du dernier remaniement n’est pas évidente, et que celui-ci se révèle être en fait, en dehors du pourvoi obligé de quelques postes, un jeu de chaises musicales, accompagné de l’éjection contestable de certains ministres réputés compétents (comme ceux de l’Intérieur et de la Défense nationale).

Tout cela, dans le dessein évident de banaliser «la normalisation» et d’ouvrir la voie, dans les plis du Nidaa, à un retour officiel et sans complexes des anciens du RCD, l’ex-parti gouvernemental omniprésent, omniscient et omnipotent.

Ce rappel aux plus hautes fonctions d’anciens très proches collaborateurs de la dictature, interprété, comme on l’a dit, par beaucoup, comme un dangereux coup de force contre le peuple, n’a pas échappé aux observateurs des réseaux sociaux et aux journalistes. Kapitalis en a parlé aussi et signalé notamment l’écho de l’événement dans les médias étrangers (‘‘Les Bénalistes du gouvernement Chahed font jaser la presse internationale’’). L’illustration de cet article par une affiche familière de l’ancien président est très suggestive de la réelle dérive.

De son côté, la presse française n’a pas manqué de relever la démarche assurée de réhabilitation des has been. ‘‘Le Monde’’ y a consacré deux articles (le 6/09 ‘‘Vaste remaniement ministériel en Tunisie’’ et le 8/09 ‘En Tunisie, le retour feutré d’anciens de Ben Ali’’), ‘‘Le Point’’, un seul (7/09 ‘‘Un nouveau gouvernement siglé Essebsi père & fils’’).

Par ailleurs, deux dernières nouvelles sont à considérer avec attention.

La première nous avertit d’une prochaine manœuvre utile dans les semaines à venir: le parti Nidaa est en train de programmer l’ascension du fils du sournois président de la République. Et cela par le passage par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), au moyen du remplacement par Hafedh Caïd Essebsi (HCE) du député nidaïste Hatem Chahreddine Ferjani, nouvellement désigné secrétaire d’Etat à la diplomatie économique. Voilà donc HCE qui fait des coudes pour se hisser, illégalement d’après le constitutionnaliste Jawhar Ben M’barek, probablement à de hautes fonctions.

La deuxième nouvelle nous prépare aux luttes à engager pour contrer le retour forcé de l’ancien régime: Hachemi El-Hamdi, ancien président du parti El-Mahabba, furieux pour plusieurs raisons contre le président de la République qui oeuvre avec frénésie à l’épanouissement de Nidaa, y compris au retour des «anciens» et à la consolidation de la position de son fils, prend sérieusement les devants en appelant dans une vidéo postée le 8/09 à manifester en masse le 1er octobre devant le palais de Carthage.

En conclusion, au vu de ces développements préoccupants concernant le recyclage-blanchiment des notoires «ex», nous devons rester vigilants et nous préparer à contrecarrer avec conviction et méthode les conséquences probables de ce coup tordu du 6 septembre 2017.

* Documentaliste.

 

 

 

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