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Réconciliation : Tout le monde peut enfin apporter sa contribution

La réconciliation peut aider à refermer les plaies et à ériger des ponts au-dessus des fossés qui séparent les Tunisiens pour qu’ils oeuvrent ensemble au redressement de leur pays.

Par Moncef Kamoun *

«Je travaille aujourd’hui avec les gens qui m’ont jeté en prison, qui ont persécuté ma femme, chassé mes enfants d’une école à l’autre… Et je fais partie de ceux qui disent: ‘‘Oublions le passé, et pensons au présent’’», disait Nelson Mandela, le grand leader de la lutte anti-apartheid et artisan de la réconciliation en Afrique du Sud.

Avec l’idée de la réconciliation qu’il a lancée dans son discours à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance, en 2015, le président de la république, Béji Caïd Essebsi, voulait porter un message positif en appelant toutes les composantes de la société tunisienne à suivre l’exemple des héros de l’indépendance qui ont bâti l’Etat tunisien grâce à l’unité nationale.

Souvenons-nous, Bourguiba avait refusé de procéder à des purges en excluant ou en poursuivant en justice les citoyens qui ont rendu des services à la puissance coloniale. Il les a, au contraire, intégrés, au sein même du parti de l’indépendance, le Néo-Destour, conscient qu’il était que les divisions ne pouvaient que fragiliser le pays et porter un coup à son unité.

Sortir du cycle du ressentiment et de la rancœur

La Tunisie traverse une crise profonde sans précédent. Pourtant, rien n’empêche les Tunisiens de conjuguer leurs efforts pour l’en sortir, si chacun d’entre eux avait pour seule préoccupation l’intérêt national.

Pour réussir à redresser la situation, il convient de mettre en œuvre ensemble, et sans exclusion aucune, les actions urgentes nécessaires sur les plans économique, politique et social.

Depuis 2011, les Tunisiens vivent dans l’angoisse, la peur, le manque de confiance et surtout de la réticence à prendre des initiatives ou même à assumer convenablement les missions pour lesquelles ils sont payés. Or, l’état actuel du pays exige le concours de tous, sans distinction aucune, pour rétablir la concorde et relancer la machine de production.

Tant il est vrai qu’on ne pourra relancer la croissance, attirer des investisseurs et créer des emplois avec une administration, des entreprises publiques et des banques complètement paralysée, parce que des fonctionnaires, à tous les niveaux de la fonction publique, sont poursuivis en justice et perdent leur temps dans les couloirs des tribunaux, alors que la plupart d’entre eux n’ont fait qu’appliquer des ordres émanant de leurs supérieurs.

Cette humiliation infligée à beaucoup de nos compétences crée chez eux, mais aussi dans le pays en général, une atmosphère d’amertume et un sentiment d’injustice. Cela a assez duré, il faut savoir passer à autre chose, c’est-à-dire à l’essentiel : le redressement de la situation dans le pays.

D’ailleurs, le droit international interdit les punitions collectives, qui sont en contradiction avec la justice, la morale et le principe d’individualisation de la punition ou de la sanction. Ce principe qui fonde le droit doit être respecté et seules les personnes ayant commis des infractions punissables par la loi doivent comparaître devant la justice, unique institution habilitée à juger et à sanctionner les délinquants.

D’autre part, les actes que ces fonctionnaires ont commis relèvent le plus souvent de l’application de consignes ou d’instructions de leurs supérieurs hiérarchiques, alors que, selon l’article 42 du code pénal précise: «n’est pas punissable, celui qui a commis un fait en vertu d’une disposition de la loi ou d’un ordre de l’autorité compétente», c’est-à-dire, tout simplement, que tout fonctionnaire qui obéit aux ordres de ses supérieurs hiérarchiques n’est pas totalement responsable de ses actes.

Sans pardon, aucune vie en commun n’est possible

Pour sauver notre pays, la cohésion, l’entente et le pardon entre tous ses fils s’imposent. La réconciliation nationale doit se faire, non pas dans les discours, mais dans les faits.

Aujourd’hui, pour pouvoir espérer, il faut commencer par refermer les plaies et ériger des ponts au-dessus des fossés qui nous séparent.

La réconciliation n’est en fait qu’une façon concrète d’oublier le passé et de construire l’avenir.

Il faut instaurer, aujourd’hui, un climat de pardon, d’union et de réconciliation loin des adversités politiques, de l’esprit de revanche et des rancunes longtemps ressassées, qui n’aboutissent qu’à de nouvelles injustices.

L’initiative du président de la république pour la réconciliation nationale que tout le monde souhaite et qu’une minorité redoute par populisme et manœuvres grossièrement politiciennes est tout-à-fait salutaire et raisonnable et apporte des solutions concrètes pour le rétablissement de la confiance et la redynamisation de l’administration publique que notre pays a formée depuis l’indépendance et qui est mise sous l’éteignoir depuis la révolution de 2011.

L’heure n’est plus aux surenchères populistes et aux promesses sans lendemain; le pays ne se relèvera pas sans une prise de conscience collective des défis actuels et une mobilisation générale de toutes les forces vives de la nation pour les relever.

Quoi qu’il en soit, l’avenir de notre pays ne dépendra pas d’un homme, quels que soient ses mérites propres. Il dépendra de la capacité de chacun d’entre nous à se ressaisir et à contribuer au destin collectif de la nation.

*M. K. Architecte

 

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