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La Loi de finances 2018 irrite le patronat sans rassurer les syndicats

Chahed entre Taboubi  (UGTT) et Bouchamaoui (Utica) : un arbitrage à sens unique. 

Le gouvernement Chahed a choisi de satisfaire les syndicats aux dépens du patronat espérant ainsi avoir la paix sociale, mais rien n’indique qu’il l’aura.

Par Khémaies Krimi

Présentant aux médias, mardi 17 octobre 2017, la version officielle du projet de la Loi de Finances 2018, le ministre des Finances, Ridha Chalghoum, a tenu à satisfaire, de la manière la plus claire possible, les réclamations de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT, centrale syndicale, et à ignorer les propositions de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica, centrale patronale).

Ordre de satisfaire la centrale syndicale

Apparemment bien briefé par le chef du gouvernement Youssef Chahed, dont il a cité la qualité et le nom des dizaines de fois, le ministre a, en effet, rassuré, et de la manière la plus précise qui soit, la centrale syndicale, au moins sur quatre point majeurs.

Le premier a consisté à réitérer, sans ambages et sans conditions, la ferme détermination du gouvernement à honorer les engagements pris avec l’UGTT quant au versement, dans les délais prévus, en 2018, de la deuxième tranche des augmentations salariales en faveur des fonctionnaires.

Le second a porté sur l’engagement du gouvernement à poursuivre la compensation des produits de base et à en augmenter l’enveloppe budgétaire qui lui est allouée si jamais le besoin se fait sentir.

Le troisième a trait à l’instauration d’une Contribution sociale généralisée (CSG) pour l’exercice 2018. Elle devrait prendre, au commencement, la forme d’un nouvel impôt de 1% sur les revenus des personnes physiques, particulièrement les salariés. Les recettes prévues, d’un montant de 300 millions de dinars tunisiens (MDT) serviront à renflouer les caisses de sécurité sociale, en difficulté.

La nouvelle mouture de cet impôt a été élargie aux personnes morales, selon la version officielle du projet de Loi de Finances 2018.

Désormais, sont, également, soumises à cette contribution conjoncturelle les personnes physiques, les entreprises et les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés ou bénéficiant d’une exonération totale d’impôt sur les sociétés.

Le quatrième a porté sur la non-mention dans la Loi de Finances 2018 d’un quelconque projet de cession d’entreprises publiques, fief de la centrale syndicale. A aucun moment de sa longue conférence de presse, le ministre n’a osé évoquer ce délicat dossier.

Le patronat déçu

En s’abstenant de parler de la problématique des entreprises publiques, le ministre a déçu le patronat. Pour une raison simple. L’Utica et la Conect (Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie), l’autre organisation patronale, ont axé une de leurs principales contre-propositions sur la réforme des entreprises publiques, proposant, entre autres, l’introduction en bourse d’une partie du capital de ces entreprises.

Pour mesurer l’irritation de la centrale patronale, sa présidente Ouided Bouchamaoui, est allé jusqu’à déclarer, dans un entretien accordé au quotidien ‘‘Assabah’’, que le projet de la nouvelle Loi de Finances est plus «une loi de finances publiques» qu’une loi de finances au sens classique du terme.

Elle a regretté également que le gouvernement n’ait pas satisfait deux de ses principales revendications. La première concerne l’exonération conjoncturelle d’impôt des sociétés partiellement et totalement exportatrices, le but étant de les encourager à exporter davantage. La seconde a trait à l’institution de nouveaux impôts à la charge du secteur structuré, ce qui va impacter négativement la compétitivité des entreprises et leur capacité à promouvoir les investissements, particulièrement, leurs perspectives d’extension et, son corollaire, la création de nouveaux emplois.

Elle a ajouté que s’il est du devoir de la centrale patronale de contribuer à l’effort déployé à l’échelle nationale pour redresser l’économie du pays, il est de son droit de demander des comptes quant à l’affectation des recettes collectées à la faveur de l’imposition d’une contribution conjoncturelle exceptionnelle de 7,5% sur les bénéfices des sociétés au profit du budget de l’Etat au titre de l’exercice 2017. «Ces recettes, ont-elles été affectées à l’investissement ou à un autre poste?», s’est-elle demandée.

Abstraction faite des satisfactions des uns et de la déception des autres, tout indique que le gouvernement de Youssef Chahed a choisi, sur recommandation de son tuteur, le président de la république Béji Caid Essebsi, la centrale syndicale comme alliée stratégique pour bénéficier, en 2018, d’un minimum de paix sociale. Mais, à voir l’hostilité des dirigeants syndicaux à certains aspects de la Loi de Finances 2018 et leurs déclarations au vitriol contre le gouvernement, on peut douter du fait que cette manœuvre puisse atteindre son objectif.

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