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Mon histoire avec les JCC

Chaque cinéphile tunisien à sa propre histoire avec les Journées cinématographiques de Carthage (JCC). L’auteure raconte ici la sienne.

Par Ilhem Abdelkèfi *

Mon histoire avec les JCC est une histoire d’amour qui remonte aux tous débuts des Journées quand ma mère m’emmenait voir les films des premières sessions à un âge où je ne devais pas tout comprendre des films que je voyais.
C’est alors que je suis devenue une cinéphile «mordue» accourant vers les salles de Tunis dont la plupart ont aujourd’hui – hélas – disparu. Je me souviens encore de la salle Ciné-Soir située à l’actuelle rue Mongi Slim, devenue une boutique de meubles, ou de celle encore du Palmarium dans laquelle j’avais vu le film égyptien ‘‘Al Khataya’’ qui m’avait beaucoup marquée.

De nouveaux cinémas arabe et africain

Ma culture cinématographique façonnée par le cinéma égyptien et aussi le cinéma français ou encore par les péplums américains s’est élargie grâce aux JCC qui sont venues nous ouvrir sur un nouveau cinéma arabe et surtout sur le cinéma africain totalement absent de nos salles.

Les JCC devinrent, pour moi, un évènement incontournable au cours duquel étaient présentés des films arabes, africains et du monde – courts et longs – consacrés à différents genres cinématographiques. Cette diversité m’a permis d’asseoir ma cinéphilie et d’enrichir mes connaissances cinématographiques.

Les JCC me permirent de rencontrer l’œuvre, son créateur et son public. Des moments-clés de ma vie de cinéphile. Ce festival m’offrit la précieuse occasion de découvrir des chefs-d’œuvre mais également de participer à des débats – ô combien passionnés et instructifs – qu’abritait la Maison de la Culture Ibn Khaldoun. Débats autour de films en compétition attirant un public nombreux et fin connaisseur et en présence de réalisateurs et d’acteurs venus de pays lointains. Je fus également attirée par les cinémas du monde comme le cinéma iranien, ou le cinéma espagnol pour ne citer que ceux-là.

Au commencement était ‘‘Al Khataya’’ .

Les JCC, c’était aussi la course d’une salle à l’autre pour ne pas rater la séance, les rencontres avec les amis(es) autour d’un café pour discuter des films vus et se conseiller mutuellement à propos des films à voir.

C’est aussi Tunis en fête

Les JCC, c’était aussi Tunis en fête qui voyait défiler une foule dense et joyeuse emplissant les rues, les cafés et les restaurants et qui lui donnait un air de ville vivante, de jour comme de nuit.

Elles sont devenues, tout au long des années, l’une des plus importantes cérémonies de la vie culturelle de Tunis. En tant qu’institution, le festival était, pour moi, une école de cinéma qui assurait mon apprentissage, cultivait mes connaissances et aiguisait mon esprit critique.

Présenté comme un espace de «liberté artistique et d’échanges», il a néanmoins profondément changé depuis les premières éditions. Cherchant à vouloir ressembler à certains festivals de par le monde, il a tendance à perdre un peu de son âme et de son charme de festival de Tiers Monde. En recourant au «people», il risque fort de se défaire de sa spécificité. J’avoue que c’est avec beaucoup de nostalgie que je revois ces journées d’antan en ce cinquantenaire des JCC.
Choisir un film parmi les centaines que j’ai vus durant ces 26 sessions est un exercice difficile parce que forcément sélectif et donc injuste.

Inoubliable « Shirley Adams ».

Nous aimons un film pour son sujet, pour le jeu de ses acteurs, pour ses choix esthétiques et musicaux mais aussi pour tout cela à la fois. Nombreux sont les films qui ont répondu à ces critères. Le titre qui me vient à l’esprit est ‘‘Shirley Adams’’, film du Sud-Africain Oliver Hermanus, peut-être est-ce parce que le personnage principal en est une mère et que cela m’interpelle. Il retrace, avec beaucoup d’art, la tragique histoire de Shirley Adams, une sorte de mère courage qui lutte face à l’adversité et qui n’a d’autre choix que de maîtriser sa vie et son destin.

‘‘Shirley Adams’’ est un bijou. Intense, déchirant, bouleversant et captivant, il nous offre une belle leçon d’humanité.
N’est-ce pas le propre du cinéma, et pourquoi pas des JCC ? **

* Cinéphile et critique.

** Témoignage publié dans « JCC 50+ Mémoire fertile », monographie de Khémais Khayati, éd. Arabesques, Tunis, 2016. (Publié avec l’accord de l’auteure et de l’éditeur).

 

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