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‘‘En attendant les hirondelles’’ : Trois récits d’une Algérie en suspens

Cette année encore, l’Algérie frappe fort dans la compétition officielle des JCC avec un film brillant, premier long métrage de fiction de Karim Moussaoui.

Par Fawz Ben Ali

Les Journées cinématographiques de Carthage (JCC), dont le rideau tombe ce soir, rendent cette année hommage à l’Algérie travers un focus réservé aux perles de ce cinéma pour sa dynamique et le foisonnement de ses œuvres. Un cinéma qui a toujours brillé dans ce festival panafricain et panarabe avec des films remarquables en phase avec la réalité du pays et du monde, comme l’année dernière où on a pu voir l’ode féministe ‘‘A mon âge je me cache encore pour fumer’’ de Rayhana ou encore le Tanit d’argent ‘‘Maintenant ils peuvent venir’’ de Salem Brahimi.

Cette année encore l’Algérie frappe fort dans la compétition officielle avec un film brillant qui a déjà beaucoup fait parlé de lui à Cannes (projeté dans la section «Un certain regard»), avant de se présenter au public tunisien dans le cadre des JCC. Il s’agit d’‘‘En attendant les hirondelles’’ de Karim Moussaoui. Ce dernier signe avec ce film son premier long-métrage et confirme sa place comme l’un des cinéastes phares de la nouvelle génération qui continue à honorer l’image du cinéma algérien.

Récits de vies, récits d’un pays. 

Une atmosphère d’abattement et de désespoir

Il a fallu 8 ans à Karim Moussaoui pour écrire et réaliser ‘‘En attendant les hirondelles’’, un film autour de trois histoires sur l’amour, la vie et l’Algérie dans toute sa complexité : Mourad un riche promoteur immobilier dont la conscience pèse pour avoir manqué de courage à un moment de sa vie, Aïcha qui s’apprête à se marier mais qui se trouve rattrapée par une vieille histoire d’amour et Dahman un neurologue qui a vu une femme se faire violer par un groupe de terroriste sans pouvoir intervenir.

Les trois principaux protagonistes, poursuivis par leur passé, représentent clairement la métaphore de tout un pays qui subit encore le patriarcat, la corruption et les séquelles de la décennie noire.

La musique apporte du rythme, du mouvement et de la vie.

Le cinéaste réussit à nous transmettre cette atmosphère d’abattement et de désespoir qui règne sur l’Algérie et son peuple. Il choisit de peindre le pays non pas dans sa globalité mais en s’intéressant aux individus et à leurs petites histoires qui restent très liées à la grande histoire, celle d’une Algérie qui attend le printemps, d’où le titre du film; un constat que Karim Moussaoui arrive à filmer de manière très poétique et politique à la fois.

Mourad, Aïcha et Dahman sont restés prisonniers d’un quotidien morne qui les a empêchés de réaliser leurs idéaux ou de choisir la bonne voie, mais viendra le jour où ils décideront comme l’ensemble de leurs compatriotes de sortir de leur zone de confort pour changer leur condition.

Poétique et politique à la fois.

Métaphore d’un pays

Dévier du chemin tracé devient une nécessité pour nos protagonistes, mais le dilemme est toujours là entre la résignation et la libération, et c’est là où Karim Moussaoui nous surprend avec un scénario finement ciselé pour raconter trois récits parallèles qui se rejoignent sans s’entremêler et sans donner la moindre impression de coupure ou de discontinuité. Le film tisse un lien fort mais subtil entre les temporalités : le passé enfoui, le présent tiraillé et l’avenir rêvé.

Le printemps et les hirondelles tarderont probablement à venir mais le cinéaste bouscule ses personnage vers cet avenir inconnu mais essentiel à leur survie. Ainsi un vent nouveau souffle sur le film où notamment le personnage d’Aïcha se réincarne à la retrouvaille de son amant; et la musique qui joue un rôle important dans l’histoire du couple apporte du rythme, du mouvement et de la vie à la mise en scène car les personnages, à l’image du pays, ont la rage d’être.

 
Le temps est par moment suspendu dans ce film d’où la légère sensation de lenteur et de platitude surtout au début, mais le cinéaste semble nous dire qu’en attendant les hirondelles et la grande métamorphose, on doit agir pour secouer cette réalité en suspens. Karim Moussaoui l’a fait à sa manière, par le cinéma.

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