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Le dernier coup de gueule de la militante Noura Borsali

Ce matin, mardi 14 novembre 2014, ce fut un coup de choc en apprenant le départ de l’universitaire, journaliste et écrivaine Noura Borsali.

Par Djemââ Chraïti *

Une militante pour les droits de l’Homme, de gauche et féministe, et qui ne mâchait pas ses mots. Elle était, de surcroît, passionnée de culture et, surtout, de cinéma.

Lorsque je lui rendais visite à Tunis et que je logeais chez elle, dans son appartement bourré de livres et d’articles de presse découpés, le café et le croissant m’accueillaient au saut du lit où sur sa table; le scrabble déjà installé m’attendait de pied ferme; elle fulminait d’impatience et tout en buvant mon café j’alignais déjà les mots tandis qu’elle commentait les nouvelles du jour.

Elle avait réalisé un travail de mémoire extraordinaire sur mon père (le militant nationaliste Lazhar Chraiti, Ndlr), dans le cadre de la rédaction d’un livre et d’un article pour le journal ‘‘Réalités’’, «Tentative de coup d’Etat de 1962 en Tunisie», une enquête serrée sur le terrain qui l’avait menée jusqu’à Genève, jusqu’à nous et avec quelle pudeur, elle posait ses questions.

Lors de ses passages dans la cité de Calvin, elle adorait filer acheter des dizaines de bouquins aux Livres sur les Quais à Morges en s’extasiant sur le paysage tandis que nous déambulions en citant les derniers livres lus.

Déçue par le Printemps arabe, comme la plupart des intellectuels tunisiens, elle espérait quand même le changement. Elle avait démissionné en sa qualité de membre de l’Instance Vérité et Dignité en 2014, en claquant la porte et en dénonçant les pratiques douteuses, une femme entière et sans compromis.

Une dernière partie de scrabble où j’inscris son nom en lettres d’or, le nom d’une femme qui s’est battue pour l’élan démocratique du Printemps arabe et qu’elle a vu se transformer en sanglots longs des violons de l’automne.

Une figure emblématique tunisienne qui s’en va et qui nous laisse en héritage le courage de dénoncer et de se battre.

Ce qui aurait pu être son dernier coup de gueule : «Salut les amis, je m’en vais ! Bon vent à vous tous et tenez bon, on finira par y arriver à la démocratie, vive la Tunisie !»

* Blogueuse et militante associative, Genève.

Blog de l’auteure.

Noura Borsali nous quitte, la presse tunisienne en deuil

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