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Tunisie : A quoi servent les stratégies sectorielles thématiques ?

L’économiste Salah Darghouth s’interroge sur l’usage qui a été fait des innombrables études stratégiques réalisées en Tunisie depuis 2011.

Tout en se réjouissant du recours de plus en plus répandu à ces études stratégiques d’ordres sectoriel ou thématique par les départements des nombreux gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution de 2011, l’ex-cadre de la Banque mondiale (BM) constate qu’il y en a eu beaucoup. Il en a même dénombré, dans une note que nous avons pu consulter, plus d’une trentaine qu’il cite en puisant dans ses propres archives électroniques.

Jugeons-en :

– Formulation concertée de mise à niveau du secteur agricole, 2011;
– Stratégie nationale sur le changement climatique, 2012;
– Stratégie nationale pour l’emploi, 2012;
– Consultation nationale sur la la santé, 2014;
– Plan national stratégique «Tunisie Digitale», 2014;
– Plan national pour la propreté et la protection de l’environnement, 2014;
– Stratégie nationale du développement durable, 2014;
– Stratégie nationale dans le secteur numérique à l’horizon 2018, projet, 2014;
– Dialogue sociétal sur la santé en Tunisie, 2014;
– Stratégie du tourisme en Tunisie, 3+1, 2014;
– Stratégie du secteur agricole 2016-2020, 2014;
– Stratégie du développement durable des forêts et des parcours 2015-2024, 2014;
– Stratégie de revalorisation de l’agriculture irriguée, 2015;
– Stratégie du secteur agricole, lancement en 2015 (sans suite);
– Plan stratégique des systèmes de recherche et de l’enseignement supérieur agricole, 2015;
– Stratégie du développement des exportations des fruits et légumes, 2015;
– Stratégie du développement durable des oasis, 2015;
– Réforme et stratégie sécuritaire, 2015;
– Stratégies de développement des statistiques régionales, projet, 2015;
– Stratégie du secteur de la pêche, projet, 2015;
– Stratégie de lutte contre la pêche anarchique, 2015;
– Stratégie nationale de maîtrise de l’énergie, 2015;
– Stratégie de l’habitat, projet, 2015;
– Stratégie de lutte contre la corruption, 2016;
– Grands axes du développement stratégique de l’agriculture en Tunisie, 2016;
– Stratégie du développement de l’agriculture biologique à l’horizon 2020, 2016;
– Stratégie de conservation du mouflon à manchettes, 2017;
– Stratégie de développement PPP, projet, 2017;
– Stratégie nationale pour l’emploi (projet annoncé par le chef du gouvernement en août 2017);
– Etude stratégique «Smart Gov», 2016;
– Stratégie énergétique 2030, 2016;
– Etc.

«Il n’y a pas un document de stratégie où il n’est pas rapporté en préambule que le document est le fruit de nombreux séminaires et ateliers de consultations menées à l’échelle nationale et régionale et regroupant un grand nombre de représentants du secteur public, du secteur privé et de la société civile. A titre d’exemple, la consultation nationale (‘‘dialogue sociétal’’) sur les politiques, les stratégies, et la planification de la santé a adopté une approche ‘‘participative et inclusive’’ qui a englobé 4400 citoyens et professionnels de la santé et ce, dans le cadre de 70 ateliers et groupes de travail organisés dans toutes les régions du pays. L’initiative s’est achevée en septembre 2014 par une conférence nationale de 3 jours qui a regroupé plus de 300 participants», fait remarquer Salah Darghouth. Qui ajoute : «Pour la plupart de ces stratégies, la durée moyenne de leur préparation a été de 6 à 2 ans. Il y a des cas extrêmes comme par exemple celui de l’Etude ‘‘Eau 2050’’ dont tout était en place (y compris financement Banque africaine de développement, BAD) pour qu’elle démarre en 2012. A ce jour, on est encore au stade du dépouillement des offres pour la réalisation de l’étude et pour l’assistance technique devant appuyer le ministère de l’Agriculture dans la gestion et le suivi de l’étude. Si tout va bien, l’étude ne sera achevée qu’en 2020. L’étude précédente ‘‘Eau 2030’’ remonte à la fin des années 1990 (reprise en 2015 par l’Institut tunisien des études stratégiques, Ites), quand La Tunisie était encore un modèle à suivre en matière de planification et gestion des ressources en eau.»

Qu’est-il est advenu de la plupart des stratégies laborieusement élaborées?, s’interroge l’expert économiques, qui répond, sceptique et perplexe: «Franchement, peu ou pas grand-chose, même pour les stratégies à répétition. Elles semblent avoir le même sort que celui des plans économiques et sociaux volumineux préparés en grande fanfare par nos partis politiques.»

En d’autres termes, ce qui manque le plus en Tunisie, ce n’est pas le diagnostic de la situation, mais la mise en œuvre des propositions de solutions aux problèmes posés. Autant dire que dans notre pays la parlote tient souvent lieu d’action…

Imed Bahri

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