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Les cardiologues libéraux à la croisée des chemins

Pour qui faut-il voter lors de l’élection du nouveau bureau de l’Association des cardiologues libéraux de Tunis (ACLT) ?

Par Mounir Hanablia *

Le bureau actuel de l’ACLT termine son mandat dans quelques jours. Et il faut reconnaître que sous l’autorité de l’actuel président, le Dr Mohamed Mezghani, il n’a pas chômé, il y a eu beaucoup de colloques sur la cardiologie, certes toujours financés par les laboratoires pharmaceutiques, et les cardiologues libéraux ont eu l’opportunité de présenter à de multiples reprises des communications scientifiques, chose dont ils demeurent généralement privés dans les congrès organisés sous l’égide de la société savante, la Société tunisienne de cardiologie et de chirurgie cardio-vasculaire (STCCCV), dominée par les médecins hospitalo-universitaires.

Transformation de la cardiologie tunisienne

C’est d’ailleurs après le 14 janvier 2011 que les cardiologues libéraux ont eu l’opportunité de créer leur propre association, alors que la mainmise exercée sur la cardiologie et la médecine au plus haut sommet de l’Etat, durant l’époque de Ben Ali, était levée.

Mais, cette transformation de la cardiologie s’est faite dans le sens de la continuité, selon l’adage cité par Giuseppe Thomazio de Lampedusa, dans son célèbre roman ‘‘Le Guépard’’ : «Tout changer afin que rien ne change», à l’instar d’ailleurs de tous les événements concomitants qui surviendraient dans le pays après le départ du dictateur.

Et en fin de compte, derrière le visage débonnaire et rassurant du Dr Mezghani, ce sont quelques vieilles connaissances étroitement liées au monde hospitalo-universitaire de l’ancien régime, qui en ont en réalité contrôlé le fonctionnement.

Le résultat de l’action de ces dinosaures a été patent, l’information et la communication scientifiques se sont certes relativement libéralisées avec l’entrée en scène de visages nouveaux sur la scène professionnelle, et on peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure les nouvelles technologies de l’information n’ont pas peu contribué à ce changement rendant possible l’accès relativement libre de tous à la ce que François de Closets avait nommé «l’ascendant sur les esprits», chose qui, sous l’ancien régime, était totalement impossible sans parrainage politique, ou en usant d’une analogie, sans titre universitaire pompeux.

Dans l’absolu, le fait est là : les cardiologues libéraux ont fait preuve de complexe, ou de mimétisme, vis-à-vis de la société savante, en demeurant rivés sur la communication scientifique, et n’ont jamais engagé une réflexion profonde pouvant conduire à proposer aux pouvoirs publics une réorganisation en profondeur de leur profession, alors même qu’ils se trouvent depuis plusieurs années en butte à une concurrence aiguë, déloyale, et néanmoins réglementaire, de la part des professeurs universitaires, dans l’espace même de l’activité libérale.

Ce n’est là que l’apparence des choses : cardiologues libéraux dont les cabinets ne désemplissent pas et universitaires disposant d’une clientèle inépuisable ont établi leurs fortunes grâce aux malades issus de l’hôpital, et ont conjointement acquis des parts majoritaires dans les cliniques privées dont ils interdisent l’accès aux malotrus.

L’éternel retour des mêmes

On comprend dès lors mieux leur souci de prendre le contrôle de l’association et de réduire son champ d’activité au domaine strictement technique; afin de l’empêcher de devenir une force alternative, ou un interlocuteur éventuel des pouvoirs publics, mais surtout afin que le flux de malades continue de s’écouler dans le sens public-privé, et pas l’inverse. On a vu où tout cela a mené avec l’affaire des stents périmés, et comment l’association a choisi de rester silencieuse alors que la profession brûlait.

Ne voilà-t-il pas qu’avec le renouvellement du bureau, parmi quelques figures de l’association impliquées dans le scandale, et il y en a eu, l’une prétende avec sa morgue habituelle se présenter au grand jour pour en pendre la tête après y avoir assumé l’une des responsabilités dans le dernier bureau.

Outre le caractère anachronique de ce visage bien connu de la profession depuis plus de 20 ans, qui, n’ayant plus rien à prouver ni à gagner, aurait pu faire place nette, mais qui par pure ambition désire toujours diriger, et comme il l’a souvent fait, barrer l’accès à de plus jeunes porteurs d’idées nouvelles, le contexte de l’étalage de cette ambition, lui n’est pas anodin : depuis plusieurs mois la STCCCV, la société savante de la profession, s’escrime, au nom de la science, à obtenir des pouvoirs publics la commercialisation sur le territoire tunisien des stents que son think-tank, issu de son bureau dirigeant, seul agréerait, avec l’appui d’une figure politique bien connue dans la profession.

Dans ces conditions bien particulières, il devient crucial pour tous ceux qui en tireraient avantage qu’aucune voix crédible discordante ne puisse s’élever au sein de la profession pour s’opposer à l’instauration d’un diktat dont les véritables enjeux, s’ils sont aussi obscurs que les relations entre médecins et industrie médicale, ne sont pas moins aisément devinables.

En conclusion, et afin que l’ACLT ne se soit plus une simple courroie de transmission au service d’intérêts occultes qui prétendent perpétuer des mécanismes de domination ayant conduit la profession vers le scandale national, il est important que les collègues élisent à leur tête une figure nouvelle connue pour sa gentillesse, sa sincérité, son honnêteté, ainsi que son courage dans l’adversité, et qui, nonobstant l’activité scientifique habituelle, fera entendre la voix de tous les cardiologues libéraux, au besoin auprès des instances publiques, sur toutes les questions importantes intéressant directement la profession.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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