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Yassine perd, Yassine gagne !

Yassine Ayari / Yassine Brahim.

L’un n’a rien à voir avec l’autre, seule l’actualité capricieuse et imprévisible les a réunis dans un jeu politique à qui perd gagne.

Par Nadya B’Chir

Ils ont à eux deux créé, sans conteste, l’événement du weekend et ont donné le tournis aussi bien à la toile qui, telle une marmaille demeure à l’affût de pareille surprise, mais également aux gouvernants qui deviennent de plus en plus momifiés dans des sueurs à tendance affres.

Yassine Brahim et Yassine Ayari, que rien ne réunit jusqu’ici en dehors de leur prénom commun, ont donc soufflé des effluves autant de colère, d’incompréhension et d’indignation sur le ciel du pays. Et pour cause !

Yassine Brahim, président du parti Afek Tounes, membre du gouvernement Chahed, décide de s’en retirer et de se désengager, par ricochet, de l’Accord de Carthage.

Yassine Ayari, cyber-blogueur et membre «discret» du parti Al-Irada de Moncef Marzouki, a remporté l’élection législative partielle en Allemagne, balayant ainsi les grosses têtes de la place : Nidaa Tounes et Ennahdha.

Nous avons donc affaire à deux Yassine dont le sort est divers et sujet à grandes controverses.

Le coup de poker de Yassine Brahim

En effet, Yassine Brahim, par sa manœuvre de désengagement du gouvernement, ambitionnait de se démarquer de ses paires et de se frayer une voie claire dans le chemin qui mène vers les élections municipales. Il est de notoriété publique que beaucoup – d’impression générale en tous cas – ne sont pas satisfaits du bilan du gouvernement Chahed et encore moins de celui du parlement siégeant. Le fait est que la Loi de Finances 2018, avec toutes les déceptions suscitées, n’a fait que rajouter de l’huile sur le feu des polémiques.

Nous demeurons donc en position d’«attente» : y aurait-il un sauveur à bord? Y aurait-il un audacieux qui saura avoir l’acte lustral à contrer toute cette gangrène abjecte?

Premier appel, second appel, troisième appel, énième appel, et Yassine Brahim se dresse tel l’homme qui dit halte aux absurdités du gouvernement d’union nationale et… saute du bateau. Ce gouvernement placé sous le signe du compromis entre de vrais islamistes et de prétendus modernistes n’est plus qu’une grivoiserie de Satan.

Très probablement à l’opposé de ses calculs «idylliques», Yassine Brahim se voit, à l’annonce de cette décision par le Conseil de son parti, lâché par ses compagnons de route : Riadh Mouakher, Faouzi Abderrahmen, Abdelkoddous Saadaoui et Hichem Ben Ahmed, pour ne citer que les membres du gouvernement.

Au nom de la sainte démocratie, ces derniers ont refusé de quitter le gouvernement d’union nationale et vu dans la décision de leur parti une forme de «trahison». Car comment quitter le navire alors qu’il coule avec à son bord tout un peuple décoloré de désespoir et s’accrochant à la moindre lueur aussi fausse soit-elle? N’est-ce pas là un manifeste de lâcheté que de se désolidariser des siens dans des moments forts critiques?

Et c’est ainsi que s’est dépeint le tableau Yassine Brahim dans la consécration de sa décision de se désengager du gouvernement Chahed. Pas de place donc à la bravoure, à l’audace, à l’action solitaire et solidaire non pas du pouvoir en place mais du peuple, tant délaissé et abandonné! Yassine a donc… perdu !

Le coup de bluff de Yassine Ayari

Yassine Ayari. Que dire ? Ce nom qui a tant fait parler de lui et qui s’aligne à l’adage : parle de moi en bien ou en mal, l’essentiel est que l’on parle de moi ! On lui reconnaît un calvaire pudibond mais, à dire vrai, un courage mirobolant face au «bâton» de Ben Ali. Il flânait à travers les faubourgs de la politique prônant la justice, la libre expression et le rétablissement des droits et des libertés. Puis on lui a reconnaît une appartenance déguisée aux islamistes. Une appartenance qu’il a soutenue, hier, avec une conviction décharnée.

Yassine Ayari était une figure représentative du projet politique perdu d’avance et même aggravant les perspectives de sa finitude. Il était perçu comme un loser. Il aura beau remettre toutes les vérités en question et s’appuyer sur des faits qu’il dira avérés, l’élite politique le considérera toujours comme le guignol de la place qui ne fait rien de plus qu’amuser la galerie en soif d’inhabituel et d’opposition.

L’annonce de sa candidature à la législative partielle en Allemagne a sonné telle une réclame diffusée par la station radio la moins écoutée. En dehors de quelques grivoiseries sur la personne, son appartenance, le soutien de Marzouki dont il jouit, rien n’a réellement suscité l’intérêt de la place publique quant à sa candidature. Pis ! L’on se moquait de Yassine Ayari comme si son succès à cette élection relevait du miracle dont on parle mais ne voit jamais réalisé. Faux !

Trois jours d’élections laborieuses pour ne récolter que le maigre et honteux taux de participation de 5%, absolument disproportionné par rapport aux millions de dinars dépensées à l’effet. Mais la plaie ne trouve pas foyer dans la dépense publique inutile et décidée pour satisfaire à des caprices personnels; elle trouve origine dans le fait qu’aujourd’hui, le loser est devenu député au parlement ! La gifle !

C’est alors que toutes les certitudes s’ébranlent, toutes les convictions et même les intuitions perdent crédibilité et se voient reniées, sacrifiées sur l’autel des vérités frappantes et fort dérangeantes. L’on accusera Hafedh Caïd Essebsi d’avoir voulu faire mainmise et d’avoir mal joué ses cartes conduisant ainsi à cet échec luisant des deux partis amis au profit de l’ennemi dit «commun» : Moncef Marzouk. Yassine a donc… gagné !

Les voix se sont levées en chœur : nous devons tirer immédiatement les enseignements qui découlant des faits réels avec des résultats réels mais ô combien décevants ! Soit ! Les prochains jours nous prouveront qui a le souffle le plus long : les paroles vives et enthousiastes ou les consciences alarmées et actives?

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