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Tunisie : Un vieux système politique dans l’impasse

En Tunisie, tout se passe comme si on a affaire à un pouvoir qui ignore les attentes de la population et qui cherche à assurer le contrôle du pays au profit d’une vieille clientèle.

Par Néjib Tougourti *

Le début de la nouvelle année 2018 a coïncidé avec une importante augmentation des prix. Une mauvaise nouvelle pour les Tunisiens, qui ont réagi, dans l’ensemble, avec colère.

Certains d’entre eux se sont défoulés sur les forces de l’ordre et des édifices publics, par des jets de pierre et des actes de pillage, qui ont émaillé des manifestations nocturnes.

Ces démonstrations ont été accueillies avec une certaine compréhension, voire une empathie à l’étranger.

Les critiques mal acceptées de la presse étrangère

Le gouvernement a fait semblant d’être surpris par la réaction de la rue et son intensité, affirmant, avec force, qu’il a tout fait pour que ces augmentations restent raisonnables et ne grèvent pas, lourdement, le budget des familles des classes moyennes et nécessiteuses.

Le président de la république, dans une brève introduction à une réunion impromptue des signataires de l’Accord de Carthage, a critiqué la presse étrangère, l’accusant de nuire à l’image du pays et d’agir sur l’instigation de certaines parties tunisiennes hostiles.

Un discours d’un autre âge, d’une autre époque, qui a suscité des réactions de réprobation et d’indignation, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays. D’autant plus que la presse étrangère n’a pas, en réalité, exagéré les faits et qu’elle est restée, dans l’ensemble, objective.

Tout simplement, elle n’a pas donné raison au pouvoir. Elle lui a reproché son inefficacité et son manque de transparence, ce qui est vrai, et d’avoir pris des dispositions sans grande considération pour la gêne financière qu’elles peuvent occasionner dans de nombreux ménages des classes moyennes et des plus démunies.

«Mais où allons-nous ?», se demandent les Tunisiens

Il y a eu de nombreuses arrestations, qui ont été, aussi, critiquées dans la presse étrangère. Il y a eu des accusations portées, sans preuve, contre des partis politiques, par le Premier ministre, lui-même.

D’une façon générale, l’impression était celle d’un pouvoir dépassé par les événements, qui patauge, qui louvoie, pour gagner du temps et faire passer des décisions, dont le bien fondé reste à démontrer.

«Mais où allons-nous», se demandent, avec inquiétude, les Tunisiens? Comment continuer à faire confiance à un tel pouvoir, sans programme, sans politique cohérente, incapable de prendre des décisions courageuses, pour faire sortir le pays de sa crise actuelle et réussir la transition, qui n’est pas seulement démocratique mais aussi politique et sociale? Ils constatent avec désespoir et consternation que rien n’a encore été fait pour un assainissement nécessaire des institutions, des structures administratives et financières, pour une lutte efficace contre la corruption, et un changement radical des comportements et mentalités : une plus grande application dans le travail, servir le pays avec abnégation et préserver ses biens et ses richesses.

Un pouvoir politiquement et socialement déphasé

Tout se passe comme si on a affaire à un pouvoir qui suit un agenda tout à fait différent, qui ignore les attentes de la population, et qui n’a d’autre but que d’assurer son contrôle sur le pays, aussi longtemps que possible, et de préserver les acquis et les privilèges d’une minorité de sa clientèle.

Une façon de penser, d’agir et de gouverner, identique à celle des périodes de Bourguiba et Ben Ali. Un modèle qui, manifestement, n’est pas celui dont le pays a besoin en ce moment.

Les responsables qui s’agitent sur des plateaux de télévision, semblent tout à fait hors du coup, dans l’ignorance totale de leur mission.

Un pouvoir historiquement, politiquement, et socialement, déphasé, qui semble évoluer dans un monde révolu, et qui continue à se comporter d’une façon inadéquate et inappropriée, suscitant l’étonnement et l’amusement, parfois, l’incompréhension, voir l’indignation et la colère, le plus souvent.

Malheureusement, une partie des médias et de l’administration continuent à soutenir ce système d’une époque antérieure, qu’on croyait mort, enterré, totalement démantelé, mais qui, en fait, a réussi à survivre. Tout indique, pourtant, qu’il ne répond plus aux besoins de l’époque et d’un peuple qui a radicalement changé.

C’est donc l’impasse dont l’issue est encore incertaine. Le système réussira-t- il sa mutation ou finira-t-il par disparaître d’une fin violente, ou moins brutale, lente et progressive, sous l’effet de ses contradictions et de la pression des nouvelles réalités locales, régionales et internationales?

* Médecin.

Tunisie : Le péril est inhérent au système politique

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