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FITA 2018 : Des investisseurs africains au service de l’Afrique

Les premières impressions du 1er jour des travaux du FITA (Financing investment and Trade in Africa), organisé à Tunis les 6 et 7 février 2018, sont positives et porteuses d’espoir. 

Par Zohra Abid 

Principale conclusion de la 1ère journée de cette grand-messe sur l’impulsion de l’investissement en Afrique, organisée par le Tunisian-Africa Business Council (TABC) : beaucoup d’opérateurs économiques tunisiens sont déjà implantés en Afrique subsaharienne où ils font de bonnes affaires, mais la majorité d’entre eux piaffent encore d’impatience d’y aller eux aussi, et ils se plaignent de nombreux obstacles et handicaps, liés aux problèmes de la logistique et du transport, aérien et maritime, ainsi qu’à la réticence des banques tunisiennes de leur garantir un accompagnement adéquat.

Si les banques font un petit effort pour contribuer au financement des opérations projetées par les investisseurs tunisiens intéressés par l’Afrique subsaharienne, une région en pleine croissance et où ils ont tant à apporter, les échanges commerciaux et les investissements tunisiens dans le continent seront doublés voire triplés en quelques années.

Pourquoi donc hésiter encore, quand on sait que l’Afrique est, aujourd’hui, un vaste champ riche de ressources, naturelles et autres, qui attire de plus en plus d’opérateurs économiques internationaux en quête d’opportunités : contrats d’exploitation, investissements, exportations de biens et services…

Il est loin le temps où le continent avait image négative parmi la communauté des affaires. Aujourd’hui, tout le monde y va, car il y a des fruits à cueillir.

Le financement reste le principal obstacle au développement de l’investissement en Afrique. 

De l’Afrique vers l’Afrique

«En tant qu’Africains, nous devons nous donner les moyens d’échanger de façon directe, libre, équilibrée et durable. C’est exactement l’objectif de cette conférence internationale Financing investment and Trade in Africa (FITA): trouver des solutions aux problèmes que rencontrent les opérateurs économiques tunisiens dans leur approche du marché africain et rapprocher et mettre en relation les différents acteurs dans le continent», a lancé Bassem Loukil, président du TABC, dans son discours inaugural, devant des centaines d’invités: ministres, ambassadeurs, dirigeants d’institutions et agences financières panafricaines et internationales, ainsi que des chefs d’entreprises et des acteurs économiques venus de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne.

Ce forum, organisé en collaboration avec le ministère du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, ainsi que ceux du Commerce et des Affaires étrangères, vise à favoriser les échanges de vues sur les moyens de multiplier les investissements et les échanges commerciaux inter-africains et, surtout, de trouver les financements adéquats pour ces opérations, a encore souligné M. Loukil.

Bassem Loukil et Hani Sunbol signent l’accord entre le TABC et l’ITFC.

Les exportations de la Tunisie vers les pays africains sont très faibles, a reconnu d’emblée le ministre du Commerce, Omar El-Behi. «Elles représentent moins de 3% du total des exportations tunisiennes. Quant à nos exportations vers les pays du Maghreb, elles ne dépassent guère 5% du total, alors qu’elles dépassent 60% vers l’Europe», a indiqué le ministre du Commerce, en rappelant, à titre de comparaison, que les échanges commerciaux des pays de l’Afrique de l’Est entre eux atteignent 25% de leurs échanges totaux.

M. El-Behi a indiqué que le gouvernement tunisien a pris conscience de cette situation et oeuvre aujourd’hui en vue de la changer, annonçant la tenue, les 24 et 25 avril prochain, à Tunis, d’une grande conférence sur l’enseignement supérieur en Afrique, qui sera axée sur l’ingéniorat, les finances et la santé.

L’Afrique au cœur de la Tunisie

La Tunisie, dont les échanges se font essentiellement avec l’Europe, a beaucoup souffert durant la crise économique qui a frappé le Vieux Continent entre 2008 et 2016. Aussi doit-elle œuvrer désormais à diversifier ses partenaires commerciaux. «Ce n’est pas un choix, c’est une nécessité vitale», a souligné M. El-Behi.

«Aujourd’hui, l’Afrique est au cœur de nos orientations stratégiques. Les relations avec les pays africains doivent se baser sur des intérêts partagés», a-t-il ajouté, tout en admettant que plusieurs défis restent encore à relever. Il en a cité le manque d’information sur le financement, la rigidité de l’administration ou encore les problèmes du transport. «La Tunisie est consciente de ces problèmes et elle est déterminée à œuvrer pour lever tous les obstacles», a-t-il conclu sur un ton volontariste qui, espérons-le, ne s’arrêtera pas aux belles déclarations d’intention et sera suivi d’actions.

Les entreprises tunisiennes sont engagées en Afrique depuis les années 1970.

Zied Laadhari, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, a insisté, lui aussi, sur l’intérêt grandissant qu’accorde le chef du gouvernement Youssef Chahed au développement des relations avec l’Afrique, ce dont témoignent les deux tournées qu’il a effectuées dans plusieurs pays du continent en moins d’un an. «Depuis quelques années, on est en train de redécouvrir notre africanité. Cet intérêt pour l’Afrique est réel et nous sommes en train d’organiser de plus en plus événements africains dans notre pays. Il est très important de parler de cette dynamique d’échange, notamment entre les opérateurs du secteur privé, qui ont, dans ce domaine, une longueur d’avance sur leurs collègues du secteur public, plus lents à capter les enjeux et à s’engager dans de nouvelles dynamiques», a souligné le ministre.

Il y a certes, aujourd’hui, cette conviction largement partagée, mais comment la transformer en dynamique continentale?, s’est interrogé le ministre, qui a rappelé, au passage, que la Tunisie est déjà devenue membre observateur dans la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), car, a-t-il expliqué, le rôle des décideurs publics est de créer les cadres juridiques et institutionnels nécessaires pour donner corps à la  dynamique économique continentale souhaitée et accompagner les opérateurs privés dans leurs différentes  opérations. «Nous sommes sur la bonne voie, mais il faut accélérer le mouvement et trouver les bonnes passerelles pour une intégration globale du continent», a souligné le ministre.

Donner une autre image du continent

Le ministre Laadhari a aussi évoqué le problème du déficit d’image dont souffre encore l’Afrique, héritage d’un passé déjà lointain. «Pour corriger les mauvaises perceptions, il faut promouvoir l’image d’un continent d’avenir, avec sa jeunesse, ses richesses humaines et ses ressources naturelles qui ne sont pas assez bien « marketées »», a-t-il lancé, en insistant sur la nécessité de développer et de connecter les infrastructures africaines, notamment en ce qui concerne les transports maritime, aérien et routier, qui sont encore en-deçà des besoins et des attentes.

«Les besoins et les enjeux sont énormes, mais il y a encore malheureusement un manque flagrant d’intérêt et de conviction pour investir. Il nous faut aussi inciter à l’innovation, à la transformation digitale et au développement des startups», a conclu le ministre, dans une sorte d’ouverture sur l’avenir.

Fofana Ibrahima Kassory, ministre d’Etat guinéen chargé des Investissements et des Partenariats public privé, a, enchaîné en déclarant que «les obstacles, dont la corruption, sont, hélas, encore énormes, mais les investisseurs tunisiens ne doivent pas hésiter. Ils doivent croire au changement, comme nous, nous y croyons». Et M. Kassory d’admettre, en citant des récentes études, que le financement demeure le maillon faible et le principal problème à régler.

Après les paroles, il va falloir passer à l’action.

Rappelons qu’en marge des travaux du FITA, un accord de partenariat de 3 ans a été signé entre le TABC, représenté par Bassem Loukil, et l’International Islamic Trade Finance Corporation (ITFC), représenté par son Ceo, Hani Sunbol. Ce premier jalon va encourager d’autres responsables de banques à s’engager à aider les investisseurs portant de grands projets de développement en Afrique.

«Au moment où les banques n’accordaient pas de crédits pour de pareils projets structurants, notre institution, fondée en 1970, était la première à le faire. Nous avons débloqué, en 2017, plus de 70 milliards de dollars pour aider à l’investissement. Les relations entre les pays arabes et africains remontent à plusieurs siècles, nous devons reconstruire les passerelles. Nous sommes disposés à financer la construction de ponts et de routes dans  tout le continent. La Tunisie, qui a une expérience dans ce secteur et dans celui de l’agro-alimentaire et de la fabrication des médicaments peut en bénéficier», a lancé Hani Sunbol, en souhaitant que les hommes d’affaires vont bénéficier des 2 jours de la conférence pour convaincre des partenaires financiers et trouver rapidement des solutions de financement pour leurs projets en cours. L’Afrique a besoin d’accélérer son rythme de développement et elle offre désormais des opportunités réelles pour les investisseurs, a-t-il conclu.

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