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Limogeage de Chedly Ayari: Et maintenant, où va la Tunisie ?

La question, aujourd’hui, c’est la suite que donnera Youssef Chahed au limogeage de Chedly Ayari qui suscite nombre d’interrogations.

Par Marwan Chahla

Sur le papier, les choses sont d’une clarté limpide: le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a été poussé vers la sortie et une sommité tunisienne des finances et de l’économie, Marouane El-Abassi, assumera désormais cette charge. Il n’y aurait plus que quelques dernières formalités à accomplir, telles que l’approbation du départ forcé de M. Ayari par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), l’acceptation par nos législateurs de son remplaçant et… le passage du témoin entre le prédécesseur et son successeur… Rien de plus, rien de moins – et comme si de rien n’était.

Au plus mauvais moment

Comme si la Tunisie n’allait plus figurer sur la «liste grise» des pays considérés par l’Union européenne (UE) comme «paradis fiscaux» et comme si Chedly Ayari était seul responsable du fait que la même UE ait infligé à notre pays cette autre accusation d’être une lessiveuse d’argent sale et de financer le terrorisme.

Et comme si, également, Youssef Chahed, «à la tête» des affaires du pays depuis plus d’un an et demi et de deux équipes gouvernementales, ne pouvait pas savoir ce qui se tramait dans les chancelleries européennes. Comment est-ce possible que tout cela ait pu échapper au chef du gouvernement, et, surtout, aux nombreux conseillers, experts et ministres qui l’entourent? Comment est-ce possible que la Tunisie soit corrigée à deux reprises en l’espace de deux mois – le 5 décembre dernier et cette semaine – par son allié européen.

Mettons de côté toutes ces spéculations sur «l’intention politique» (?) de cette accusation européenne de la Tunisie d’être «un pays exposé au blanchiment d’argent et financement du terrorisme.» Mettons également de côté ces rumeurs sur les manques de réactivité de la partie tunisienne, les retards pris par les correspondances entre Tunis et Bruxelles et le manque de savoir-faire du lobbying de nos diplomates. Mettons aussi de côté cette absurdité du complot ourdi contre «la jeune démocratie tunisienne. »

Focalisons plutôt sur les implications immédiates de ce départ de Chedly Ayari – car, sur le terme moyen d’une année ou deux, la Tunisie parviendra à mettre de l’ordre dans ses affaires et finira par ne plus figurer sur les listes européennes des paradis fiscaux, du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme.

Quid maintenant de l’emprunt obligataire ?

La Tunisie se préparait à émettre, le mois prochain, un emprunt obligataire sur le marché international d’une valeur d’un milliard de dollars. Un retard de lancement de cette sortie internationale serait un coup dur pour un gouvernement de Youssef Chahed, qui est à court d’argent et qui, il y a à peine un mois, faisait face à une sérieuse grogne de la rue…

Pour rappel, donc, il était prévu que Chedly Ayari et le ministre des Finances Ridha Chalghoum aillent mener, à Londres, Paris et Berlin, l’opération marketing de cet emprunt obligataire d’un milliard de dollars. Le chef du gouvernement ne s’est toujours pas prononcé sur les suites qu’il donnera à cette mission Ayari-Chalghoum – si elle est maintenue et si Marouane El-Abassi, fraîchement débarqué à la tête de la BCT, allait être du voyage…

Pour Riccardo Fabiani, analyste principal pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord auprès du consultant international en risque politique Eurasia Group, la mise à l’écart de Chedly Ayari «est plutôt une mauvaise chose du point de vue de son timing. Cela envoie indéniablement un signal très négatif. (…) Je ne serais pas surpris si les autorités tunisiennes finissent par tout simplement reporter l’émission de cet emprunt obligataire –surtout que, actuellement, le contexte n’est pas favorable à cette sortie sur le marché international…»

Pire encore, selon l’économiste Ezzeddine Saïdane, cité par ‘‘Bloomberg’’, l’émission obligataire de mars prochain sera reportée et ce retard «aura des conséquences graves sur les réserves en devises de la Tunisie et sur les capacités du pays à rembourser ses dettes.»

Ainsi, il devient clair que s’il a report de cette sortie de la Tunisie sur les marchés internationaux pour lever un milliard de dollars, les avoirs en devises du pays ne seront pas confortés – au contraire, ils baisseront même si les exportations reprennent des couleurs et que la reprise de l’activité du tourisme se confirme…

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