Accueil » Tunisie : La corrélation démocratie-développement va-t-elle de soi ?

Tunisie : La corrélation démocratie-développement va-t-elle de soi ?

Les prochaines municipales pourront être décisives pour l’avenir de la Tunisie, en ce sens où la décentralisation pourrait, du moins théoriquement, aider à améliorer la situation socio-économique.

Par Karim Abdessalem *

«La tyrannie d’un prince ne met pas un état plus près de sa ruine que l’indifférence pour le bien commun n’y met une république», écrivait Montesquieu.

Il est encore tôt pour juger définitivement des résultats de notre transition démocratique, du moins dans sa globalité. Mais, autant nous pouvons affirmer que sur le plan du droit politique elle est une réussite, autant sur les plans économiques et sociaux, nous pouvons en douter.

Les avantages acquis après le 14 janvier 2011, citons par exemple le droit de vote, la liberté d’expression ou la liberté d’association semblent largement contrebalancés, entre autres, par la baisse du pouvoir d’achat, l’insécurité croissante et la dérégulation des services publics. Le sentiment général est au désenchantement face aux inégalités persistantes et à l’absence de progrès tant attendu dans la vie de tous les jours.

Parlementarisme et revendications sociales coûteuses

Si dans beaucoup de pays la démocratie accompagne et favorise le développement, elle n’en représente pas toujours une condition nécessaire et peut parfois arriver à l’entraver.

Les «tigres» et les «dragons» de l’Asie du sud-est sont de bons exemples de réussite économique sous régime fort. Sans oublier la Chine, qui doit son essor plus à l’action volontariste du parti qu’à l’alternance au pouvoir et à la liberté de la presse. Le succès semble dû à la rapidité du processus décisionnel entre acteurs économiques et dirigeants politiques faisant fi de tout parlementarisme, et à des orientations économiques généralement favorables aux investissements productifs plutôt qu’aux revendications sociales coûteuses.

Par contre, du Pakistan au Venezuela en passant par le Nigéria et, à l’instar de la Tunisie, les exemples de pays où l’engagement sur la voie démocratique ne s’accompagne pas du développement escompté ne manquent pas.

L’échec est ici lié à plusieurs facteurs : instabilité politique et changement fréquent de gouvernement, obstacles aux grandes réformes par les grèves et les mouvements revendicatifs, diffusion de la corruption, etc.

Elections municipales, décentralisation et gouvernance locale

Dans notre pays, les jeux ne sont pas encore faits et les prochaines élections municipales, première étape de la décentralisation, seront cruciales.

Celle-ci doit être interprétée sous les angles politique et socio-économique.

La décentralisation a été pensée et constitutionnalisée pour ce qu’elle représente comme avancée démocratique et comme rempart contre les dérives de l’autoritarisme central qui caractérisait le régime Ben Ali. De ce point de vue politique, on peut croire en effet aux intérêts de la décentralisation.
Maintenant, peut-on s’attendre à ce que la décentralisation améliore la situation socio-économique?

En théorie, oui, en pensant que la distribution du pouvoir à l’échelle locale proche du citoyen favorisera sa participation aux décisions qui le concernent et que, en connaissance précise des besoins, la gestion des deniers publics n’en sera que meilleure et plus équitable. Ainsi, la décentralisation sera la clé de l’égalité, l’efficacité et la stabilité.

Dans la réalité ce n’est pas aussi simple. Parce que les régions étant inégalement attractives et le rendement fiscal local faible, la gestion autonome, plutôt que de les aplanir, risque de creuser les inégalités socio-économiques, et parce que nous avons besoin d’un état fort et sain capable de contrôler l’action locale et de redistribuer les richesses dans l’intérêt de l’unité nationale, ce qui est loin d’être le cas.

Finalement, ces prochaines municipales seront décisives pour l’avenir du pays et exigent une large mobilisation. Par rapport aux élections législatives de 2014, le nombre de listes candidates est faible. Il sera en moyenne de 6 listes par circonscription. Il sera donc facile de choisir les personnes dignes de confiance et compétentes. Bougez afin de protéger le bien commun.

* Médecin et activiste de la société civile. 

Articles du même auteur dans Kapitalis: 

Les élections municipales pour les nuls

La Marsa redit non à la corruption

La fin de vie et l’acharnement thérapeutique

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.