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France : L’étonnante convocation judiciaire de Karima Souid

En France, y a-t-il une liberté d’expression pour les Français dit «de souche» et une autre, minorée et à géométrie variable, pour les autres Français «issus de l’immigration»?

Par Jamel Dridi

Interrogés, plusieurs habitants de Vénissieux (France) s’indignent de la convocation d’une personne qui réclame plus de police, plus de justice, plus d’Etat face à un trafic de drogue qui augmente!

L’affaire commence à faire du bruit dans les rues de Vénissieux. Karima souid, connue et respectée pour être une militante des droits humains, et pour s’investir dans la lutte contre la misère sociale, forte à Vénissieux, est convoquée devant la 13e chambre du tribunal correctionnel de Lyon, demain, vendredi 23 mars 2018, alors que, paradoxalement, face à un trafic de drogue grandissant, elle réclamait plus de police, plus d’Etat.

Convoquée pour avoir dénoncé le laxisme de la police

Interrogé, Farès, un quadragénaire de Vénissieux, s’étonne : «Pourquoi convoquer Karima Souid si ce n’est pour limiter sa liberté d’expression et éviter que l’on se penche sur ce qui se passe à Vénissieux? C’est guignolesque et surtout bizarre ! Tu dénonces un trafic de drogue et c’est toi qui te retrouve devant la justice !»

Ce père de famille en colère ajoute : «Karima Souid serait convoquée pour un post facebook insultant à l’égard de la police? Quelle blague ! Mais on se fout de la gueule du monde ou quoi ? Tous les jours, sur internet, sur facebook ou twitter, des personnalités connues font le buzz en insultant vraiment, pour le coup, des ministres ou la police. Regardez Mathieu Kassovitz, tous les jours il insulte la police sur twitter. Que lui arrive-t-il? Rien. Il est convoqué par la police, la justice? Non! Alors pourquoi Karima Souid l’est- elle? Cette affaire est bizarre».
Certains ici à Vénissieux, fortement touchés par les discriminations et le racisme, ne s’étonnent pas, et rappellent qu’on est en France et que même la liberté d’expression connaît des paliers.

«Il y a la liberté d’expression pour les Français dit ‘‘de souche’’ et il y a celle pour les autres Français ‘‘issus de l’immigration’’» rappelle Farid.

Rachid, un habitant du quartier Leo Lagrange, qui est au courant de l’affaire, apporte son soutien à Karima et explique : «Quand tu es blanc et que tu t’appelles Mathieu ou Gérard, tu peux être virulent verbalement. Tu peux protester dans un contrôle de police ou dire ses quatre vérités à un élu. Les autorités te laisseront tranquilles car c’est ta liberté d’expression. Mais quand tu t’appelles Aziz ou Karima, si tu te comportes de la même façon, d’un coup, la liberté d’expression disparaît. On va tout de suite de taxer de violent, de délinquant; on parle tout de suite d’outrage, de violence verbale. Quand pour l’autre on parlait de liberté d’expression, pour toi on parle d’acte illégal; et après ils vendent au monde liberté, égalité, fraternité, pfff !»

Fréderic, habitant le centre-ville de Vénissieux, s’étonne aussi de la célérité de la justice à convoquer quelqu’un qui est du côté de l’Etat français, quelqu’un qui lutte contre les trafics de drogue et il explique: «Les habitants en ont assez de ne pas être respectés par les autorités et la police et de rappeler que ce n’est pas la première fois que le commissariat de police fait parler de lui».

Le passé peu glorieux du commissariat de Vénissieux

On lui demande de préciser : il manipule son téléphone portable, le temps de nous montrer des dizaines d’articles de journaux nationaux datant de 2012. En effet, à cette époque, la France entière avait entendu parler de cette incroyable affaire du commissariat de Vénissieux où 7 policiers venaient d’être arrêtés. La raison : ils protégeaient et rendaient des services à des caïds de la drogue de Vénissieux en échange de voitures, téléphones et repas dans des restaurants.

Une recherche rapide sur Google permet effectivement de tomber rapidement sur ces articles du ‘‘Monde’’, de ‘‘L’Express’’, et, qui avaient défrayé la chronique judiciaire, où l’on apprend que ces policiers «protégeaient les trafiquants de drogue contre rémunération». Cette affaire avait fait déclarer le Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, qu’il fallait «faire un grand nettoyage dans ce commissariat de Vénissieux».

Et c’est aujourd’hui paradoxalement pour avoir fait la lumière et dénoncé ces trafics de drogue à Vénissieux que Karima Souid se retrouve convoquée.

Pour les habitants interrogés, au-delà de la liberté d’expression à géométrie variable constatée, la convocation d’une personne qui tente d’endiguer un trafic de drogue, dont ils ont assez, est pour le moins étrange.

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