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Huile d’olive en Tunisie : La révolution verte suit son cours

Trouver sa place parmi les autres huiles d’olive, qui ont dominé les marchés mondiaux pendant si longtemps, n’est pas une tâche aisée pour notre produit agricole n°1 en Tunisie. Les atouts sont là. La volonté, aussi…

Par Cain Burdeau

En Tunisie, sept ans après la révolution du 14 janvier 2011 qui a mis fin à la dictature, la production d’huile d’olive extra-vierge de haute qualité est devenue un symbole de renouveau et un cri de ralliement pour préserver la démocratie naissante et sauver l’économie affaiblie.

Les antioxydants, valeur inestimable de l’huile d’olive tunisienne

Durant la dernière décennie, la fabrication d’huile d’olive en Tunisie est passée du stade de la production d’une huile d’olive en vrac bon marché destinée à l’exportation vers l’Italie et sur d’autres marchés –où cette huile d’olive tunisienne est mélangée à d’autres huiles, où elle est frauduleusement mise en bouteille et vendue à des prix prohibitifs– au palier supérieur de la création et la valorisation des marques locales indépendantes.

En 2016, le quotidien américain ‘‘New York Times’’ n’a pas hésité à qualifier cette mutation de la production d’huile d’olive en Tunisie de «révolution.»

«L’on trouve ici de très bonnes huiles et les gens ne le savent», déclare Karim Fitouri, producteur tunisien d’huile d’olive et fondateur de la marque Olivko, au site ‘‘Olive Oil Times’’. (‘‘OOT’’). «Aujourd’hui, nous assistons au moment le plus important de l’histoire de l’huile d’olive [en Tunisie], depuis l’époque romaine», ajoute-t-il.

En effet, la Tunisie était très appréciée par l’empire romain, notamment ses terres, pour les cultures de l’olive et du blé, piliers forts de cet empire. A titre d’exemple, c’est cette richesse de l’huile d’olive tunisienne qui a justifié la construction d’un immense amphithéâtre à El-Djem, sur les plaines arides près de Sfax. Cet édifice grandiose rivalisait avec des constructions aussi prestigieuses que le Colisée de Rome…

Chokri Bayoudh.

On ne saurait surestimer l’importance de l’huile d’olive en Tunisie. Il s’agit de la plus importante exportation agricole du pays, estimée à 374 millions de dollars (près de 900 millions de dinars tunisiens) en 2016, selon des données de la Banque mondiale (BM).

Aujourd’hui, ce qui est peut-être plus important, ce sont les qualités insaisissables de l’huile d’olive tunisienne et ses vertus: l’espoir est que la Tunisie acquiert une réputation mondiale de fournisseur d’huile d’olive de la plus haute qualité.

Comment ? Les producteurs tunisiens déclarent que leur huile d’olive est la meilleure au monde –une affirmation répétée à satiété au journaliste de ‘‘OOT’’qui a fait le déplacement en Tunisie afin de mieux comprendre la manière de produire l’huile d’olive dans ce pays.

«Ce sont les antioxydants», explique Habib Douss, chercheur indépendant, expert agronome et chimiste. Pour lui, «c’est cela la véritable particularité de l’huile d’olive tunisienne», insiste-t-il.

Les oléiculteurs appuient leur argumentaire de vente en se référant aux récents résultats d’une série d’enquêtes menées par des experts japonais qui ont découvert que les huiles tunisiennes recèlent des richesses en polyphénols élevées. Les polyphénols sont des molécules organiques présentes dans le règne végétal qualifiées de bénéfiques pour la santé: «les antioxydants, c’est cela la valeur inestimable de l’huile d’olive pour la santé», soutient mordicus Habib Douss.

L’olivier, arme de la lutte anti-terroriste

Il existe une théorie selon laquelle les oliviers tunisiens développent plus de polyphénols en raison de la semi-aridité du climat tunisien.

L’autre argument de vente majeur de la Tunisie tient au fait que les huiles d’olive tunisiennes proviennent pour une bonne partie d’un mode de production organique. En raison de l’aridité du climat en Tunisie, l’utilisation de pesticides et d’herbicides deviendrait essentiellement superflue. En outre, la majorité des exploitants tunisiens cueillent leurs olives à la main.

«Le plus important, me semble-t-il, c’est que la Tunisie est le premier producteur mondial d’huile d’olive organique et d’huile d’olive traditionnelle», affirme Zina Ely-Séide Rabia, 34 ans, productrice de la marque très prisée Ely-Séide qui a pignon sur rue partout en Europe.

Tenter d’imposer l’huile d’olive tunisienne sur les marchés internationaux est une approche multiforme qui est menée à la fois par les entreprises privées et le gouvernement.

Par exemple, l’Office national de l’huile, l’agence gouvernementale dédiée au secteur oléicole, organise pour la première fois un concours national visant à mettre en valeur les meilleures huiles d’olive extra-vierge du pays.

Pour sa part, le ministère de l’Agriculture a décidé de planter une dizaine de millions de nouveaux oliviers dans les régions du nord et du centre tunisiens, dans le but de venir en aide à ces zones rurales pauvres du pays et d’accroître la production nationale d’huile d’olive.

Ces arbres seront plantés dans des régions «que les terroristes tentent d’envahir», a déclaré le ministre de l’Agriculture Samir Taïeb à ‘‘OOT’’, ajoutant qu’«en plantant des oliviers, le gouvernement souhaite insuffler une nouvelle vie dans ces régions.(…) Ainsi, également, les terroristes n’auront plus place dans ces régions.»

«La Tunisie a réalisé beaucoup de progrès dans le domaine de la qualité de production d’huile d’olive», assure Chokri Bayoudh, directeur général de l’Office national de l’huile (ONH).

Pour la prochaine étape, il s’agit pour la Tunisie d’accroître sa mise en bouteille pour l’exportation. «La quantité la plus grande des exportations tunisiennes d’huile d’olive se fait en vrac. Par conséquent, il n’existe pas de possibilité d’identification du produit tunisien. Au bout du compte, le consommateur étranger ignore que la Tunisie est productrice d’huile d’olive et que cette huile est de très grande qualité», se désole Bayoudh.

Logiquement, donc, «nous travaillons sur ce dossier de la mise en bouteille de notre huile d’olive. C’est ce qui donnera une identité à notre huile – avec la mention ‘Made in Tunisia’ qui permettra aux consommateurs de se faire une idée précise sur les qualités du produit fabriqué en Tunisie», ajoute le directeur général de l’ONH.

Les exportations d’huile d’olive tunisienne 1990-1991/2016-2017.

Une réputation irréprochable

C’est cela, donc, l’objectif actuel de la Tunisie: la prochaine fois où vous décidez d’acheter de l’huile d’olive, les producteurs tunisiens souhaitent que vous éprouviez le besoin d’en savoir plus sur leurs marques et la qualité de leurs produits.

Pourtant, malgré tous ces efforts, des obstacles demeurent.

«La qualité, seule, ne suffit pas pour développer les exportations», indique Polymeros Chrysochou, expert en marketing auprès la l’université danoise d’Aarhus. Il estime que la Tunisie devra investir plus dans la promotion de ses huiles, de travailler encore plus, également, pour connaître les goûts des consommateurs et de construire «lentement et stratégiquement (…) une image de marque et une réputation qui permettront aux consommateurs étrangers d’accepter le pays comme producteur de qualité.»

Et dans ce domaine, la Tunisie est novice. Jusqu’en 1994, le gouvernement tunisien ne permettait pas les exportations privées d’huile d’olive et il détenait le monopole dans ce secteur.

Dans une récente étude, la Banque mondiale souligne que la Tunisie a très peu fait pour améliorer ses exportations. «Aucun effort efficace n’a été entrepris pour développer les exportations ou promouvoir les produits à plus grande valeur ajoutée, et le niveau général de la production d’huile d’olive primaire, comparé à son potentiel réel, reste très faible», estime ce rapport de la BM.

Un des mérites de l’huile tunisienne c’est que sa réputation est intacte, indique Chokri Bayoudh. «L’huile d’olive tunisienne est très appréciée aux Etats-Unis car l’huile italienne a eu beaucoup de problèmes de frelatage et de contrefaçon qui présentent des risques sérieux pour la santé. Et cela est même arrivé à des marques bien connues», déclare-t-il. «Pour notre part, nous n’avons pas ce type de problèmes», ajoute-t-il.

Chrysochou appuie l’avis du DG de l’ONH et ajoute que «le manque de familiarité avec les huiles tunisiennes peut s’avérer avantageux, car ces commencent avec une ardoise propre: bien que la méconnaissance [des huiles tunisiennes, ndlr] puisse représenter un obstacle, à mon avis, ce serait plutôt un atout.»

Pour illustrer ses propos, Chrysochou donne l’exemple suivant: il est plus facile de croire en l’honnêteté d’une personne que vous rencontrez pour la première fois que de changer votre opinion sur quelqu’un qui a été malhonnête avec vous par le passé.

Reportage traduit de l’anglais par Marwan Chahla

*Le titre et les intertitres sont de la rédaction.

Source: ‘‘Olive Oil Times’’.

La Tunisie dément « 60 millions de consommateurs » et défend son huile d’olive

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