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Tunisie : Vers un gouvernement de salut public

L’idylle entre les deux cheikhs est-elle vraiment terminée?

Dans cet article, l’auteur, vieux routier de la scène politique, brosse un tableau apocalyptique de la situation actuelle en Tunisie. Pour en sortir, il préconise un gouvernement de salut public et un amendement de la constitution pour renforcer le poids du président de la république.

Par Ahmed Nejib Chebbi *

La situation politique tourne à la confusion. Le président de la république (Béji Caïd Essebsi, BCE, Ndlr) semble avoir perdu le pouvoir. Ultime épisode dans ses relations devenues tumultueuses avec le Premier ministre (Youssef Chahed, Ndlr), le limogeage du ministre de l’Intérieur (Lotfi Brahem, Ndlr) a scellé le divorce entre les deux hommes.

Consulté comme le veut la loi sur le remaniement ministériel, le président s’y oppose, le Premier ministre passe outre l’opposition présidentielle arguant que cela relève de ses prérogatives.

Fin de l’idylle entre Caïd Essebsi et Ghannouchi

Depuis plus rien ne va entre les deux têtes de l’exécutif. Youssef Chahed n’aurait pas eu la témérité de son acte s’il ne s’était assuré au préalable le soutien de Rached Ghannouchi (président du parti islamiste Ennahdha, Ddlr). Du coup les relations idylliques entre «les deux cheikhs» (Caïd Essebsi et Ghannouchi, Ndlr) s’en sont trouvées affectées. Le «consensus est terminé» se plait à répéter le chef de l’Etat à ses interlocuteurs privés. Et les islamistes n’ont plus de mots assez durs pour exprimer – toujours en privé – le mépris dans lequel ils tiennent BCE et son fils (Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif de Nidaa Tounes, Ndlr). Nidaa est bel et bien terminé, clament-ils, et il nous faut un nouvel allié «laïc» pour la prochaine législature.

Le Premier ministre s’est-il réellement libéré de l’emprise du président de la république? 

Reste le couple UGTT/Gouvernement. Par-delà les guerres de communiqués, Chahed semble amorcer un rapprochement pour ramener Taboubi (Noureddine, secrétaire général de la centrale syndicale, Ndlr) à de meilleurs sentiments et priver ainsi BCE d’un soutien politique redoutable. Le FMI, permettra-t-i à ce rapprochement d’aboutir, lui qui désormais s’arroge publiquement un droit de regard sur les relations entre les deux protagonistes?

Tous ces tiraillements et atermoiements se déroulent sur fond de crise sociale acerbe. Les couches populaires et les classes moyennes n’en peuvent plus : cherté de la vie, manque de médicaments et de consommables dans les hôpitaux, retard dans le remboursement des dépenses de soins et le paiement des pensions de retraite, menaces sur les salaires et les emplois, détérioration des services publics (éducation et transports, fuite des médecins vers l’étranger). La situation est grosse de risques et peut nous réserver bien des surprises dès l’automne prochain.

Paralysie de la présidence et apathie du parlement

Morale de l’histoire? La Tunisie ne peut se payer le luxe d’un gouvernement minoritaire. Elle ne peut souffrir qu’en catimini les islamistes exercent le pouvoir par le truchement d’un gouvernement à leur merci.
Face à la paralysie de la présidence et l’apathie du parlement, la société civile doit œuvrer à l’avènement d’un gouvernement de salut public. Sa tâche : apaiser les tensions par un compromis social, entamer les réformes et amorcer une relance de l’économie.

La deuxième urgence: affirmer l’unité de l’Etat dans le cadre d’un régime présidentiel démocratique où le poids du président n’est pas contrebalancé par celui du Premier ministre mais par la séparation des pouvoirs entre branches exécutives, législatives et judiciaires.

Le débat doit être entamé avec courage et sans détour.

Un dernier mot : cet amendement ne peut profiter à l’actuel président dont le mandat touche à sa fin mais ouvrira à l’avenir la voie à la stabilité et l’unité de l’Etat.

* Président du Mouvement démocratique. 

** Le titre et les intertitres sont de la rédaction. 

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