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Festival de Carthage : Willy William en service minimum

Willy William derrière ses platines (Ph. Festival de Carthage).

Mercredi 25 juillet 2018, jour de fête nationale en Tunisie, et jour de passage de Willy William au Festival international de Carthage. Le public a eu droit à un show médiocre tant sur le plan musical que visuel.

par Seif-Eddine Yahia

Auteur compositeur, interprète et DJ, Willy William était en concert à Carthage pour un spectacle d’une heure et demi. Avant son entrée sur scène, la voix de la speakerine indiquait que «partout où il passait, il faisait la différence». Un message qui, au vu du show présenté, pouvait s’apparenter à de la publicité mensongère.

Chansons pour clubs et tubes de l’été

Willy William a commencé au sein du Collectif Métissé, un groupe connu pour fournir à intervalles réguliers des tubes de l’été mélangeant paroles insipides, chorégraphies simplistes et mélodies entêtantes pour campings et clubs de vacances.

Après avoir été à bonne école, Willy William se lance dans une carrière solo avec des titres calibrés pour les rotations sur les radios et dans les discothèques comme « Ego » et « Te Quiero ».

Avant même le début du show, on part avec un a priori quelque peu négatif en raison du passé du chanteur en groupe ou en solo, mais dans ce genre d’événements on a souvent de bonnes surprises, car certains artistes optant pour des recettes faciles en studio compensent par un jeu de scène impressionnant ou une capacité à capter la lumière en concert… Sauf que là, ce n’était absolument pas le cas.

Service minimum et massacre de classiques

« Banana Boat Song », le standard d’Harry Belafonte, que tous les fans de Beetlejuice et de Lil Wayne ont aussi reconnu, a servi d’introduction à ce concert. Un moyen efficace de faire monter la température dans le public avant l’arrivée du DJ-chanteur.

Pour son entrée en scène devant un amphithéâtre rempli, Willy a repris (et massacré) le classique de Sting « Englishman in New York » dans un anglais plus qu’approximatif. Willy a ensuite interprété ses deux tubes « Ego » et « Te Quiero » sur la scène du théâtre romain, qui en a vu passer de bien meilleurs.

Pas de musiciens, pas d’effet de mise en scène, ni d’accompagnement : pour ses interprétations, Willy William s’est contenté de chanter, souvent faux, sur une bande pré enregistrée avant d’enchaîner sur un set de DJ d’une heure et demi, entrecoupé par des séquences d’animation dignes des GO de Club Med. Rien d’autre.

Ph. Festival de Carthage.

Ce set musical regroupait des morceaux très connus, et souvent appréciés par le plus grand nombre; morceaux que Willy William n’a pas hésité à salir par des découpages aléatoires, par l’ajout de sirènes inutiles ou par des transitions entre les morceaux absolument ratées. Le DJ prenait par ailleurs un malin plaisir à chanter, faux de surcroît, par-dessus des extraits de titres appréciés du plus grand nombre, comme: « What’s the Difference » de Dr Dre, « Suavemente » d’Elvis Crespo ou « I wanna be Startin’ Something » du regretté Michael Jackson entre autres.

Passant des sons merengue au hip hop ou à l’électro, Willy William a essayé de créer un mix éclectique afin de faire voyager le public. Mais cette version musicale du «tour du monde en 80 jours» se rapprochait plus de la très mauvaise version cinéma de Frank Coraci avec Jackie Chan et Michaël Youn que de l’œuvre originale de Jules Verne.

Ce set infernal s’est terminé par deux chansons : « Respect » d’Aretha Franklin, permettant de mettre un mot sur ce qui avait disparu au cours de cette soirée et « Cotton Eye Joe », la chanson de Rednex prisée par tous les DJ de mariage de France souhaitant assurer une ambiance festive en fin de cérémonie. Le fait de terminer par cette chanson nous incite à remercier le Seigneur de ne pas avoir eu droit un mix plus long qui se serait terminé à coup sûr par les « Lacs du Connemara », passage obligé pour tout mauvais DJ souhaitant finir son show en apothéose.

Des stratagèmes éculés

Willy William est parvenu à faire danser une grande partie du public, son objectif est donc atteint, je dois le concéder.

Mais n’oublions pas qu’avec des basses saturées, des tours de passe-passe de DJ de mariage et des enceintes poussées au maximum sur un rythme binaire, on peut faire danser beaucoup de monde en proposant le strict minimum.

Si une bonne partie du public était debout pendant le spectacle, cela n’enlève rien à la médiocrité du spectacle proposé par Willy WIliam à Carthage, et s’il a fait danser le public c’est seulement au moyen de stratagèmes de DJ éculés et non en raison de la qualité de son show.

Rappelons que les spectateurs présents ce soir-là ont déboursé entre 30 et 50 dinars selon le placement, pour un des spectacles les plus chers de ce festival.

Qu’ont-ils eu à ce prix ? Un set de DJ mal préparé et musicalement très pauvre, des transitions totalement ratées, un interprète chantant faux par-dessus ses propres morceaux, et des interactions avec le public des plus basiques.

Voilà ce qui a été infligé au public de Carthage, festival qui, rappelons-le est toujours considéré comme un des plus importants d’Afrique. Espérons que ce genre d’erreur de programmation ne se reproduira plus et que les organisateurs du festival ne proposeront plus à l’avenir de spectacles venant d’artistes dotés d’un répertoire aussi restreint et d’un jeu de scène aussi pauvre.

Le pouvoir insoupçonné de la musique de Willy William

En 1989, les Etats Unis décident de mettre fin au règne du général Noriega au Panama. Pour ne pas se faire capturer par l’armée américaine, Manuel Noriega décide de se réfugier dans l’ambassade du Vatican à Panama City. Noriega étant un fin mélomane, l’armée américaine choisit de mener une campagne de «torture musicale» contre l’ex-dictateur en envoyant dans les haut-parleurs autour de l’ambassade tout ce que «cara de piña» trouvait le plus infâme en termes de musique pour le faire céder. La «torture« dura trois jours avant que Noriega, excédé, ne décide de se rendre.

A l’époque, Willy William n’avait que neuf ans, mais soyez sûrs que s’il avait mixé pour le compte de l’armée américaine comme il l’a fait à Carthage, Manuel Noriega serait sorti au bout d’une heure trente de l’ambassade en demandant pardon pour tous les crimes qu’il avait commis par le passé.

Saluons donc le courage des spectateurs qui ont accepté de se déplacer en ce jour de fête nationale et de payer pour un des concerts les plus décevants du festival.

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